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Citations sur Nos vies en flammes (105)

Quand je repense à ce qui a défini ma génération, je ne vois pas tant la musique et les vêtements, le grunge et le hip-hop, les jeans baggy et les casquettes de base-ball serrées que la naissance de « Big Pharma ». Tous les gamins avec lesquels j’ai grandi s’étaient fait prescrire quelque chose. Chaque pub à la télévision s’achevait par une liste indéchiffrable d’effets secondaires. Encore maintenant, chaque armoire à pharmacie d’Amérique contient des cachets qui peuvent être pris à tort et à travers, des médicaments qui peuvent servir à se défoncer. (…)
Les premières drogues que nous avons prises nous ont été données par des médecins.
Voilà qui résume bien l’épidémie américaine des opioïdes. C’est l’histoire de labos pharmaceutiques balançant des cachets dans des communautés tout en minimisant ou en ignorant leur potentiel d’addiction et d’abus.
« La promotion et le marketing de l’OxyContin s’inscrivaient dans un contexte de libéralisation de l’usage des opioïdes dans le traitement de la douleur, particulièrement pour les douleurs chroniques non liées au cancer, expliquait un article de février 2009 de l’American Journal of Public Health. Purdue a mené une campagne “agressive” pour promouvoir l’utilisation des opioïdes en général, et de l’OxyContin en particulier. Rien qu’en 2001, le laboratoire a dépensé 200 millions de dollars en stratégies diverses afin de faire la promotion de l’OxyContin. »
Et : « Une caractéristique constante de la promotion et du marketing de l’OxyContin a été un effort systématique pour minimiser le risque d’addiction lors de la prise d’opioïdes pour le traitement de douleurs chroniques non liées au cancer. »
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Des années durant, il avait tenté de mettre le doigt sur le moment où les choses avaient commencé à se déliter. Aussi idiot que ça puisse paraître, il jugeait parfois responsable l’arrivée de la télévision. Quand les gens pouvaient voir ce que les autres avaient, ils se mettaient à le vouloir aussi. Ils entendaient la façon dont les gens parlaient de la montagne, et ils commençaient à lentement changer de discours. Les choses qui sur le moment avaient semblé insignifiantes et inoffensives représentaient, avec le recul, un commencement. Mais même avant ça, avant que l’extérieur exerce son influence, les communautés se divisaient et les gens partaient.
Quand l’exploitation forestière avait cessé et que les montagnes s’étaient retrouvées aussi nues que la lune, des familles avaient fait leurs valises et s’étaient rendues dans l’Ouest, dans des endroits comme l’Oregon et l’État de Washington où les arbres étaient encore intacts. Si vous faisiez un bond de soixante ans en avant, ça avait été la même histoire quand les fabriques de papier avaient fermé, quand les vieilles usines de plastique à l’extrémité sud du comté étaient parties, quand Dayco avait licencié tout le monde à Waynesville ou quand Ecusta avait disparu de Brevard. Des étrangers conduisant de belles voitures et portant de beaux costumes faisaient de belles promesses d’emploi, puis ils repartaient avec leur portefeuille en peau d’autruche bien garni une fois que tout ce qui pouvait être pris l’avait été. Les gens leur couraient désespérément après en agitant les mains dans la poussière et les gaz d’échappement, à bout de souffle, vaincus et brisés, et quand ils finissaient par s’arrêter et regardaient autour d’eux, ils se rendaient compte qu’ils étaient dans un endroit qu’ils ne reconnaissaient plus, qu’ils étaient aussi perdus que des chiens errants.
Ceux qui restaient élevaient leurs enfants dans l’espoir qu’ils s’en sortiraient mieux. Ils leur conseillaient de faire des études pour trouver un bon boulot qui ne rendrait pas leurs mains calleuses, qui ne leur crevasserait pas la peau, qui ne leur briserait pas les os. Nous ne voulons pas que tu sois obligé de travailler comme nous l’avons fait. Voilà ce qu’ils disaient, et c’était une pensée noble mais de mauvais augure. Car au lieu de rester ancrés à l’endroit qui portait leur nom, ils emportaient leur nom avec eux quand ils partaient. Le tissu même de ce qui avait autrefois défini les montagnes se fragmentait et était remplacé par des étrangers qui construisaient leurs résidences secondaires sur les crêtes et faisaient tellement grimper les prix de l’immobilier que les quelques gens du coin qui restaient ne pouvaient plus payer leur taxe foncière.
Évidemment, il y avait la drogue. Il y avait eu la décennie de la meth, la transition vers les antidouleurs et les seringues, et ce n’était pas tant un problème spécifique aux montagnes qu’un problème national. C’était le remède qui permettait d’échapper à la pauvreté systémique, le résultat d’une politique qui privilégiait les bénéfices aux dépens de la population depuis deux cents ans. Au bout du compte, c’était ça, la cause première de tout.
