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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Laszlo K., dont je finirai par lire tous les livres, nous livre ici une histoire courte, trop courte à mon goût. Je comprend bien l'intérêt de la chose, aux temps du lecteur fatigué par les amoncellements.
Le procédé, comme celui d'un plan unique au cinéma, est très bien exploité, collant à l'histoire de cet homme pour lequel plus rien n'a de sens, jusqu'à l'absurde.
On entrevoit, à travers ce thème du dernier loup, les questions dont l'auteur aimerait nous entretenir, mais il manque à mon sens des éléments pour boucler cette boucle narrative chère à son oeuvre.
Petite mesquinerie pour finir, qui me trotte dans la tête depuis quelques temps, avec ces éditeurs dont les choix me ravissent, mais dont les tirages se font en Europe de l'Est... Sûrement hors-sujet, mais pensez-y la prochaine fois que vous passerez par le Cher...
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Une seule et unique phrase, suspendue, un court texte d'un peu plus de 70 pages.
Un exercice de style singulier,
une histoire contée dans un seul souffle, agissant comme une emprise. Une écriture qui envoûte, surprend, saisit.
Une longue tirade, une rêverie ininterrompue, où les transitions sont douces, imperceptibles, insaisissables et alors qu'un seul point ponctuera ces mots, le narrateur, un ancien professeur de philosophie accoudé au comptoir d'un rade berlinois déserté à cette heure matinale, nous emmène faire un tour en Estrémadure, une région d'Espagne.
Il nous conte une histoire empreinte d'une profonde humanité, une confrontation de l'homme avec la nature, nous plonge dans une enquête déroutante, alambiquée, qui nous perd pour mieux nous récupérer ensuite.
Un petit livre, pas forcément simple d'accès, mais qui mérite assurément le détour. Il interroge sur le rapport de l'Homme avec la nature et les animaux sauvages, il questionne, hante bien après la dernière page tournée.
« [...] voyez-vous, tout cela, cette Estrémadure se trouve en dehors du monde, Estrémadure se dit en espagnol Extramadura, et extra signifie à l'extérieur, en dehors, vous comprenez ? et c'est pourquoi tout y est si merveilleux, aussi bien la nature que les gens, mais personne n'a conscience du danger que représente la proximité du monde [...] vous savez ils n'ont pas la moindre idée de ce qui les guette s'ils laissent faire les choses car tout, aussi bien la nature que la population de l'Estrémadure sera frappé de malédiction, et ils ne se doutent de rien, ils ne savent pas ce qu'ils font, ni ce qui les attend, mais lui, dit-il en se désignant, il le savait, et il n'en avait pas dormi de la nuit [...] »
Lu d'une traite, deux fois d'affilée. Lors de ma deuxième escapade en Estrémadure, j'ai ressenti davantage de mélancolie, et me suis émue encore plus de la fragilité de la relation homme-nature.
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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En une seule phrase de soixante-dix pages, le souffle admirable de la littérature :

Ancien professeur devenu traîne-misère, passant désormais l'essentiel de ses journées dans un bar d'un quartier crasseux de Berlin, le narrateur du «Dernier loup», qui fut autrefois un professeur de philosophie reconnu (en tout cas il le prétend), raconte au barman hongrois du misérable rade dans lequel il est échoué, comment il a reçu de la part d'une Fondation inconnue et à sa grande surprise une invitation à séjourner en Estrémadure, afin d'écrire « quelque chose » sur cette région, comment il a accepté l'invitation et entrepris ce voyage.

L'homme n'a plus rien à voir avec le professeur d'autrefois, « qui, ne sachant pas encore que la pensée était finie, écrivait des livres, des livres illisibles gorgés de phrases lourdement déficientes mues par une logique déprimante et une terminologie suffocante ». László Krasznahorkai commence par mettre ses personnages à terre, comme le notait Claire Devarrieux à propos de «La mélancolie de la résistance», pour évoquer, encore et toujours, la condition humaine. Dans la lignée des personnages de Thomas Bernhard, le narrateur solitaire et obsessionnel de cette novella s'est noyé dans la mélancolie et l'angoisse face au vide de l'époque, face au spectacle d'une humanité qui lui apparaît comme saturée de vanité et de mépris.

