La typographie moderne

Les bourgeois possèdent le pouvoir et ils l’utilisent brutalement en engageant et congédiant les employés qui ripostent avec les faibles moyens dont ils disposent : ils trichent sur leurs frais de voyage, ils se font donner des avances sur des tâches de la semaine suivante puis ils disparaissent. Parfois, ils espionnent pour le compte d’éditeurs rivaux ou pour la police ; ils bâclent la besogne. Bien que l’impression des volumes de l’encyclopédie soit nette dans l’ensemble, de nombreux défauts sautent aux yeux- marges irrégulières, espacements inégaux, coquilles, autant de témoignages de l’activité d’artisans anonymes.

Les private presses dans le sillage de la Kelmscott Press - dont la réputation repose sur des livres superfétatoires aux textes d’une qualité fort relative - autant d’ouvrages destinés à être regardés plutôt que lus, quand il ne sont pas considérés sous un angle purement lucratif. Le culte de la “belle édition”, avec la fétichisation de la page de titre, a souvent été dénoncé, qui plus est, par des typographes reconnus, mais il n’en reste pas moins répandu. Face à ces monuments de suffisance, il semble préférable de se tourner vers des travaux qui témoignent d’une véritable vie intellectuelle.

Par typographe, je n’entends pas imprimeur, ainsi qu’il est communément admis ; pas plus que le Dr Dee ne soutient qu’un charpentier ou un maçon est un architecte. Par typographe, j’entends celui, qui, par son propre jugement, par un solide raisonnement intérieur, a la faculté de procéder à des travaux manuels et opérations physiques en relation avec la typographie, de la conception à la fabrication, ou de diriger d’autres hommes à cette fin.

On a commencé par l’art qui conservera tous les autres, c’est-à-dire l’impression. Monsieur Jaugeon qui en a pris une partie à décrire, a ramassé d’abord les alphabets des langues tant mortes que vivantes avec les suppléments des lettres, c’est-à-dire les caractères particuliers à certaines sciences, comme l’astronomie, la chimie, l’algèbre, la musique.

Le goût pour des barres et attaques très fines pouvait être expliqué par l’apparition de papiers plus lisses et de presses à imprimer capables d’opérer avec une précision plus grande.