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Que dire de ce récit bouleversant? Sincèrement je ne sais pas par quoi commencer. D'abord, le deuil et les sentiments qui y sont liés nous accompagne tout au long de la lecture. L'autrice nous dévoile, à coeur ouvert, le traumatisme qu'elle et les autres Tutsi ont vécu en cette tragique année 1994. En tant que lectrice, j'ai senti que l'autrice nous a amené sur le chemin de sa vie et c'est une lecture vraiment bouleversante mais nécessaire pour avoir une idée de comment est la vie pour quelqu'un qui a survécu à un genocide. L'autrice nous parle des proches qu'elle a perdu et pendant ma lecture j'ai sincèrement eu l'impression d'avoir côtoyé ces personnes à qui ont a injustement arraché la vie. Merci à madame Annick pour cette lecture de fin d'année qui m'a fait pleurer mais qui donne espoir car après tout, le meilleur reste à venir pour tout le monde.
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Une imposture, elle dit qu'elle est une imposture !!
Annick Kayitesi-Joz ans après, comment elle n'est pas morte, en même temps que sa famille au cours du génocide rwandais, le 30 avril 1994. an est tout sauf une imposture, c'est une femme remarquable, qui se demande encore, vingt ans après,

Tous ses Abantu banjye, ses quelqu'uns..tous ceux qu'elle connaissait sont massacrés à coups de machette, démembrés et achevés ou non par les Hutus, laissés en tas et dévorés par les chiens. Seule sa soeur aînée, bien que défigurée et physiquement marquée survit et avec elle sera emmenée au Burundi voisin avant de s'envoler pour la France, où elles demeurent encore.
Annick ne peut oublier sa mère, victime de la dénonciation d' »amis » , ne peut faire le deuil comme dans son pays, ne peut se laisser aller , il faut survivre. Survivre à l'enfer, perpétré par des hommes, des voisins, des gens qu'elle connaît depuis toujours et qu'elle revoit régulièrement quand, pour enterrer sa grand-mère, elle fait le voyage de retour.

Ce sont ses deux enfants qui l'obligent à revenir sans cesse vers ce passé, mot après mot, question après question, pourquoi, comment, qui ? «  ze suis triste » «  ze suis triste »
Elle n'a pas la réponse, elle a une réponse, la sienne propre, mise en voix dans ce livre, remarquable dans sa forme et son contenu.

Dire l'indicible, faire passer le message, à nous qui avons appris le massacre, le génocide et n'avons rien fait.. sauf lire, exactement comme pour les Rohingyas en ce moment.
Il est évident qu'on ne peut pas aimer le livre, le sujet surtout, mais être bouleversée, oui, par la forme donnée par l'auteure qui a su rendre le chaos dans sa tête, dans sa vie, dans celle de sa famille, depuis sa grand-mère à ses enfants par l'accumulation de mots, seuls, ou de courtes phrases, en français et en kinyarwanda, phrases qu'il faut développer et expliquer.


Il est d'ailleurs passionnant de découvrir le vécu d'un pays par la traduction de «  bonjour » ou «  bonne nuit » !! ou le choix des prénoms des enfants selon la vision des parents. Quel monde entre nous !

Elle a su ajouter des respirations..si j'ose dire, car ces petits poèmes traitent du souffle, qu'elle perd, de pleurs et de chagrins, rien de gai ni réjouissant mais qui le pourrait ?

Les deux langues entremêlées, les deux cultures ajoutées, les douleurs empilées et non fusionnées, rendent ce livre inoubliable dans sa dureté et son réalisme.

