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Je ne m'attendais pas à lire ce deuxième volet aussi rapidement et je tiens à remercier le collègue de travail et ami de mon mari d'avoir répondu à mes attentes aussi rapidement en lui prêtant la suite (le troisième tome m'attend tranquillement sur ma table de chevet et ne demande, lui aussi, qu'à être lu afin de satisfaire ma curiosité). Même si comme je le disais dans ma critique du premier tome, l'on sait déjà quelle va être l'issue de ce docu-fiction car se basant justement sur des faits historiques, il est toujours intéressant de se (re)plonger de temps à autre dans notre Histoire et de la découvrir d'un autre point de vue que celui que l'on a l'habitude de lire. Ici, c'est justement le côté japonais qui m'a attiré et j'ai découvert ici, non seulement des personnages (fictifs bien sûr) très attachants mais aussi des méthodes de combat et un esprit de bataille dont j'ignorais presque tout.

En effet, si Tamaru, notre jeune protagoniste, ne rêve que d'une chose : pouvoir se sortir de cette bataille indemne afin de pouvoir regagner son cher Japon et y retrouver sa mère mais également poursuivre son désir un peu fou de pouvoir devenir un mangaka reconnu, tous ceux avec lesquels il se bat ne pensent pas comme lui. Certains en effet ne veulent pas rentrer chez eux et souhaitent mourir en héros afin de rendre hommage non seulement à leur famille mais aussi à leur patrie, d'autres n'en parlent jamais mais pensent comme ces derniers, ne redoutant pas la mort (ou du moins faisant semblant de ne pas la craindre, la provoquant exprès même parfois soit par pure folie ou insouciance soit pour montrer leur bravoure) mais d'autres, qu'ils soient soldats japonais ou américains d'ailleurs, prient encore leur mère et ne les en blâmons pas !

Un deuxième tome qui fait tout aussi froid dans le dos que le premier tant il est empreint de réalisme et de barbarie (notamment en ce qui concerne l'épisode du manque d'eau et le fait d'envoyer les blessés en première ligne de mire, comme des charges trop lourdes à porter et que l'on expédie comme de la chair à canon afin de s'en faire une barrière protectrice) avec un graphisme toujours aussi bien travaillé ! Une remarquable série extrêmement bien documentée que je ne peux que vous recommander ! Attention, âmes sensibles, s'abstenir !
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Je viens de finir les deux premiers tomes de Peleliu, Seinen inspiré de faits réels du grand père de l'auteur si ma mémoire est bonne. Et le moins qu'on puisse dire c'est que je ne regrette pas du tout d'avoir commencé la lecture.
C'est une sorte de band of brothers version japonaise qui déconstruit le mythe du Japonais Kamikaze, fanatique de son empereur, prêt à donner sa vie pour le salut de l'empire. La narration du sensible protagoniste, jeune homme de 22 ans rêvant de devenir mangaka, dépeint l'invasion de l'île de Peleliu, un paradis devenu enfer.
Le récit est très orienté sur la psychologie des soldats : après les victoires comme les défaites, lors la perte de leurs amis ou de parfaits inconnus alliés ou ennemis. Sur cette île on pleure et pense à sa mère avant de rendre son dernier souffle, indifféremment du fait que l'on parle anglais ou japonais.
Le dessin très rond et un peu enfantin à l'image d'un ranking of kings, n'empêche en rien l'immersion dans cet univers extrêmement violent bien qu'il la rende plus supportable.