Mais il ne s’agissait pas uniquement d’économie, ni de drogue. Il s’agissait de l’abandon des valeurs. C’était remplacer le dur labeur par la commodité. C’était dire que le Starbucks le plus proche était plus important que chez soi.
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Le monde dans lequel il avait grandi, où un homme remboursait ses dettes et tenait parole, avait disparu. Il reconnaissait même à peine cet endroit.
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(...), mais le bien était le bien, et le mal était le mal, et nos vies étaient la somme de chaque choix que nous faisions. Qu'était un monde sans conséquenses ?
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Parfois il suffisait de quelques centimètres de sol dégagé pour stopper un incendie. D'un métre de terre nue pour stopper les flammes.
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Quand vous étiez le père d'un junkie, il y avait toujours cette ambivalence, parce que vous voyiez la même chose se répéter pendant des années et des années, et vous saviez au fond de vous que vous ne pouviez rien faire pour l'empècher. Mais au bout du compte, ce garçon recroquevillé dans ce lit demeurait votre fils, et c'était toujours ça qui l'emportait.
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Aujourd’hui, la transition des médicaments sur ordonnance aux opioïdes illégaux est quasiment un cliché américain. Demandez à n’importe qui dans ce pays, il y a des chances pour que tout le monde ait une histoire, la même histoire, une histoire comme un disque rayé, racontée encore et encore au point qu’elle a presque perdu toute signification : untel a été blessé au travail, ou untel s’est fait opérer, on lui a prescrit de l’OxyContin, il est devenu accro, et il a plongé dans l’héro.
La crise américaine des opioïdes est aussi banale et courante qu’un épisode de The Bachelor, et ça faisait longtemps qu’on la voyait venir. Ce que cette nation a connu au cours des deux dernières décennies est le fruit d’une culture pharmaceutique qui plaçait les profits avant les gens. Que les laboratoires aient fait gober des antidépresseurs ou des somnifères à des gosses de douze ans, ou qu’ils aient refilé des antalgiques tout en minimisant leur potentiel addictif, ce qui s’est passé est le résultat de la cupidité.
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Les gens qui n’ont pas grandi de cette manière ne comprennent pas ce qui peut pousser quelqu’un vers des drogues telles que la métamphétamine ou l’héroïne. Ils ne comprennent pas ce qui peut pousser un homme à boire comme mon grand-père. La raison pour laquelle ils ne peuvent pas le comprendre est qu’ils ne sont jamais tombés aussi bas. Quand tout ce qu’on a, c’est un billet de vingt dollars, vingt dollars ne repoussent pas les avis d’expulsion. Vingt dollars ne vous procurent pas une assurance-maladie. Vingt dollars ne suffisent pas à rembourser le prêt pour la voiture. Vingt dollars ne permettent même pas d’avoir de la lumière. Mais vingt dollars peuvent vous faire quitter ce monde pendant un petit moment. Rien qu’une minute. Juste le temps de respirer.
C’est ce que tous les junkies que j’ai rencontrés voulaient : rien qu’une seconde pour respirer.
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Depuis des siècles, l’histoire des Appalaches est celle d’intérêts extérieurs exploitant les ressources de la terre et de ses habitants, et repartant quand il n’y a plus rien à prendre. Ça a tout d’abord été le bois, puis le charbon. Maintenant c’est le tourisme, le développement foncier effréné, et la gentrification. L’histoire de ces montagnes a toujours été celle de déplacements et de promesses rompues. L’argent vient et repart. Les boulots se font rares et les gens s’en vont pour trouver du travail, pendant que d’autres restent pour grappiller ce qu’il y a à grappiller.
Les gamins avec lesquels j’ai grandi, des gosses qui avaient une vie aussi dure que celle de mon père, connaissaient des vérités que la plupart des gens ne découvrent qu’une fois adultes, pour autant qu’ils les découvrent un jour. Il y a un poème d’une de mes écrivaines préférées, la poétesse du Kentucky Rebecca Gayle Howell, intitulé « Ma mère nous a appris à ne pas avoir d’enfants », et dans ce poème il y a un vers dans lequel elle demande :
La délicatesse est-elle une ressource des privilégiés ?
Elle répond :
À cet égard, les miens étaient pauvres.
Nous nous battions pour manger et nous battions entre nous parce que
nous étions fatigués de nous battre. Nous n’avions pas le temps
de partager. À la place notre richesse était l’honnêteté,
Qui n’est pas la tendresse.
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Des empires étaient bâtis et détruits par l'arrogance. L'amour-propre suffisait à rendre les hommes aveugles. ( p 305 )
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