Citations sur Rêves de garçons (50)
Tous les ans, on raconte des histoires autour du feu de camp. (…) Année après année, on répète les mêmes histoires – épouvantables, terrifiantes et véridiques- et il y a toujours des filles pour se cacher le visage dans les mains pendant le récit.
Un jour il y eut celle-ci:
La jeune fille qui, un après-midi d’été, file en douce de Pine Ridge, la colo des pom-pom girls, avec deux copines dans une petite voiture de sport rouge, et qui sourit à deux garçons à bord d’un break mangé par la rouille.
J’ai compris à cet instant que ce qu’on dit est vrai - on peut vraiment sentir le regard d’un garçon posé sur soi.
L'acné qui lui couvrait le visage était de celle dont on imagine qu'elle brûlerait les doigts si on la touchait. Bourgeonnante, hargneuse, une acné coléreuse. (p.205)
Qui pouvait se représenter le monde s'il n'était pas né pour le voir ? En dehors de cette idée, quoi de plus absurde que la mort ? Qu'est-ce que la mort ?
La Mustang rouge, pareille à une idée fugace et brillante qu'on aurait trempée dans du sang, fonçait entre deux murs de pins blancs qui s'étiraient loin devant à perte de vue, et loin derrière, dans les limites du rétroviseur.
Je n'étais pas le centre de l'univers.
Mais je l'étais quand même un peu.
La Terre tournait autour du Soleil et non pas autour de moi. Mais rien de tout cela n'aurait existé si je n'avais pas été là pour le voir.
Si je n'avais pas été là tous les matins pour la regarder, la maquette du système solaire, de notre monde, ne tournerait autour de rien.
L'obscurité qui engloutit Pine Ridge après le coucher du soleil était si complète que j'avais l'impression de pouvoir en ramasser dans l'air pour en faire des boules. Je me la représentais caoutchouteuse, liquide, mais si épaisse qu'il aurait été impossible d'en effacer toutes les traces.
Tous les ans, on raconte des histoires autour du feu de camp. Au coeur de la flambée, il y a toujours une branche fine pourvue de mille aiguilles qui s'embrasent, rougeoient puis explosent tour à tour dans un sifflotement rapide avant de se flétrir.
Année après année, on répète les mêmes histoires - épouvantables, terrifiantes et véridiques -, et il y a toujours des filles pour se cacher le visage dans les mains pendant le récit.
[...]
Puis celle-ci :
La jeune fille qui, un après-midi d'été, file en douce de Pine Ridge, la colo des pom-pom girls, avec deux copines dans une petite voiture de sport rouge, et qui sourit à deux garçons à bord d'un break mangé par la rouille...
Or c'est bien ma simplicité qui me rendait populaire.
On m'élisait déléguée de ceci, de cela, de tout.
C'était ma récompense, le corollaire de mon charme et de mon amabilité. Personne ne s'y attendait. Si on est capable, en toute franchise, d'être sympa avec les filles moches, de sourire aux losers, aux débiles, de leur adresser la parole à la cafétéria comme s'ils étaient normaux, et de proposer à quelques-uns de venir aux soirées même quand les copines font semblant de vomir pendant qu'on leur lit la liste des invités, alors les gratifications sont innombrables.
Tout au long de son discours, Mary Beth ne cessa d'enrouler une mèche de ses cheveux blond vénitien autour de son doigt. Dès que l'une d'entre nous prenait la parole, Mary Beth, étant obligée de se taire, se mettait à les mâchonner - une habitude que j'ai perdue le jour où ma mère m'a raconté que lors d'une opération, on avait sorti trois kilos de cheveux de l'estomac d'une ado qui s'était plainte de maux de ventre. Cette image était restée gravée en moi - cette matière molle et détrempée extirpée du corps de cette fille comme un bébé ou un nid d'écureuils.