Alors que le but même de cette bataille est obsolète, que les vivres se font rare et que les renforts se concentreront sans doute sur la protection des Philippines, j'ai hâte de voir quel sort le destin a réservé à ces soldats nippons.
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Pour adultes et public averti. Ce qu'on voit dans ce manga, ce sont 10000 soldats âgés de 20 à 25 ans devant survivre le plus longtemps possible sur un îlot du Pacifique, en proie à la souffrance, à la soif et à la peur. Ils sont piégés, destinés à se faire massacrer et au final, se retrouvent dans une boucherie au service de la puissance impériale japonaise qui les sacrifie comme un pion. Certains veulent surtout survivre et d'autres préféreraient mourir pour la patrie. le document historique se fait document-charge et ce deuxième tome se termine sur un cliffhanger. Dommage qu'il y ait quelques coquilles dans la traduction française, mais l'émotion est toujours présente autour d'un personnage principal, Tamaru, qui aurait préféré devenir mangaka et vit le conflit en tant qu'observateur en s'étonnant de sa propre survie au milieu de la boucherie. On ne voit pas les pages défiler, mais certaines scènes 🦀 sont particulièrement éprouvantes.
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Extrait :
On continue de suivre Tamaru, qui essaie de survivre coûte que coûte à cette horrible guerre, désormais perdue pour son île. Les rencontres s'enchaînent, les échanges d'opinions également, mais tout n'est que de courte durée avec les attaques incessantes de l'armée américaine.

De nouvelles scènes assez horribles sont présentés dans ce nouveau volume, notamment autour de l'idée de suicide collectif (une de ses scènes est présenté dans l'image ci-dessous). En effet, pour plusieurs raisons, les soldats japonais préférés mourir « au combat » plutôt que d'être capturé par l'ennemi, ou tout bonnement vouloir survivre. Ce n'est évidemment pas le cas de notre personnage principal Tamaru, ainsi que pour certains de ses camarades. Une fois de plus, l'horreur de la guerre et d'une idéologie extrême sont montrées au seins de ce manga. de quoi, renouveler une nouvelle fois l'idée que les soldats japonais avaient peut-être des tendances suicidaires, mais qu'ils restaient humains pour autant.

[...]

En bref, ce deuxième tome a été tout aussi intéressant à lire que le précédent. Comme toujours le contraste entre les dessins simples et la difficulté psychologique de la guerre est saisissante.
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L'auteur poursuit son très beau témoignage donc une suite encore plus sombre, plus rude, plus morbide et un peu plus compliquée à lire.

En effet, j'ai trouvé l'ambiance de ce tome 2 beaucoup plus lourde et donc la narration plus poussive. Alors même si ça m'a beaucoup intéressée, j'ai été moins prise par cette lecture pour laquelle j'ai dû me reprendre à plusieurs fois, faisant des pauses libératoires.

Dans cette suite l'auteur met deux thématiques complémentaires au coeur de son récit : l'importance de l'eau et l'horreur des morts. le héros, toujours témoin privilégié de cette attaque qui n'en finit pas, se retrouve en proie à ce qu'il y a de pire : l'obsession, celle de la mort et celle de l'eau. Il faut dire que l'attaque des Américains arrive au pire moment, lors de jours où il ne pleut pas, alors entre les attaques permanentes et l'absence d'eau, dur dur pour le moral.

J'ai à nouveau trouvé que l'ambiance été parfaitement retranscrite, pesante mais réaliste. On sent bien le poids de ces longues journées, la répétition de moments monotones et terrifiants et surtout la tragédie des morts et leur omniprésence. Il est normal qu'il y ait des morts lors d'une guerre me direz-vous, mais lorsque les vivants côtoient les morts avec un tel rapport de proximité, c'est rude. La frontière entre les deux est vraiment des plus ténues et surtout une forme toute particulière de mort est mise en avant : celle du suicide, du sacrifice pour ce qu'on pense être le bien commun. C'est la plus grande tragédie ici et ça m'a retournée. le héros, avec son rôle d'attaché à la mémoire des morts, est forcément en plein coeur de tout ça et on sent bien combien il est proche de vaciller.

Heureusement, il n'y a pas que ça. On assiste également à l'avancée des Américains, apercevant brièvement les états-majors de chacun, ce qui donne une petite place à la stratégie, ce qui ne me déplait pas. On continue à en apprendre de belles sur les détails glanés sur le quotidien de cette guerre par l'auteur qui a fait un sérieux travail de documentation comme il l'explique encore à la fin.

