AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,15

sur 65 notes
5
8 avis
4
5 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Qu'est-ce qui fait qu'on accroche à un récit ? Qu'on lit 70 pages d'une traite ? Et qui ne comporte qu'une seule et même phrase ?
C'est l'expérience que j'ai faite afin de découvrir Lazlo Krasznahorkai dont BookyCooky nous avait dit grand bien sur Babelio – merci à elle.
Et ça marche.

Le thème ? Un homme soliloque dans un bar hongrois. Il vient tous les jours, boit sa bouteille – « Sternburger, bitte » - tandis que le bar diffuse de la musique turque.
Un jour il explique au serveur du bar qu'il a reçu une lettre. On s'est souvenu qu'autrefois il était un « professeur » et on l'invite à séjourner en Espagne. Plus particulièrement en Estrémadure, une région pauvre proche de la frontière portugaise. Là-bas, il pourra rester le temps qu'il souhaite, et se promener autant qu'il veut, pourvu qu'à la fin il écrive sur ce qu'il a vu et ressenti.

Notre héros, qui est plutôt un antihéros d'ailleurs, n'y croit pas du tout. Et pourtant il répond. Et pourtant c'est bien vrai, et il va partir.

Commence alors une sorte de road-trip, avec une femme traductrice d'entre deux âges, qui va le conduire, un peu par défaut, à enquêter sur l'histoire du dernier loup. « Nous irons là où le dernier loup a péri » peut-on lire. Et cette quête étrange, qui va le mener au fin fond de cette région désertée, va nous conduire jusqu'à une scène émouvante de la mort d'une louve, ralentie dans sa course par les petits qu'elle portait.

Qu'est-ce qui fait qu'on accroche à un récit ? le style bien sûr.
Et celui de Lazlo Krasznahorkai nous prend et ne nous lâche pas.

Une seule phrase et 70 pages de régal, pour une histoire improbable mais qu'importe : me laissant l'impression d'avoir voyagé jusqu'à Caceres, Badajoz et Mérida, et puis ensuite dans ses grandes étendues quasi désertiques où une meute de loups avait trouvé refuge.

Un beau voyage grâce à la plume de cet auteur hongrois – un grand merci donc à BookyCooky pour avoir attiré mon attention sur cet auteur, dont elle a chroniqué "The Manhatthan Project" et "Spadework for a Palace" (je vous recommande ses billets) et que je vais garder en mémoire désormais.
Commenter  J’apprécie          4012
« nous irons là où le dernier loup a péri »
c'est là où j'ai compris que je n'avais plus rien à écrire mais juste à dire, à vous raconter mon histoire au-delà des frontières et des hommes, eh toi, le hongrois, tu m'écoutes ? oui j'en étais au moment où j'ai reçu cette invitation pour aller en Espagne, à vrai dire je ne savais pas pourquoi j'avais été choisi, des années que je n'ecrivais plus rien, tombé dans l'oubli et la morosité je sombrais dans ce café berlinois devant ma bière que me servait ce hongrois qu'il me fallait réveiller de temps à autre pour maintenir mon auditoire, je sais ce que tu penses mais avoue que tu préfères que je sois dans ton bar t'évitant de mauvaises rencontres, au moins avec moi tu sais que tu peux t'endormir, je te réveillerai ! que tu écoutes cette histoire de loup, le dernier tu m'entends bien, le dernier et c'est ainsi que je suis parti en Estrémadure
Vous manquez d'air ? La phrase est longue... oui je sais. Je n'ai pas le don mais j'ai une nouvelle fois découvert un auteur, après Raduan Nassar, qui a ce savoir qui m'épate, cette maîtrise d'écrire sur 70 pages en ignorant les points, même le dernier ne sera pas le final à tout bien y réfléchir. Laszlo Krasznahorkai vous ballade élégamment en Europe, vous fait sourire et vous embarque dans un phrasé agréable et surprenant à la rencontre d'un conteur d'histoires. « Il se mit à rire, mais pas de bon coeur car son esprit était occupé par des questions (...) » vous voulez la suite...? je vous la raconte avec plaisir, le hongrois ! une Sternburger comme d'habitude avant que je recommence le dernier loup.
Commenter  J’apprécie          362
Un nouveau livre de Laszlo Krasznahorkai est toujours un événement pour moi, même si comme ici, il ne s'agit que d'une longue nouvelle d'une soixantaine de pages.

Une soixantaine de pages dans lesquelles se déploie une seule phrase, dans des volutes, des digressions, un rythme ample, un souffle puissant. le narrateur, un professeur de philosophie déclassé, qui végète et survit de petits travaux alimentaires, raconte à un barman hongrois, dans un bar minable, dans un quartier en déliquescence, un voyage en Espagne, en Estrémadure. Vrai voyage ? Voyage fantasmé ? En partie vrai ? En partie inventé ? Mais où mettre la frontière entre le réel et l'imaginaire, et lequel est le plus tangible ?

Invité par un organisme pour écrire quelque chose au sujet d'une région en pleine mutation, sans doute pour en donner une image positive, l'ex-professeur, l'ex-philosophe, qui n'écrit plus, n'enseigne plus, ne fait rien d'autres que traîner, ne comprend pas la raison de cette invitation qui lui est faite. Elle lui semble très mystérieuse, due à une erreur, comme une sorte d'ironie du destin. Il se décide quand même à faire le voyage, même s'il sait qu'il sera incapable d'écrire quoi que ce soit, les mots et les idées l'ayant en quelque sorte quittés définitivement. Il visite un peu au hasard, sur des impulsions des lieux, amené par un chauffeur, accompagné par une traductrice. Un article l'amène à enquêter sur la mort du dernier loup dans cette région : l'histoire va se révéler plus complexe qu'il ne semblait, avoir des ramifications, des épisodes, une charge émotionnelle, et des interrogations qui vont bien plus loin que le destin de l'animal.