Dès la réception de la lettre de cette étrange fondation, l'homme semble se dédoubler, comme si l'invité et le narrateur étaient deux personnes distinctes, non superposables. Une fois sur place, traité comme une personnalité illustre, craignant d'être démasqué comme un imposteur, il est paralysé, impuissant à s'exprimer et à avouer leur méprise à ses hôtes aux petits soins pour lui. Accompagné d'un guide et d'un interprète, il arpente le territoire à la recherche d'un sujet.

Région située au sud-ouest de l'Espagne, littéralement en dehors du monde comme le note le narrateur, l'Estrémadure est un vaste territoire aride et vide. L'homme se reconnaît dans ce paysage sec et ondoyant, plantés de chênes verts qui se dressent de façon éparse à une grande distance les uns des autres à cause de la chaleur, paysage encore épargné par l'aliénation désastreuse de la modernité qui lui semble-t-il fait écho à son âme. Déchéance et mélancolie de l'homme mutent subtilement à l'évocation de ce paysage, comme si un lien fragile et rompu de l'homme à la nature avait été renoué.

Son sujet lui est finalement donné par une phrase lue dans un journal scientifique et dont la tournure littéraire l'a frappé : « c'est au sud du fleuve Duero qu'en 1983 a péri le dernier loup ». La destruction comme élément de l'histoire contemporaine – incarnée par le vide et la médiocrité de la ville moderne et par la chasse aux animaux sauvages, jusqu'au dernier d'entre eux – est placée au coeur de ce court récit qui forme une évocation poignante de la perte du rapport à la nature et aux animaux. le récit du garde-chasse Jose Miguel évoquant l'intelligence des loups oubliée des hommes, et leur survie bien au-delà de la funeste date, fait écho aux histoires d'Ernest Thompson Seton.

Publié en 2009, superbement traduit du hongrois par Joëlle Dufeuilly pour les éditions Cambourakis en 2019, cette novella en une phrase happe le lecteur en une seule phrase fluviale de près de soixante-dix pages, parcourue de courants multiples, digressive et répétitive suivant les flux de la pensée obsessionnelle du narrateur, revenant sur ses pas, intégrant les changements de son environnement et toujours sous tension, avec la maîtrise et le talent d'un Claude Simon.

Avec ce monologue d'un homme qui malgré le barman, le guide et l'interprète est absolument seul, comme si tout dialogue était impossible, László Krasznahorkai se place sous le double signe de la désillusion absolue et du manque de fiabilité de l'homme, forcément faillible, et partant de son récit.

Également non fiable, indécidable, et pouvant toujours être réinventé en ses variations infinies, la fiction apparaît comme le seul refuge souhaitable après la catastrophe ; le narrateur laisse ouverte la porte à la fin de l'histoire, non sans une pointe d'ironie, et l'envie au lecteur de relire cette novella et tout Krasznahorkai, encore et encore.

Retrouvez cette note de lecture et beaucoup d'autres sur le blog de la librairie Charybde : https://charybde2.wordpress.com/2020/06/15/note-de-lecture-le-dernier-loup-laszlo-krasznahorkai/
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Il faut déjà saluer la performance de ponctuation, car il s'agit de lire une phrase qui s'étend sur 74 pages, à peine sont parsemés quelques points d'interrogation, ce qui exclue chapitre et pause dans la lecture.

Le personnage principal de László Krasznahorkai est un ancien professeur de philosophie qui a cessé de philosopher, il estime ne plus exister, ne plus être en capacité de penser, c'est tout au moins ce qu'il "pense". Alors il erre au Sparschwein, un café, en compagnie d'une bouteille de Sternburger, et il se livre tout naturellement au barman hongrois. Que livre t-il ? Il raconte son aventure en Espagne, car il a été contacté par une Fondation dans le but d'écrire un article sur la région de Estrémadure.