Pour tenter de diversifier un peu son histoire, il nous fait également rencontrer pas mal de nouveaux personnages, ce qui accentue le sentiment qu'un ami est aussi vite fait que perdu à la guerre. On voit également des hommes qui sont tous un peu focus sur ce qu'il se passe et coupés du reste, déconnecté de la vie humaine. Triste mais réaliste.

Cela reste donc une très bonne lecture mais il vaut mieux avoir sacrément le coeur accroché pour en venir à bout. Pour ma part, cela devient dur d'enchaîner les lectures et j'ai besoin de pause entre les tomes voire les chapitres ^^!
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J'ai découvert le tome 1 de Peleliu : Guernica of Paradise il y a plus d'un an maintenant et j'avais hâte de retrouver Tamaru et ses camarades pour savoir ce qu'il adviendrait d'eux. Ce deuxième tome m'a autant plu que le premier, j'y ai retrouvé tous les ingrédients qui m'avaient fait aimer cette série. Tout d'abord, ce manga se déroule dans le contexte historique de la seconde guerre mondiale, sur l'île du Peleliu où s'est déroulée l'une des plus horribles batailles entre Japonais et Américains. Encore une fois, j'ai aimé que la vérité nous soit dévoilée crûment. L'auteur n'enjolive pas la situation, n'essaie pas d'atténuer l'horreur du combat auquel participe Tamaru. Tout comme dans le premier tome, j'ai encore une fois aimé découvrir la guerre côté japonais. C'est une autre perspective. Ici l'ennemi n'est pas le Japonais, mais l'Américain. Enfin, cela ne change pas grand-chose au final, puisqu'ils sont tous aussi jeunes, ils ont tous été impliqués dans cette guerre parce que leur gouvernement le voulait, ils ont tous peur de la mort… Enfin, peut-être pas tous.

Ce qui est particulièrement frappant dans ce deuxième tome, c'est le nombre de personnages qui avouent ne pas avoir peur de mourir, qu'il vaut mieux ça plutôt que de rentrer au pays, dans la honte. Tamaru n'est pas de ceux-là et il est tout aussi choqué de voir que ses camarades sont prêts à risquer leur peau, voir même à commettre des imprudences si cela leur apporte les honneurs. Tamaru, lui, a peur de mourir. Il aime pourtant son pays et ses camarades, mais il veut continuer à vivre. Cet aspirant mangaka n'imagine pas sa vie se terminer sur cette île et c'est touchant de voir son désarroi. Néanmoins, il n'est pas un lâche pour autant. Il se bat comme les autres et il va se retrouver dans des situations horribles qui, encore une fois dans ce tome, sont dessinées avec maints détails (je pense, par exemple, à la scène avec les crabes et le cadavre…). Rien n'est épargné à Tamaru, ni au lecteur, c'est pour cela qu'on se retrouve vraiment plongé au coeur de Peleliu, pendant la seconde guerre mondiale.

Encore une fois, dans ce tome, on découvre le comportement des Japonais et leur mentalité du bushido. Mais si certains guerriers sont prêts à mourir pour leur patrie, sans trahir une seule once de peur, d'autres montrent leur humanité, même involontairement. Ainsi, lorsqu'on demande à Tamaru d'interroger des soldats pour savoir comment ils ont été blessés et ce qu'il est advenu de leurs camarades, on en voit certains devenir complètement fous. Il y a ceux qui n'arrivent pas à parler, ceux qui sont incohérents… En bref, on découvre le syndrome de stress post-traumatique du côté japonais, chose que je n'avais jamais vu puisque les soldats japonais sont souvent décrits comme des hommes infaillibles, qui n'ont aucune pitié voire même aucune humanité. On voit dans ce livre que c'est complètement faux et cela donne vraiment une autre dimension à la guerre du Pacifique par rapport à celle qu'on a l'habitude de voir dans nos reportages et documentaires occidentaux. Ce tome 2 a donc été un coup de coeur pour moi, comme le précédent. Je vais bien sûr continuer cette série et j'ai hâte de lire les prochaines aventures de Tamaru et ses camarades.
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Critique commune aux tomes 1 et 2.