Laszlo Krasznahorkai est un magicien, du verbe et du récit, qui tient son lecteur en haleine, et le laisse au final avec plus de questions que de réponses. Ce qui permet de continuer longtemps, une fois la dernière page lue, à imaginer et à voyager à l'intérieur du livre.
Commenter  J’apprécie          302
Une seule phrase d'un bout à l'autre de ce court roman ou de cette longue nouvelle. Ponctuée de la vanité des choses et le mépris qui vont pousser un ancien professeur de philosophie à accepter une invitation en Extramadure. Au pays du Quichotte jamais nommé, mais comme lui à la poursuite d'une quête vaine depuis le départ.

Pour les lecteurs amoureux d'un grand style d'écriture plus que de grandes histoires.

Un coup de coeur assurément.
Commenter  J’apprécie          242
🐺UN LONG FLEUVE🐺
.
🦊 Une phrase, une seule et même longue phrase pendant plus de 70 pages, cas inédit ou original, déluré, totalement incongru ou fou le pari est réussi car quelle expérience hallucinante, dès le début je lis à voix basse, très vite je manque de souffle, j'ai besoin d'air, une fois la cadence trouvée, cette phrase m'emporte loin en terre hongroise : il fut un temps il était professeur de philosophe, professeur légèrement déchu, aujourd'hui il reçoit une lettre l'invitant en Espagne pensant qu'il s'agit d'une erreur sur la personne ; pourtant la fondation qui l'accueille tous frais payés est bien réelle, ici démarre cette balade débutée dans un bar berlinois, vous l'aurez compris il n'y a aura qu'un seul point dans cette chronique, des virgules et autres qui tenteront de m'aider jusqu'à ce point final, car jamais je n'ai été dérangé finalement par l'absence de coupure dans le récit, jamais, avec fluidité et aisance, le merveilleux auteur ici présent est un magicien, ce professeur ne croyant toujours pas à cette aubaine pensant qu'on le prendrait encore pour ce professeur émérite qu'il n'est plus, lui qui affirme que la langue est bafouée n'étant qu'un paquet de linge sale, se sentant impuissant et résigné, il faut bien avouer que le récit prend alors un tournant lorsque l'on découvre « c'est au sud du fleuve Duero qu'en 1983 a péri le dernier loup », la quête de l'homme qui aura abattu ce dernier démarre ainsi, au creux de la vague de cette même phrase, car malgré tout, les dialogues sont millimétré, jamais le rythme ne retombe, jamais l'ennui ne s'installe, ce dialogue avec le barman est-il un dialogue intime auquel il se renvoie ? possible, tout est possible car l'absence de vérité ouvre tant de possibilités, Krasznahorkai est un magicien stylistique mais il n'en demeure pas moins que le fond est aussi riche, qu'il s'agisse du rapport de l'Homme à la nature, de l'extinction de la philosophie et de la pensée humaine, de l'écologie et des perpétuels errements de tout individu, je ne pourrais jamais écrire tout ce que ce livre m'a procuré, ni ce qu'il dit par les non-dits...

Ce livre est un condensé d'humanité, regorgeant d'effluves incandescentes qui raviront tant les puristes que les rêveurs, ce récit vous emportera dans sa dynamique et vous ne direz qu'un seul mot à la fin, merci.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          41
C'est le Festival du livre de Paris ( avril 2022) et son stand hongrois qui m'ont permis de découvrir cette petite merveille.
Berlin, de nos jours. Un ancien professeur de philosophie, dépressif, sans le sou et pilier de comptoir, est invité à se rendre en Estrémadure (sud-ouest de l'Espagne) pour y écrire un texte sur la région. le lecteur découvre les étapes de sa singulière aventure par le truchement de son récit à un barman hongrois. Avec ce très court roman (70 pages) à la fois hypnotique, amusant, étrange et stylistiquement délicieux, l'écrivain nous ensorcèle. Une véritable expérience de lecture.
Commenter  J’apprécie          31
Une longue phrase, expulsée dans un déferlement de pensées ininterrompues. On ressort de ce petit texte (70 pages) englouti par le style, la narration et sa force littéraire nous imprègne jusqu'au point final.

Le cadre : un homme désabusé qui va tous les matins boire sa bière dans un café peu fréquenté, raconte au barman être invité, lui, en Espagne, en Estrémadure, comme professeur, tout frais payé, pour écrire un texte. Il n'en revient pas.

Ce livre nous parle autant du dernier loup d'Espagne que des tourments intrinsèques du narrateur et on se demande, au final, si ce n'est pas lui, cet homme solitaire et décalé, le dernier loup du titre. Fascinant.

Deuxième lecture de Krasznahorkai, et pas la dernière.
Commenter  J’apprécie          10
Quand il reçoit une invitation pour écrire sur une région reculée d'Espagne, un vieux prof de philo est persuadé qu'il s'agit d'une maldonne. Pourquoi ferait-on appel à ses services, alors qu'il y a plein de jeunes écrivains doués ? Ce roman nous raconte le récit de son voyage et de sa pensée. le tour de force stylistique est redoutable, porté par un souffle d'une rare justesse. L'auteur donne forme à des contenus insaisissables et embrase l'inexprimable. Un livre ébouriffant à lire et à relire !
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (137) Voir plus




{* *}