Ikitika kirakiza : ce qui ne te tue pas te rend plus fort mais aussi je suis triste à mourir et je suis triste à vivre, comme elle dit.
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L'auteure a 14 ans lorsque le génocide des Tutsis est perpétré. L'adolescente assistera à la mort de sa mère et de son petit frère, verra d'autres membres de sa famille disparaître ainsi que des amis, des voisins … Comment pourra-t-elle vivre après un tel traumatisme, elle, « rescapée » miraculeusement ,arrachée à son pays à feu et à sang ? Malgré sa « reconstruction » en France, sa réussite scolaire, sociale, affective, A. Kayetsi-Jozan ne pourra jamais connaître une paix intérieure : elle n'a pu jusqu'à ce jour faire le deuil de ses morts, de sa mère notamment, dont le corps n'a jamais été retrouvé. L'auteure porte en elle, comme une mère porte son enfant, la mort de sa mère et la douleur absolue de ne pouvoir l'enterrer.
Ce récit va et vient entre les souvenirs d'enfance et ceux de l'horreur du génocide, fait se rencontrer les victimes et les bourreaux en des scènes parfois hallucinantes, telle celle où, de retour au Rwanda 8 ans après le drame, pour tenter de « trouver un sens à ce qui était arrivé » (p. 132), elle revoit ses anciens voisins, acteurs des atrocités de la guerre. Ils ont en main les machettes qui avaient pu servir à tuer la famille, entre autres, d'Annick. ces hommes, et ces femmes sont redevenus presque banals, ordinaires, s'interrogeant sur la cause des tueries, comme si cela s'était passé ailleurs, dans un autre lieu, qu'ils n'auraient pas connu. J'ai trouvé terrifiant aussi ce détail des femmes portant des vêtements propres en l'honneur de l'auteure, ces vêtements volés, arrachés aux femmes massacrées.
le récit est implacable, la langue de l'auteure déroulant avec simplicité les faits selon une chronologie de la mémoire qui fait des aller et retours, au gré aussi des questions des enfants de la jeune femme, qui veulent comprendre pourquoi elle n'a plus de parents. C'est un texte souvent bouleversant, ponctué d'extraits de chants ou de poèmes traditionnels en langue kinyarwanda, écrit non seulement pour ses enfants, mais pour que ce génocide ne soit pas oublié, qu'il incite peut-être aussi à rechercher et comprendre l'enchainement des événements qui y ont mené, comprendre pourquoi, à un moment, personne n'a rien dit ni n'est intervenu..
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Ce livre s'ajoute aux nombreux documents et témoignage sur le Rwanda que j'ai pu lire et voir il y a quelques années.
Le dégout et l'écoeurement face à toute cette inhumanité violente à l'extrême reste les mêmes. Nous plongeons chaque fois au coeur de ce que l'homme peut faire de pire à l'autre et nous n'en ressortons pas indemne. L'autre n'est rien, n'existe plus. Il n'est qu'un cafard à éliminer. La lecture de ces témoignages est insoutenable et blesse l'âme. Je reste cependant toujours fasciner face à cette résilience et envie de vivre malgré toutes les horreurs. Comme si l'humain gardait toujours un peu d'espoir malgré le chaos. Des leçons d'humanité face à l'inhumanité. Comment vivre après tout ça ? C'est un pan de l'histoire sans fin, sans jugement véritable, sans expiation. Un jour la vie a repris son cours, des hommes ayant tué leurs voisins sont revenus s'installer à coté de leurs victimes ou de celles qu'ils restent. La haine cultivée pendant plusieurs générations n'a pas trouvé de réponse véritable. Il manque un Desmond Tutu à la reconstruction du pays et à l'évitement d'un prochain massacre.
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Une ode d'une fille à sa mère :"Morte, je la porterai, dans mon ventre, sur mon dos. Partout, tout le temps".
Annick Kayitesi-Jozan porte sa mère désespérément mais jamais tragiquement car elle a une mission personnelle, retrouver le corps et l'esprit de sa mère assassinée en la racontant.
Par le récit de sa famille découpée, elle porte l'Effroyable Récit, celui qui doit être amené aux oreilles du monde, aux yeux et à la compréhension des terriens, pour être exposé et à jamais disséqué, analysé.
Pour cela elle choisit un style lucide, pragmatique, en mettant en miroir sa vie d'avant au Rwanda avec le génocide et sa vie de maintenant en France, en sécurité avec ses 2 enfants (quelquefois sa deuxième vie est presque trop insignifiante, trop banale face à l'indicible horreur de la fin de sa première vie).
La musicalité des poèmes Rwandais bercent les chapitres "Ibuka, Souviens toi, Ntukibagirwe na gato, N'oublie jamais".

Qu'est-ce qui pousse une partie d'un peuple à tuer une autre partie de ce même peuple ? Les voisins complices des tueurs, capables d'entendre gémir et agoniser un blessé sous leur fenêtre et qui ne s'offusque que de la gêne auditive, est-ce ententable, supportable, racontable ?