Comme ses prédécesseurs, le n° 8 de l'excellente revue Atom m'a fait découvrir un certain nombre de mangas ayant l'air intéressants, dont, dans l'actualité, cette série qu'est Peleliu, Guernica of Paradise, due à Takeda Kazuyoshi, et dont la publication française vient d'être entreprise par un nouvel éditeur de manga, Vega. Les deux premiers volumes sont parus d'emblée, et ce sont ceux dont je vais vous parler aujourd'hui, mais la série est en cours de publication au Japon, où il y a au moins trois autres volumes, qui devraient être traduits relativement rapidement, ai-je cru comprendre.



Peleliu, Guernica of Paradise est un manga de guerre, centré sur le récit de la sanglante bataille de Peleliu, une paradisiaque (donc) petite île de corail dans l'archipel des Palaos. Cette bataille, semble-t-il méconnue des Japonais contemporains (tout particulièrement à en croire Hiratsuka Masao, un spécialiste de la guerre du Pacifique qui a conseillé Takeda Kazuyoshi dans la conception de cette BD), cette bataille donc a eu lieu entre septembre et novembre 1944, et a été particulièrement meurtrière. Elle a opposé, pendant près de deux mois (là où le commandement américain pensait régler l'affaire en quelques jours...), dans les 40 000 soldats américains et 10 000 soldats japonais. Si la bataille a autant duré, c'est que les Japonais avaient aménagé tout un réseau de grottes, dans l'optique de tenir le plus longtemps possible, et de rendre la victoire particulièrement coûteuse aux Américains – un scénario anticipant la (plus célèbre car hautement symbolique) bataille d'Iwo Jima (hop), quelques mois plus tard. Cet acharnement à défendre cette île minuscule, dans une opération clairement suicidaire et, funeste originalité, pour la première fois semble-t-il véritablement conçue comme telle au plan stratégique (le contingent japonais, constitué de troupes de réserve, en infériorité numérique marquée, mal équipé, mal approvisionné, et qui ne pouvait pas espérer de renforts, n'avait absolument aucune chance de l'emporter, et se rendre était inacceptable – 97 % des soldats japonais de Peleliu sont morts durant la bataille), cet acharnement, donc, tenait à ce qu'il s'y trouvait un aéroport, qui pourrait constituer un atout déterminant pour les bombardiers américains, à même depuis cette base de menacer directement le Japon, ou de fournir un support dans la campagne visant à reprendre les Philippines – de fait, la guerre dans les Palaos, et notamment à Peleliu, était associée au théâtre d'opérations philippin ; et la victoire décisive des Américains dans le Golfe de Leyte, fin octobre, avait considérablement diminué l'intérêt stratégique de la petite île de corail et de son aéroport… La bataille n'en continuerait pas moins, une des plus meurtrières de la guerre du Pacifique.



Il existe un certain nombre de mangas traitant de la Deuxième Guerre mondiale – ce même numéro d'Atom en dresse d'ailleurs un intéressant panorama (j'en aurais bien repris du rab, à vrai dire). Et le traitement de ce sujet varie considérablement… de manière périodique, le regard des Japonais sur cet affrontement est tour à tour imprégné d'héroïsme, au point parfois du révisionnisme (est-ce si étonnant, dans un pays où Abe Shinzô est Premier Ministre ?), et violemment critique ; dans les évocations de la guerre en manga, dans ce dernier registre, on pensera aussitôt à Mizuki Shigeru (notamment dans Opération Mort et les tomes 1 et, surtout, 2 de Vie de Mizuki), qui était non seulement soldat alors, mais a véritablement combattu sur le front, est passé à deux doigts de mourir à maintes reprises, et y a perdu un bras… Peleliu, Guernica of Paradise s'inscrit clairement dans la filiation de Mizuki – avec bien sûr cette différence essentielle que le jeune Takeda Kazuyoshi n'a quant à lui pas combattu, de toute évidence, mais revient sur des événements passés (et désormais lointains) avec l'assistance d'un historien.



