Khalil faisait partie des terroristes du 13 novembre 2015. Il devait se faire sauter dans une rame de RER, parmi les personnes qui fuyaient le Stade de France ensanglantés par ses comparses. Lorsqu'il presse le bouton-poussoir de sa ceinture piégée, rien ne se passe. Cette défaillance sauve la vie aux passagers, déjà traumatisés par le reste des évènements de cette tragique soirée.
Khalil, quant à lui, doit trouver un moyen de fuir la capitale française pour regagner la Belgique. Il a grandi à Molenbeek, quartier de Bruxelles désormais tristement célèbre pour être l'une des plaques tournantes de l'islamisme en Europe. Nous suivons
Khalil dans ses péripéties des semaines et mois suivants, ainsi que dans le fil de ses souvenirs.
Yasmina Khadra nous invite donc, dans ce roman, à nous glisser dans la peau d'un terroriste. Cet écrivain est un adepte des sujets épineux et c'est aussi en cela qu'il plait. Je dis "aussi" car
Yasmina Khadra, c'est avant tout une plume envoûtante. Dans ses livres, le fond intrigue et la forme impressionne. Mais revenons à
Khalil... On voit ça d'ici : le milieu socio-culturel défavorisé, le décrochage scolaire, le père peu présent, le sentiment d'être rejeté par la société dans laquelle il vit... En somme, le "ouin ouin" habituel dès qu'on essaie d'envisager ce qui pousse ces jeunes à devenir des tueurs. L'intégration, ça ne tombe pas du ciel, il faut s'en donner les moyens et ce n'est certes pas en séchant les cours et en ne faisant rien de ses dix doigts que
Khalil pouvait s'attendre à devenir autre chose qu'un antisocial, un de plus. Ces petits bons-à-rien sont ensuite des proies faciles pour les réseaux de fanatiques.
On voit ça d'ici, donc, mais je m'attendais à ce que
Yasmina Khadra tourne cela d'une façon magistrale. Or, cela n'a pas été le cas. Autant j'avais été touchée par l'épouse du chirurgien dans
L'attentat, autant
Khalil m'a laissée de marbre. Il est antipathique au possible, drapé dans ces petites certitudes et ces idées étriquées de ce que sont le bien et le mal. "Grâce à ma religion, je vaux bien plus que vous", semble nous dire ce salopard qui cache en réalité une énorme fragilité narcissique. Même son affection pour sa soeur Zahra, autrement plus méritante que lui, ne m'a pas émue. Peu avant la fin du livre, il donne l'air d'avoir un sursaut de clairvoyance et envisage un scénario de suicide. Aussi, quand on apprend que l'attaque de Marrakech a été déjouée suite à un signalement anonyme, je me suis demandée si
Khalil n'en était pas à l'origine. Évidemment, l'auteur ne nous donne pas la réponse. Nous ne saurons pas si le jeune homme a fait volte face.
Comme vous l'aurez sans doute compris, j'ai été déçue par ce roman. Probablement, je ne serai plus jamais charmée autant qu'avec
Ce que le jour doit à la nuit qui est, selon moi, la meilleure performance de
Yasmina Khadra, mais tout de même je m'attendais à un personnage bien moins creux que ce
Khalil.