Annick cherche le corps de  sa mère, de son petit frère et  de tous ces autres, tués, coupés, écrabouillés, simplement parce qu'ils étaient Tutsies.
Coups de machettes, coups de gourdins,  agonies sans fin, humains appelés cafards, on voudrait n'avoir pas ouvert le livre, mais c'est trop tard, comme une vidéo dont on sait que les images nous poursuivront longtemps : une mère jetée au chien, tuée avec un ntampongano, une "arme fatale, une massue agrémentée de clous".

On pense à Petit Pays de  Gaël Faye, mais c'est différent car rien n'est romancé, c'est la vérité telle quelle, sans fard, avec les cris et les râles de ceux qui meurt dans l'indifférence et sous les rires de démons, sans permis d'inspirer, uniquement ce qui est arrivé, une histoire vraie, vécue, en lisant on entend presque un chant Rwandais pour une mère sans sépulture, une recherche de ces "quelqu'uns " qui manquent, qui manquent, qui crient, qui crient encore.
 
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C'est un livre terrible qui nous est proposé, le témoignage d'une femme qui avait 14 ans en ce mois d'Avril 1994, au Rwanda, quand la Radio des Mille collines a appelé à « travailler » les Tutsis. Travailler ? Derrière ce verbe qui nous semble si banal, se cachent des semaines de massacres où des familles entières ont succombé. L'auteure n'a pas été épargnée qui a vu mourir les siens. Pourquoi a-t-elle échappé à la folie meurtrière ? Elle-même ne connaît pas la réponse mais une chose est sûre, quand on lit, ce témoignage, c'est qu'elle est hantée par ses morts, qu'elle cherche à la fois à en parler pour ne pas oublier et en même temps se taire pour que peut-être la douleur se taise. Cet ouvrage m'a rappelé celui de Gaël Faye quand il évoque la même tragédie dans « Petit Pays ». Mais là où Gaël Faye écrit de la fiction et voile ses mots d'un peu de pudeur, Kayitesi dévoile une vérité nue, crue et difficilement soutenable sur ce qu'elle a vécu. Je ne sais pas ce qui est plus horrible dans ce témoignage : les massacres, le rire de sa voisine quand elle lui explique qu'elle a vu le corps de sa mère donné aux chiens ou son retour au pays quand elle discute avec ceux qui ont assassiné sa tante et son oncle comme si de rien n'était , la visite au Mémorial menée par une survivante au ton si débonnaire pour évoquer une telle ignominie ? Je ne peux pas dire que j'ai aimé, ce serait indécent de ma part. Je dirais que ce livre m'a secouée même s'il n'est pas parfait. Annick Kayitesi-Jozan a fait le choix de bousculer la chronologie, les différents chapitres alternant avec les événements de 1994, puis 20 ans plus tard, pour revenir aux années 2000 si bien que notre attention fluctue à certains moments. Elle a voulu évoquer aussi son mari, certes on comprend qu'il est un soutien essentiel mais ce qui se passe avec lui et la rencontre avec sa belle-famille n'a pas d'intérêt intrinsèque. Il reste un témoignage essentiel sur ce génocide mal connu, une voix pour ne pas oublier ceux qui ont été assassinés parce qu'ils étaient des Tutsis.
J'ai lu ce témoignage dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de Elle
Lien : https://labibliothequedeneko..
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Annick Kayitesi-Jozan est une survivante des évènements qui se sont déroulés en 1994 au Rwanda. Des hommes, des femmes, des enfants, ont été massacrés de manière particulièrement sanglante par leurs voisins, leurs amis, des inconnus, parce qu'ils n'étaient pas de la même ethnie. Juste parce qu'ils étaient Tutsis. Il y a un mot qui résume cela: génocide. Ce terme est lourd de sens, chargé historiquement, alors on comprend aisément qu'être «survivante d'un génocide» doit être un fardeau à porter. Alors quand Annick Kayitesi-Jozan devient maman elle comprend vite que ce fardeau va se matérialiser sous la forme de questions posées par ses enfants. A commencer par son aîné, son fils. Ses «pourquoi» et autres questions vont vite devenir une souffrance supplémentaire qui fait écho à ses propres questionnements et aux souvenirs qui la hantent et qu'elle ne sait pas trop comment gérer. L'oublie ne se décide pas. Comment continuer à vivre avec ces évènements constamment à l'esprit? Que faire de ces morts qui sont partout avec elle puisque sans sépulture ils n'ont nul part où reposer?
Annick Kayitesi-Jozan cherche à trouver des réponses à ses questions et à ceux de son fils, elle recherche un forme de paix intérieur, de répit, sans pour autant condamner ses morts, ses «quelqu'un» à l'oubli. Écrire. Son livre est une thérapie, elle se raconte, couche sur papier les évènements monstrueux qui avant n'avaient d'existence que dans sa tête. Peut être pour ne plus en être la seule dépositaire.