Peleliu est le récit d'une guerre absurde et horrible, dans un cadre initialement paradisiaque ; le sort des soldats japonais émeut, mais l'inhumanité du commandement japonais, et ses innombrables brimades et mensonges, révoltent. À vrai dire, Takeda Kazuyoshi semble priser tout particulièrement l'évocation de morts parfaitement absurdes et anti-héroïques au possible : tel soldat qui trébuche et s'ouvre le crâne sur une pierre, avant même la bataille, tel autre qui est abattu par un des siens en train d'agoniser et dont le doigt était malencontreusement crispé sur la gâchette de son fusil… et quantité d'anonymes qui sont instantanément pulvérisés par une bombe tombée suffisamment près pour que la protection supposée de la grotte ne les sauve pas le moins du monde – sans même parler des charges suicides : appréciable ironie, la mort conne du sous-officier qui l'ordonne autorise ses subalternes à survivre encore quelques heures, quelques jours peut-être…



Cet accent mis sur les morts absurdes ressort tout particulièrement de la tâche confiée à notre (principal) héros et personnage point de vue, le soldat de première classe Tamaru : le jeune homme chétif et peureux, petit binoclard incapable de faire du mal à une mouche (au départ, du moins…), a (ou avait…) pour ambition de devenir mangaka – ses supérieurs le savent, et il craint tout d'abord que cela ne lui joue un mauvais tour, un énième déluge de baffes, la méthode disciplinaire par excellence de l'armée impériale… Mais les officiers entendent bien au contraire en profiter : ils ont besoin d'un « attaché au mérite », qui a pour tâche de rédiger les lettres envoyées aux parents des soldats qui ont trouvé la mort sur Peleliu (ce dès avant la bataille – à vrai dire, une fois les Américains débarqués, la simple idée que ces lettres puissent parvenir à leurs destinataires relève à son tour de l'absurde, à moins de procéder, là encore, comme dans Lettres d'Iwo Jima) ; cette mort ne peut tout simplement pas se permettre d'être « ridicule » et « gratuite » – l'office de « l'attaché au mérite » est donc d'enjoliver les faits, pour témoigner, avec ardeur patriotique et révérence pour l'empereur, d'un nécessaire ultime acte de bravoure : ce camarade, qui s'est connement fendu le crâne en trébuchant ? le vaillant soldat de l'empereur a bien évidemment abattu des avions ennemis en s'emparant d'une mitrailleuse, geste héroïque qui coûta la vie à des Ricains en même temps qu'il sauvait celle de ses bons amis du régiment ! Banzaï ! Tamaru s'acquitte du mieux qu'il peut de sa tâche – même en comprenant alors, illumination cruelle, que le désir de ce camarade de mourir « dans un ultime acte de bravoure, comme son père » n'avait jamais été fondé sur autre chose qu'un odieux mensonge… Un même mensonge qui se répète de génération en génération. le message est assez clair, pour le coup, et les résonances très actuelles.



Rien n'est épargné aux soldats de Peleliu – et, sans que l'on puisse pour autant parler de complaisance, Takeda Kazuyoshi ne cache rien. La terreur des interminables bombardements préliminaires, la découverte de ce qu'ils ont ravagé la si jolie petite île paradisiaque de Peleliu pour en faire un no man's land lunaire, les terribles premières heures de la bataille, où d'innombrables vies japonaises comme américaines sont fauchées en quelques minutes, le repli dans les grottes, les blessés qui agonisent, les ressources d'ores et déjà épuisées, en eau tout particulièrement… Non, rien ne leur est épargné. Et nous n'en sommes qu'au début…



Maintenant, il faut voir comment cette histoire est racontée – ce qui saute aux yeux en regardant les couvertures. En effet, Takeda Kazuyoshi a fait le choix de prime abord incongru d'un dessin très enfantin, naïf, tout en rondeurs, faisant plus que loucher sur le super deformed, grosses têtes et petit corps. Mais il ne faut pas s'y tromper : cela ne fait certainement pas de Peleliu une bande dessinée destinée aux pitinenfants. La naïveté du trait n'y change rien, ce récit est d'une extrême noirceur, et d'une extrême violence. En fait, d'une certaine manière, ce parti-pris archétypal renforce le sentiment de violence.



