Il se laissa aller dans le fauteuil, tremblant de tout son corps, s'efforçant d'arrêter de trembler parce que ça lui faisait mal, et incapable d'y arriver. Des larmes lui coulaient le long des joues. Il ne cessait de la revoir qui abattait le poing sur ce qui restait de son genou comme un ivrogne abat le sien sur le comptoir de chêne d'un bar, il ne cessait de se sentir englouti dans la terrible supernova blanc-bleu de la douleur.
"Je vous en prie, mon Dieu, je vous en supplie", gémit-il tandis qu'à l'extérieur la Cherokee démarrait dans une pétarade. "Mon Dieu, je vous en supplie, faites-moi sortir d'ici ou tuez-moi... laissez-moi sortir d'ici ou tuez-moi."
Le ronflement du moteur s'éloigna sur la route et Dieu ne fit ni l'un ni l'autre ; l'abandonnant à ses larmes et à ses souffrances, maintenant réveillées et hyperactives dans tout son corps.
Saurais-je ? Et comment, je saurais ! Il y a un million de choses que je suis incapable de faire. J'ai jamais pu frapper une balle incurvée au base-ball, même au temps de l'université. Je suis pas fichu de réparer un robinet qui fuit. Je ne tiens pas sur des patins à roulettes et n'arrive pas à tirer un accord en do majeur correct sur une guitare. J'ai essayé deux fois de me marier, et ça n'a pas marché ni la première, ni la deuxième. Mais si vous voulez que je vous emmène en balade, que je vous fiche la frousse, que je vous fasse pleurer ou sourire, alors là, oui, je suis votre homme. Je peux le faire et continuer jusqu'à ce que vous criiez pouce ! Je sais faire cela, je SAIS.
Elle en était au stade où les sujets dépressifs sont capables d'abattre tous les membres de leur famille avant de se tirer une balle dans la tête.(...)
Les dépressifs se suicident, les psychotiques balancés dans le berceau empoisonné de leur propre moi, décident de faire une fleur à tous ceux qu'ils ont sous la main en les amenant avec eux.
Ma mère disait toujours que l'espoir du printemps est comme l'espoir du paradis.
Pendant qu'il prenait des forces, elle lui raconta ce qui s'était passé et les choses lui revinrent au fur et à mesure qu'elle parlait ; il se dit que c'était bien de savoir comment il s'était retrouvé avec les jambes en morceaux, mais il y avait quelque chose, dans la façon dont il l’apprenait, qui le mettait mal à l'aise - il avait l'impression d'être un personnage dans un roman ou une pièce de théâtre, un personnage dont l'histoire n'était pas racontée comme des événements vrais, mais créés comme dans une fiction.
Dans ce cas, il se trouvait confronté à une absurdité de proportions colossales : il devait sa survie au fait qu’il voulait achever ce chef-d’œuvre de nullité que Annie l’avait forcé à écrire. Il aurait dû mourir… mais n’avait pas pu. Il fallait d’abord savoir comment ça allait se terminer.
Si j’ai assisté aux funérailles de l’un d’eux ? Évidemment pas. Je trouve qu’il n’y a rien de plus sinistre et déprimant que des funérailles. De plus, je ne crois pas que les bébés aient une âme.
C'est tout à fait utile d'avoir un peu de talent pour devenir écrivain, mais la seule chose qui soit absolument indispensable, c'est la capacité de se souvenir de la moindre cicatrice.
Dans l'obscurité, ce qui est rationnel devient stupide et la logique se réduit à un rêve.
Il ne s'agissait pas d'un rêve. Mais d'encore un jour de perdu dans l'asile de fous Annie Wilkes. Son haleine était celle d'un cadavre en décomposition.