Car tel est le paradoxe de l'être humain : s'il est seul capable, par la science, de découvrir les lois dites " de la nature", il n'en est pas pour autant un être d'antinature.
Il est donc tout à fait possible de garder vivante l'émotion de la quête, y compris à propos de découvertes très anciennes : come me le dit un jour Jean Marc Lévy Leblond, fort des observations astronomiques qu'il réalise chaque été avec ses petits enfants, voir les satellites de Jupiter ou les anneaux de Saturne grâce à un petit télescope est autrement plus excitant que d'en apprendre l'existence dans un manuel, même illustré de beaux clichés. Car c'est alors un écho de l'émerveillement de Galilée que l'on sent pénétrer en soi, comme par intraveineuse.
Dans La Formation de l'esprit scientifique (car oui, il faut une formation!), Gaston Bachelard expliquait que faire de la science, c'est "penser contre son cerveau".
" Pour mesurer son incompétence , il faut être ... compètent !
(22%) Pour être tout à fait franc, je ne connais pas de définition précise de la science, car la science n’est pas une. Les sciences diffèrent entre elles par leurs objets, leurs moyens, leurs méthodologies. Toutefois, qu’il s’agisse de la physique théorique, de la médecine ou de la sociologie, toutes répondent à cette caractérisation, certes imparfaite car autoréférente, mais utile : les sciences progressent par l’organisation collective des controverses scientifiques. Elles ne sont pas affaire de proclamations individuelles ni de communiqués autopromotionnels. Pour reprendre les mots de Karl Popper, elles procèdent de « la coopération amicalement hostile des citoyens de la communauté du savoir ». Tout résultat scientifique passe d’abord sous les fourches caudines des « pairs », donnant matière à interprétations, à discussions, voire à d’homériques engueulades. Bien sûr, cela ne met pas à l’abri d’éventuelles erreurs plus ou moins persistantes, mais c’est grâce à cette épreuve liminaire que la science peut finalement prétendre avoir fait parler, de façon à peu près claire, un bout du réel.
S'il n'y avait pas de vérité, il ne serait pas vrai qu'il n'y a pas de vérité
Lu sur un mur
"En vérité, la vérité, il n'y a pas de vérité"
Jean-Claude Van Damne
Ainsi se résume la grande originalité de la pensée occidentale : aucune autre société humaine ne cohabite avec le monde non-humain (pris au sens large) sur le mode de la séparation. Les ethnologues et les anthropologues l’ont constaté depuis longtemps : nulle part ailleurs qu’au sein de l’Occident moderne, « les frontières de l’humanité ne s’arrêtent aux portes de l’espèce humaine». S’y trouvent inclus les plantes, les arbres, les animaux, bref tous ces « corps associés » que nous reléguons, nous, « dans une simple fonction d’entourage », n’y voyant que le décor de nos existences, des ressources disponibles, à portée de main.
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Après la seconde guerre mondiale, alors que l’affaire Lyssenko battait son plein, le physicien russe George Gamow, installé aux Etats-Unis, résuma joliment les thèses de ceux qui dans son pays d’origine, piétinaient la vérité scientifique pour affirmer l’hérédité des caractères acquis : « Quand un enfant ressemble à son père, ils disent que c’est en vertu des lois de Mendel ; quand il ressemble au facteur, ils disent que c’est un effet de l’environnement ».
Aujourd’hui, la tendance à avoir un avis non éclairé sur tout, et à le répandre largement, me semble gagner en puissance. Dans son sillage, elle distille l’idée que la science, surtout lorsqu’elle devient dérangeante, ne relève que d’une croyance parmi d’autres. Elle serait une sorte d’Église émettant des publications comme les papes des bulles, que les non-croyants ont tout lieu non seulement de contester, mais aussi de mitrailler de commentaires à l’emporte-pièce. Ainsi offre-t-on une prime à ceux qui crient le plus fort et s’exhibent le plus.