Oui, ce choix peut tout d'abord paraître étonnant, voire inapproprié, mais je le trouve en définitive tout à fait pertinent – d'autant qu'il faut lui associer un character design bien pensé : les personnages ont des traits simplistes qui devraient, dans l'absolu, les rendre indiscernables les uns des autres (ce qui, dans pareil contexte, pourrait d'ailleurs faire sens, et je suppose à vrai dire qu'il y a de cela dans la mise en scène des innombrables anonymes mourant dans un absurde anonymat), mais c'est pourtant tout le contraire qui se produit : les yeux myopes et sempiternellement plissés de Tamaru derrière ses lunettes rectangulaires (l'auteur expliquant au passage en quoi ce choix n'était pas rigoureusement historique, mais pourquoi il l'a fait quand même) sont bien sûr le premier exemple que l'on a envie de citer, mais il en va de même pour les autres – ceux du moins qui ont un nom ; la simple manière de figurer la bouche, un trait dans ce sens, une épaisseur dans l'autre, suffit à identifier le caporal Yoshiki, et à exprimer sa naïveté et son dévouement – une bouche et des yeux plus larges, il s'agit du sous-lieutenant Shimada, assez bonhomme, pas moins obligé de prendre les plus cruelles des décisions – les lunettes rondes qui masquent ses yeux désignent le caporal-chef Kosugi, homme cynique et pragmatique, rusé aussi, qui ne se leurre pas sur les chances de succès des Japonais et fera tout ce qui est en son pouvoir pour survivre, quitte à piétiner les cadavres de ses compatriotes – la casquette et la moustache, c'est le fanatique et violent sergent Namoto – cette cicatrice et cette bouche large, c'est la brute Inokuma, etc. Et si les soldats américains sont trop anonymes, dans cette optique, pour bénéficier de traits aussi précis pour les singulariser (notons tout de même, car ça n'a pas toujours été le cas dans les représentations de cette guerre de part et d'autre, que nombre de ces marines sont des noirs), ils n'en expriment pas moins tous une même humanité : Tamaru confronté à un Ricain appelant sa maman dans son agonie, cela pourrait paraître convenu, mais cela touche bel et bien au coeur. Cette figuration très subtile, en quelques traits seulement, est assez remarquable, décidément – notamment eu égard à ce paradoxe voulant que l'identification aisée de ces personnages comme distincts permette pourtant au lecteur de s'identifier lui-même à chacun d'entre eux. Je manque de références manga dans ce registre, mais, instinctivement, cela m'a fait penser à Peanuts de Charles M. Schulz – dans un contexte certes on ne peut plus différent, et certes c'est là une comparaison très laudative, mais, oui, pourquoi pas ?



Ce parti-pris pourra donc déstabiliser, mais je le trouve pour ma part tout à fait approprié et pertinent. J'ai lu çà et là des critiques y trouvant quelque chose d'un peu « bâclé », et je ne suis vraiment, vraiment pas d'accord. D'autant que ce choix s'associe bien sûr, et de manière assez classique pour le coup, à une esthétique plus ou moins « ligne claire » : passé la rondeur naïve des personnages, si le décor a souvent quelque chose d'un peu abstrait, il peut cependant se montrer plus détaillé quand cela importe – que ce soit pour sublimer le paradis de Peleliu avant la bataille, ou au contraire pour exprimer la cruauté de la guerre en exposant la nature ravagée par les combats ; le dessin se montre surtout plus précis pour les engins militaires, les barges de débarquement, les tanks, les avions… Sans jamais trop en faire (et, là encore, Takeda Kazuyoshi explique brièvement dans quels cas il a décidé de faire des entorses graphiques à la rigueur historique et pour quelles raisons – par exemple concernant l'uniforme des soldats japonais). L'association de ces diverses caractéristiques fonctionne très bien.



