Outre le personnage de Bernie Gunther, son franc parler, son caractère atypique pour l'époque… ce qui me plait dans les romans de
Philip Kerr, c'est la plongée dans la vie quotidienne de l'Allemagne nazie, ses descriptions minutieuses des lieux, des ambiances, des conditions de survie… Il peint avec brio une fresque romanesque documentée et froide de ces années sous Hitler. Ici, j'ai été déçue de ne pas découvrir Prague de la même façon. Il évoque à peine le pont Charles.
La majeure partie du récit se déroule dans le château de Prague. Un meurtre a eu lieu dans une chambre fermée de l'intérieure alors qu'une vingtaine de convives étaient présents. Bernie est chargé par Heydrich de faire toute la lumière sur l'affaire. Et le voilà donc, à la manière de Poirot, en train d'auditionner chacun, des généraux nazis, les pires criminels de l'Histoire, au personnel du château.
Outre le fait que ce roman fait la part belle à l'enquête – où Bernie navigue une fois de plus en eaux troubles – il brosse un portrait glaçant de la politique d'alors, des généraux nazis, de la paranoïa ambiante, des espionnages entre gradés et du climat de suspicion permanent qui régnait dans toute la société. Il faut avoir tout le talent de Bernie Gunther pour mener à bien une enquête sur un meurtre alors que l'Europe regorge de tueries de masse. Crime de droit commun contre crime de guerre.
Gunther travaillera sans relâche, même s'il se sait le jouet de son hôte, sans cesser de porter un regard lucide sur cette société qu'il subit et en exprimant haut et fort l'absurdité de sa position.
Avec cette affaire, on découvre les quelques mois qui ont précédé l'assassinat d'Heydrich. Un agent double infiltré dans son entourage livre des renseignements aux résistants tchèques. Ce fait est avéré ; comme d'habitude, la préparation documentaire de
Philip Kerr est minutieuse.
Voilà donc un huitième opus palpitant, plus enlevé que «
Vert-de-gris »et que j'ai pris plaisir à lire.