« Avant, j'étais toujours dans l'introspection et considérais les gens de ce point de vue, comme du fond du jardin. Linda m'a sorti de là et poussé jusqu'au bord de moi-même, là où tout est proche et paraît plus intense. »
Autobiographique et précédé d'un premier volume sur la mort du père de l'auteur, ce livre explore sa vie de couple et d'homme amoureux. Analysant son quotidien intime avec franchise et pudeur, il met finalement en lumière son universalité : Tout lecteur peut ainsi partager ses sentiments et réflexions.
Si au départ, le titre du livre ne semble pas une évidence, c'est au fil des pages qu'il s'impose, à mesure que l'on ressent, malgré les affres du quotidien, l'immense attachement de l'auteur pour sa femme Linda et leur famille. Il faut dire que leur couple n'a pas été de soi, les débuts ont été rudes et la cohabitation entre ces deux artistes à fleur de peau fut difficile : Tout a commencé quand l'auteur est tombé amoureux transi de cette artiste qu'il connaissait à peine, et se mutila le visage de désespoir à son premier refus ; Puis il s'est reconstruit et c'est elle qui sembla plus fragile à mesure qu'elle s'attachait à lui. Une fois en couple, la santé fragile de Linda, ses sautes d'humeurs et sa peur de le perdre étouffent l'auteur. Puis vient l'accouchement, passage magnifique du livre. La découverte merveilleuse de la paternité mais, bientôt, le désenchantement d'être un père au foyer qui ne peut jamais travailler tranquillement, doit s'occuper du ménage et des enfants, affronter le regard de la société qui découvre les pères au foyer et idéalise la vie d'un auteur. Nous profiterons également de doux moments entre amis, de beaux échanges d'idées avec d'autres artistes, etc… Et c'est avec une infinie tendresse, que j'ai sentie grandir au fil de son exploration, et avec la volonté de comprendre et de bien faire que l'auteur nous raconte, analyse ; se livre à nous.
« J'étais tiraillé entre deux sentiments. L'un disait il faut que tu la quittes, elle exige trop de toi, tu vas perdre toute liberté, elle va occuper tout ton temps et qu'en sera-t-il alors de ce qui t'est essentiel : être indépendant et écrire ? L'autre disait tu l'aimes, elle t'apporte ce que personne d'autre ne peut te donner et elle sait qui tu es. Exactement qui tu es. Les deux étaient aussi vrais mais ils n'avaient aucune commune mesure et s'excluaient l'un l'autre. Ce jour-là, c'était l'envie de partir qui prévalait. »
Il parvient à raconter une histoire, celle d'
un homme amoureux, tout en nous faisant réfléchir avec lui sur ce que cette histoire d'amour, à travers ce qu'elle a d'universel, signifie d'un point de vue des moeurs, des courants de pensées, etc… Chaque anecdote, dans laquelle on peut se retrouver ou pas, nous amène en tous cas à penser avec l'auteur. On y trouve beaucoup de passages pertinents sur la vie et la nature humaine, qui donnent parfois à ce roman des airs d'essai biographique et philosophique. L'auteur répète d'ailleurs que, pour lui, la littérature du réel a plus de sens que la littérature inventée.
J'ai trouvé cette lecture enrichissante mais aussi agréable à lire : J'ai aimé assister à la tendresse grandissante avec laquelle l'auteur regarde sa vie et ses protagonistes, au fur et à mesure que l'analyse et la compréhension apaisent ses frustrations. Pourtant, il ne nous épargne pas les crises en tous genres (de couple, de confiance en lui, de désespoir, et même de doutes quand son choix de vie de famille empiète sur son travail d'écriture, etc…) Karl Ove est, comme nous tous, sujet à des sentiments contradictoires qu'il doit apprivoiser. Amoureux, mais parfois insatisfait, écrire lui montre le chemin parcouru, l'aide à y voir plus clair, à comprendre et maîtriser les sensations qu'il éprouve. Il partage, expose et débat (avec lui-même et avec nous). Ses morceaux de vie et de pensées forment un tout qui prend sens sous nos yeux, comme les pièces d'un puzzle de l'humain que l'auteur nous aiderait à assembler.
Ce livre ne fera pas l'unanimité puisque l'auteur y évoque sa vie sur 800 pages et qu'il le fait sans l'embellir, sans l'adoucir ni idéaliser son statut d'auteur, bref : sans compromis. Mais j'ai aimé son regard sur sa propre vie : ni prétentieux ni pessimiste, il décortique objectivement et tendrement ses actes et pensées en déroulant ses morceaux de vie sous ses yeux. Chaque anecdote intime et personnelle devient une épiphanie universelle : Une très belle quête du sens de nos vies. Après le deuil, puis l'amour, quel aspect de nos vies va nous offrir d'explorer Monsieur KNAUSGAARD … ?
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