Vous l'aurez compris, je suis très enthousiasmé, au sortir de ces deux premiers tomes de Peleliu, Guernica of Paradise. C'est une BD rude, encore une fois, ne pas s'y tromper, mais elle fait preuve d'une certaine subtilité dans sa méthode, qui vaut pour le dessin comme pour le scénario. Et ce point de vue est très intéressant – comme un contrepoint à Tarawa : atoll sanglant, de Charlier et Hubinon, BD lue et relue quand j'étais gamin puis ado, dans laquelle le point de vue américain animalisait (ou « végétalisait » ? Faces de prune, faces de citron…) un ennemi japonais par essence indifférencié et barbare. Par ailleurs, en cette triste époque où le nationalisme et le révisionnisme semblent (re)devenir toujours plus prégnants, cette BD a quelque chose de salutaire.



Mon seul regret, pour l'heure, est une certaine nonchalance dans la traduction, parfois, et (surtout ?) la relecture – la fin du deuxième tome, tout particulièrement, est saturée de coquilles, ce qui est tout de même sacrément pénible. J'espère que les jeunes éditions Vega se montreront à cet égard plus soignées dans les tomes suivants.



Ce petit bémol mis à part, oui, j'ai vraiment apprécié ces deux premiers tomes de Peleliu, Guernica of Paradise, et ai hâte de lire la suite.
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« Résister jusqu'au bout, c'est l'ordre qui nous a été donné ».

Île de Peleliu, septembre 1944. Trois jours après le débarquement américain, Tamaru, jeune soldat japonais, a perdu beaucoup de ses frères d'armes. Nuit et jour, il doit veiller à ne pas se faire tuer par les bombardements et les militaires ennemis. Avec son binôme Yoshiki, il parvient à se réfugier dans une grotte de stalactites où se sont aussi cachés d'autres combattants japonais. En tant qu'attaché au mérite, il recueille les témoignages poignants de survivants traumatisés. Mais plus que les blessures, le manque de sommeil ou la pénurie de nourriture, c'est la soif qui les tenaille. Un plan est alors échafaudé pour prendre d'assaut, à leurs risques et périls, un point d'eau !

Ce second tome de la série Peleliu Guernica Of Paradise met volontairement l'accent sur les conditions de vie très dures des combattants japonais sur l'île de Peleliu durant la Seconde Guerre mondiale : privations alimentaires, suicide collectif, blessés servant d'appât, doigt coupé au soldat pour prouver son décès à sa famille....

Le scénario très sombre de ce nouvel opus insiste sur le fait que la mort fait désormais partie du quotidien de ces jeunes recrues qui n'ont pas été préparées à un tel carnage humain, ni à une telle débâcle.

La naïveté confondante de Tamaru, personnage principal, laisse progressivement place aux doutes existentiels. Pourtant, il ne cesse de conserver cet espoir fou de retourner au Japon pour devenir mangaka. Il se distingue ainsi d'une grande partie de ses camarades (tels le Caporal-chef Katakura) qui placent le sens du devoir au-dessus de tout et préfèrent la mort au déshonneur d'être faits prisonniers, ce que le mangaka Kazuyoshi Takeda désigne sous le terme d'"honorable effacement".

Le mangaka égratigne donc le patriotisme japonais poussé à son paroxysme par les chefs, voulant de cette façon minimiser les pertes conséquentes et remotiver les troupes "chairs à canon malléables".

Le dessin tout en rondeur est réaliste, précis, faussement kawaii car il s'agit avant tout de ne pas heurter la sensibilité des lecteurs.

La fin de ce manga très documenté donne envie de savoir si Tamaru va s'en sortir. Direction le tome 3 !
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