Ne pas censurer, écouter, lire, laisser parler les témoins de l'horreur est essentiel. pour autant même si le contenu du livre est essentiel et qu'il est nécessaire de ne pas faire comme si cela n'avait jamais eu lieu je n'ai pas du tout aimé la forme. J'ai trouvé l'écriture sans originalité, très factuelle. Il y a également un gros manque de fluidité. Tout cela participe à rendre les faits encore plus crus et difficiles à lire. L'ensemble est très brouillon. J'étais complètement perdu dans la chronologie des évènements. On sent bien que les souvenirs de l'auteure l'obsèdent mais les répéter sans cesse rend le récit redondant.

Ce livre est essentiel en tant que témoignage dans le cadre du devoir de mémoire mais l'ensemble est beaucoup trop intimiste pour un documentaire. En prenant du recul par rapport au thème abordé, qui rend difficile toute critique, je n'ai rien appris de plus sur le génocide rwandais. le récit m'a horrifié plus qu'il ne m'a touché et l'empathie qu'on éprouve pour Annick Kayitesi-Jozan reste limitée. Elle maintient une distance avec le lecteur compte tenu de sa façon d'écrire. La lecture, en ne parlant que de la forme, a été laborieuse.

Malgré tout il faut saluer le courage d'Annick Kayitesi-Jozan pour avoir été jusqu'au bout de sa démarche et avoir réussit à coucher l'horreur sur papier sans faillir, ce qui en soit est déjà remarquable.
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En 1994, une guerre ethnique violente éclate au Rwanda qui crée un génocide sans précédent des Tutsis. Annick Kayitesi-Jozan, surnommée « Zouzou » a alors 14 ans. Elle est témoin du massacre à la machette de sa mère, son frère et une grande partie de sa famille. Ses voisins qui ont joué le rôle de délateurs, l'obligent notamment à nettoyer le sang de sa mère. Dans ce chaos, Annick Kayitesi-Jozan attend son tour, mais les voisins, qui l'utilisent comme la baby-sitter de leurs jumeaux, décident de la « protéger » tout en la laissant assister au pire de l'humanité. Des morts par milliers sans sépulture pour permettre le deuil de leurs proches.
Annick Kayitesi-Jozan finit par fuir l'horreur et rejoindre la France où elle tente de se reconstruire malgré un passé qui la hante. Elle y découvre aussi de nouvelles difficultés et souffrances comme celle de son intégration. Une reconstruction lente qui subit les tourments de son âme.
En 2015, le décès de sa grand-mère ponctué par les questions incessantes de ses deux enfants ravivent la douleur de ce passé déjà si présent et la pousse à écrire. Dans un style simple, ponctué de chants rwandais, l'auteur évoque son passé, pose la question de la possibilité d'une reconstruction quand on a vécu l'horreur, et tente de trouver refuge dans l'écriture.
Un livre cri du coeur.
On ne peut qu'admirer le courage de cette femme, sa lutte pour s'apaiser et aller de l'avant.
Un premier essai intéressant dont l'écriture pourrait être plus développée pour plus de fluidité et de profondeur.
Lien : https://lamadeleinedelivres...
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Avril 1994. Au Rwanda, une guerre ethnique oppose les Hutus aux Tutsis, faisant 800 000 morts, principalement Tutsis. "Zouzou" a 14 ans à l'époque. Elle voit sa mère se faire tuer sous ses yeux avant que son corps ne soit livré aux chiens ; sa soeur et son petit frère sont massacrés à coups de machette. Elle échappe à la tuerie avec son autre soeur qui est, elle, gravement blessée. Elle perdra au cours des jours suivants d'autres membres de sa famille, tués de façon tout aussi épouvantable.

