Batman, tome 12 : City of Bane Part 1

Ce tome fait suite à Batman Vol. 11: The Fall and the Fallen (épisodes 70 à 74, Secret Files 2) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 75 à 79, initialement parus en 2019, écrits par Tom King. L'épisode 75 a été dessiné par Tony S. Daniel & Mitch Gerads, avec une mise en couleurs réalisée par Tomeu Morey & Gerads. L'épisode 76 a été dessiné par Tony S. Daniel, encré par Daniel, Sandu Florea, Norm Rapmund, avec des couleurs de Tomeu Morey. L'épisode 77 a été dessiné par Mikel Janín &Tony S. Daniel, encré par Janín, Daniel et Norm Rapmund avec des couleurs de Jordie Bellaire & Tomeu Morey. Les épisodes 78 & 79 ont été dessinés et encrés par Clay Mann (avec l'aide de Seth Mann pour l'encrage du 79), avec une mise en couleurs de Tomeu Morey. Ce tome contient les 5 couvertures originales de Tony S. Daniel, et les couvertures variantes de Gabriele Dell'Otto (*2), Clayton Crain, Clay Mann (*2).

Le responsable radio fait un appel aux voitures de patrouille de police : la voiture RJ1 répond, ils vont s'occuper du signalement. Edward Nigma et Joker arrivent sur place : deux individus en costume de superhéros gisent sur le sol baignant dans leur sang. Nigma appelle le commissaire Hugo Strange pour rendre compte : c'est sûr que c'est Harvey Dent qui a fait le coup d'assassiner deux fois docteur Double X. Hugo Strange monte sur le toit du commissariat et allume le Bat-signal. Il ne faut pas longtemps à Batman pour arriver, avec son emblème de chauve-souris sur un cercle rouge sur la poitrine, et sa ceinture utilitaire rouge à laquelle est attaché un holster également rouge, avec un pistolet dedans. Pendant ce temps-là, un individu progresse sur les marches enneigées d'une chaîne de montagne elle aussi sous la neige. Dans la batcave, Batman réfléchit à l'assassinat de Docteur Double X. Il ne souhaite pas prendre le café que lui apporte Arnold Wesker, son majordome. Thomas Wayne a vite fait de déduire l'adresse la plus probable où peut se trouver Two-Face. Il monte dans la batmobile et contacte Gotham Girl. Wesker reste devant le moniteur géant, s'assoit dans le fauteuil de Batman et contemple l'écran sur lequel s'anime une image hypnotique, pendant qu'une voix s'adresse à lui. le marcheur en tenue de randonnée continue de monter les marches d'un bon pas, tout en pensant à une fable. Un fermier possède un cheval et le perd. Les voisins viennent l'assurer de leur soutien devant cette malchance. le fermier répond : peut-être, n'étant pas convaincu qu'il s'agisse de malchance.

Dans l'entrepôt qui lui sert de base, Two-Face soliloque à haute voix, en présence de ses deux hommes de main Amygdala et Solomon Grundy. La batmobile défonce le rideau de fer, et Batman demande à Gotham Girl son délai d'arrivée : 7 secondes, il lui demande d'être là dans 3. Batman fait face aux 2 supercriminels, en comptant à rebours à partir de 3. Gotham Girl fait son entrée et décoche un coup de poing qui envoie Grundy à terre. le voyageur parvient enfin à la porte d'une lamaserie, le conte continuant dans sa tête. le cheval est revenu à la ferme ramenant avec lui 2 chevaux sauvages. le lendemain, le fils du fermier essaye d'en monter un, fait une chute et se casse la jambe. Les voisins viennent le voir, en l'assurant de leur soutien à la suite de ce gros coup de malchance. le fermier répond peut-être. Gotham Girl s'attaque à Agmydala. Elle évoque avec lui à haute voix, sa condition d'assistante adolescente, tout en utilisant un superpouvoir qu'elle n'avait pas encore utilisé. le voyageur se tient devant un moine solitaire à l'abri de la lamaserie. le conte se poursuit.

En entamant ce tome, le lecteur sait qu'il s'agit de la première moitié du dernier chapitre écrit par Tom King pour le personnage, sur la série Batman, avec la promesse d'un ultime chapitre sous la forme d'une minisérie. le titre indique explicitement qu'il s'agit du triomphe de Bane : le lecteur est donc préparé à découvrir en quoi consiste ce triomphe, et au fait que Bruce Wayne va être au plus bas. Tellement au plus bas d'ailleurs qu'il n'est pas présent dans la première moitié du tome. le lecteur découvre donc l'état de Gotham : sans Batman, avec Bane à sa tête. Enfin pas tout à fait sans Batman puisqu'il y en a un, mais pas l'original. En outre, ce Batman a un assistant adolescent, mais qui n'est pas Robin. le lecteur apprécie l'élégance avec laquelle s'assemblent différentes pièces narratives, viables pour elles-mêmes lorsque découvertes dans les épisodes précédents, et prenant plus de saveurs avec ces épisodes. Comme à son habitude, Tony S. Daniel est impeccable pour réaliser des planches maniant avec expertise les codes visuels du genre superhéros. Son interprétation de Joker est splendide, à la fois plus en retenue que d'habitude, à la fois plus inquiétante et troublante que bien d'autres versions, en particulier pour sa manière de lui apporter une touche efféminée. Mitch Gerads s'amuse avec un rendu évoquant celui de Riley Rossmo pour la gestion des couleurs, en un peu moins exubérant.