Quand on est sur le déclin, qu'on survit tant bien que mal, et qu'on vous offre un séjour tout compris dans un hôtel de luxe en échange de quelques pensées, quelques lignes, on est d'accord que cela ne se refuse pas ! Mais comment fait-on quand on est incapable de penser...

Et puis arrive cette histoire de Loup ! le dernier !
Lien : https://pasionlivres.blogspo..
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Attention exercice de style à l'horizon ! 72 pages, une seule phrase ! Je m'étais déjà frotté à cette expérience avec « Ce que j'appelle oubli » de Laurent MAUVIGNIER, une phrase en 60 pages. Ici le scénario est cependant tout autre. le narrateur, philosophe oublié, mal dans sa peau, arpente un quartier de Berlin où il s'ennuie au milieu de la crasse, de la grisaille et des junkies. Son point de chute sera un bistrot du quartier, dans lequel il va monologuer son aventure au barman.

Le narrateur a reçu une lettre d'invitation expédiée de Madrid, pour la région d'Estrémadure en Espagne. Tous frais payés. Une ou deux semaines, dates à sa convenance. Pour y faire du tourisme et surtout pour rédiger un article sur son ressenti (et accessoirement donner un coup de pouce médiatique à la région). Il croit tout d'abord à une mauvaise blague, lui le penseur éreinté dont le cerveau ne parvient plus à correctement fonctionner. de plus « IL N'Y A RIEN LÀ-BAS, c'est un immense territoire désertique, aride, austère et plat, encadré de quelques petites montagnes, surtout près de la frontière, des montagnes pelées, une sécheresse épouvantable, un sol craquelé, le vide total et la misère noire, franchement, qu'est-ce que tu vas aller faire en Estrémadure ? ».

Bref, il accepte bon gré mal gré. Avion, interprète et chauffeur sur place. L'inspiration se déclenche avec cette phrase « c'est au sud du fleuve Duero qu'en 1983 a péri le dernier loup », assassiné. Ce sera la trame de fond de son article à venir. Mais très vite, notre narrateur apprend que le dernier loup de la région a été exécuté en 1985. Lui, qui a désappris à penser, y perd le fil, d'autant que des loups furent encore aperçus en maigre meute après cette date.

Le récit entre présent (dans le bar) et passé (en Espagne) s'entremêle dans une juxtaposition déroutante. Les repères se troublent dans une ambiance kafkaïenne. Construction littéraire de véritables poupées gigognes. Mais ce n'est pas tout : plus le récit s'allonge, plus des loups ont été vus après les dates originellement présentées comme les dernières indiquant leur présence.

Dans une sorte d'enquête, le narrateur va rencontrer, soit de visu soit par téléphone ou tout autre moyen de communication, les protagonistes, du dernier assassin de loup au dernier témoin, qui ne sont par ailleurs jamais vraiment les derniers. Sans compter que le barman à qui toute l'histoire est confié s'interroge : le narrateur a-t-il vraiment vécu cette expérience ?

Làszló KRASZNAHORKAI a travaillé à plusieurs reprises avec le cinéaste Bela TARR (tous deux sont hongrois) ce qui n'est guère étonnant. Mais là où Bela TARR joue dans la longueur et le plan fixe, Làszló KRASZNAHORKAI préfère la brièveté d'une action qui ici, comme le réalisateur, stagne et même régresse. le lectorat est perdu, jusqu'à cette dernière ligne qui prouve que l'auteur a diablement mené sa barque. Écrite en 2009, cette novella déconcertante vient enfin d'être publiée en français (impeccable traduction de Jöelle DUFEUILLY) chez Cambourakis en 2019. Elle est originale voire singulière et peut provoquer des migraines si tant est que l'on essaie de se repérer dans les dialogues ou les dates des évènements canidés. On en reste comme deux ronds de flanc.

https://deslivresrances.blogspot.fr/

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