Il est évident qu'il faut raconter, parler. Parler de ces morts, qu'elle appelle "Mes quelqu'uns", qu'elle n'a jamais vus puisqu'ils ont été – au mieux –jetés dans une fosse commune. Parler pour continuer à vivre, avec ses fantômes et ses souvenirs. Comment s'y prendre ? Comment faire son deuil sans sépulture auprès de laquelle se recueillir ? Comment dire à ses propres enfants la façon dont ses parents sont morts sans leur cacher sa peine, et quoi taire ? Ces interrogations sont en filigrane tout au long de ce récit évidemment terrible et émouvant.

Cependant, le choix de l'auteur de raconter ses souvenirs de façon déconstruite, en passant de son arrivée en France au présent de sa vie avec son mari et ses deux enfants, des épisodes de son enfance au le récit du massacre, rendent le récit décousu et parfois confus : le lecteur se perd dans la chronologie. Par ailleurs le style est assez ordinaire, voire parfois relâché (lors de l'épisode de la rencontre avec les parents de Raphaël par exemple).
Enfin, il y a l'horreur. Des massacres, mais aussi de leurs conséquences. Huit ans après le génocide, l'auteur rencontre les tueurs, qu'elle a vus s'acharner sur sa tante, son oncle et leurs enfants. Elle discute "à la façon rwandaise", chacun sachant que l'autre sait qui il est. C'est une situation absolument incompréhensible pour nous, européens : comment peut-on converser avec les assassins de sa famille, qu'ils ont tuée si sauvagement, alors qu'ils reconnaissent la qualité des défunts, et même s'interrogent à voix haute sur les raisons de ce carnage ? Comment peut-on accepter que leurs femmes portent les vêtements de sa tante et de ses cousines massacrées ? Comment peut-on accepter de jouer le jeu à ce point ? de les entendre dire par exemple, p.135 : "Pour les empêcher de fuir, il a fallu leur couper les tendons. Ensuite, il a été clair que ce n'était pas la peine de les achever, elles finiraient par se vider de leur sang…" Insupportable. de même, une jeune guide enceinte fait visiter une église transformée en musée, en face duquel elle vit… à côté des tueurs Hutus qui ont exterminé sa famille.

On se demande même s'il n'y a pas une sorte de complaisance à vivre dans le souvenir des morts : "Je me dois d'être sa tombe, aussi longtemps que ses os traîneront quelque part sur ces collines. Vivante, elle m'a portée dans son ventre, elle m'a nourrie de son sein, elle m'a portée sur son dos, elle m'a aimée. Morte, je la porterai, dans mon ventre, sur mon dos.", écrit l'auteur p.113.

Enfin, contrairement à l'ensemble du récit, sa dernière partie évoque en détail le soir du massacre – comme s'il avait fallu toutes ces pages et ces allers-retours entre présent et passé pour qu'Annick Kayitesi-Jozan puisse enfin raconter entièrement et s'alléger un peu. Mais son témoignage est devenu une sorte de thérapie : la démarche trouve là ses limites.

Livre lu dans le cadre du Prix littéraire des Lectrices de Elle.

Lien : http://www.usine-a-paroles.f..
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Le récit d'une survie après le génocide des Tutsis par les Hutus en 1994 au Rwanda. Annick KAYITESI-JOZAN a alors 14 ans lorsqu'elle assiste impuissante au massacre de sa mère, de son petit frère, d'une partie de sa famille, elle ne retrouvera que plus tard sa soeur gravement blessée. Comble de l'horreur, elle ira servir de bonne à la famille à l'origine du massacre.
Comment survivre ?
Plus qu'un récit ce témoignage est une thérapie ; les faits sont incontestables, certaines pages sont insoutenables.
C'est une fois devenue mère, lorsque ses enfants questionnent sur « la maman de leur maman » que ce témoignage voit le jour. L'auteure se voit comme un fardeau que ses enfants ne méritent pas, la douleur est trop présente pour oser raconter l'inénarrable constatant amèrement que seule sa grand-mère est morte de sa belle mort, de vieillesse.
Le récit est parsemé de poèmes en kinyarwanda, sa langue maternelle, seul répit à la lecture.
Si les faits relatés sont sans conteste, j'ai trouvé pesant ce témoignage, trop de phrases saccadées, d'allers retours entre le présent, le passé ; c'est une thérapie dont le lecteur ne sait que faire. Un « je ne sais quoi » m'a dérangée me laissant un peu en retrait.
J'ai été d'avantage touchée et véritablement émue par le roman de Gaël FAYE, « Petit pays ».
Lu dans le cadre du Jury Lectrices de Elle 2018
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