L'épisode suivant (76) voit la réapparition de Catwoman à Gotham, et les deux épisodes 76 & 77 continuent de montrer la situation à Gotham. le lecteur comprend bien en quoi Bane a acquis la victoire sur Batman. Il a réussi là où Batman a échoué, et pour un résultat incontestable. le scénariste pioche avec intelligence dans la galerie de personnages liés à Batman, et amène un superhéros qui n'entretient pas de liens particuliers avec lui. le lecteur découvre progressivement l'équilibre des pouvoirs mis en place par Bane, et la manière dont il gère les relations avec le reste des États-Unis pour pouvoir maintenir son autorité. Bien évidemment, plusieurs superhéros associés de près à Batman essayent de réagir : le retour de Damian est irrésistible, King mettant en scène son impétuosité avec élégance et à propos. Tony S. Daniel continue de privilégier la narration visuelle aux cases choc, sans rien perdre de sa capacité à rendre la dimension spectaculaire des superpouvoirs et des acrobaties des combattants. Dans l'épisode 76, Mikel Janín dessine trois ou quatre pages focalisées sur Catwoman, toujours très élégante et séduisante, toujours très indépendante.

Avec l'épisode 78, les dessins reviennent dans un registre plus réaliste avec des traits de contour plus délicats. le récit se focalise sur une nouvelle phase de la relation entre Bruce et Selina, ce qui ne constitue pas un retour en arrière, ni une régression. Tom King se montre un peu taquin avec l'artiste en lui faisant dessiner des moments improbables : Batman bandant la cheville de Selina dans sa belle robe verte fendue haut sur la cuisse, Batman & Catwoman faisant de l'escalade le long d'une falaise surplombant la mer, Batman perché sur le rayonnage d'une supérette pour se jeter sur un braqueur tenant en joue la caissière. le mode de représentation très réaliste de Clay Mann fait qu'il est un peu difficile de prendre ces pages au sérieux, voire le lecteur a presque l'impression de voir Adam West en train de grimper le long d'une façade de gratte-ciel lors de l'escalade de la paroi rocheuse. D'un autre côté, les scènes en civiles sont parfaites. En première page de l'épisode 78, le lecteur voit Selina et Bruce chacun dans leur kayak en train de pagayer sur une mer d'une eau bleu émeraude magnifique. Dessinateur et coloriste se complètent parfaitement, pour une narration visuelle enchanteresse pour les environnements, et d'une bonne sensibilité pour les personnages.

Dans ces deux derniers épisodes, il se joue une évolution subtile chez Bruce Wayne, et la qualité des dessins permet de prendre au sérieux et au premier degré cette escapade sur une plage paradisiaque, entre deux individus amoureux qui savent par l'expérience que leur couple n'a aucun avenir car il n'est pas viable. le lecteur compatit en voyant ces élans du coeur contrariés par leur mise à l'épreuve du caractère profond de Bruce Wayne. Dans le même temps, il assiste à ce qu'il pensait impossible : Bruce acceptant de l'aide de son plein gré. Les auteurs parviennent à rendre crédible cette évolution incroyable, venant encore approfondir la personnalité de Bruce, en en faisant briller une autre facette au coeur de son être. le lecteur peut y voir à la fois une étape dans la gestion du stress du syndrome post traumatique, et bien sûr une étape indispensable sur le chemin qui va permettre à Batman de revenir en force. À ce stade du récit, c'est la reconstruction du personnage qui prime sur le dispositif narratif permettant le retour du héros.

S'il a suivi la série depuis le premier tome, le lecteur est conquis d'avance car il a appris à faire confiance à Tom King, à savourer les nuances de son récit qui se focalise sur la personnalité de Bruce Wayne en en faisant ressortir les différentes facettes au fur et à mesure des épreuves auxquelles il fait face. Comme d'habitude, les dessinateurs se succèdent et sont tous de très bon niveau et même excellents pour une narration visuelle de grande qualité, et souvent incroyable. Comme pour les tomes précédents, le récit fait sens au premier degré mais peut laisser sur sa faim sur ce plan-là. En revanche il acquiert une toute autre dimension quand il est considéré sous l'angle de l'étude de caractère : Bruce Wayne n'a jamais été aussi entier. Batman est bel et bien Bruce Wayne, et ce dernier n'est pas relégué au rang d'obligation sociale, faisant perdre du temps à Batman qui serait la personnalité dominante. le lecteur n'observe pas un individu schizophrène, mais un véritable être humain s'étant adapté au traumatisme d'enfance de son histoire personnelle.