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Citations sur Les Testaments trahis (61)

Quand je parle , un an ou deux après la fin du communisme, avec les Tchèques, j'entends ans le discours de tout un chacun cette tournure devenue rituelle, ce préambule obligatoire de tous leurs souvenirs, de toutes leurs réflexions:" les horribles quarante ans", et surtout"les quarante perdus". Je regarde mes interlocuteurs: ils n'ont été ni forcés à l'émigration, ni emprisonnés, ni chassés de leur emploi, ni même mal vus ; tous ils ont vécus leur vie dans leur pays, dans leur appartement, dans leur travail, ont eu leurs vacances, leurs amitiés, leurs amours; par l’expression "quarante horribles années", ils réduisent leur vie a son seul aspect politique. Mais même l'histoire politique des quarante ans passés, l'ont-ils vraiment vécue comme un seul bloc indifférencié d'horreurs ? Ont-ils oublié les années où ils regardaient les films de Forman lisaient les livres de Hrabal, fréquentaient les petits théâtres non-conformistes, racontaient des centaines de blagues et, dans la gaieté, se moquaient du pouvoir ? S'ils parlent, tous, de quarante années horribles, c'est ont orwellisé le souvenir de leur propre vie qui, ainsi, a posteriori,dans leur mémoire et dans leur tête, est devenue dévalorisée, ou même carrément annulée (quarante ans perdus). p.263
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Le conformisme de l'opinion publique est une force qui s'est érigée en tribunal, et le tribunal n'est pas là pour perdre son temps avec des pensées, il est là pour instruire un procès. Et au fur et à mesure qu'entre les juges et les accusés l'abîme du temps se creuse, c'est toujours une moindre expérience qui juge une expérience plus grande. Des immatures jugent les errements de Céline sans se rendre compte que les romans de Céline, grâce à ces errements, contiennent un savoir existentiel qui, s'ils le comprenaient, pourraient les rendre plus adultes. Car le pouvoir de la culture réside là : il rachète l'horreur en la transsubstantiant en sagesse existentielle. Si l'esprit du procès réussit à anéantir la culture de ce siècle, il ne restera derrière nous qu'un souvenir des atrocités chanté par une chorale d'enfants.

Huitième partie : Les Chemins dans le brouillard.
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Tout auteur d'une certaine valeur transgresse le « beau style » et c'est dans cette transgression que se trouve l'originalité (et, partant, la raison d'être) de son art.

QUATRIÈME PARTIE. Une phrase : remarque générale sur le problème de l'autorité.
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Plus que la Terreur, la lyrisation de la Terreur fut pour moi un traumatisme. A jamais, j'ai été vacciné contre toutes les tentations lyriques. La seule chose que je désirais alors profondément, avidement, c'était un regard lucide et désabusé. Je l'ai trouvé enfin dans l'art du roman. C'est pourquoi être romancier fut pour moi plus que pratiquer un "genre littéraire" parmi d'autres ; ce fut une attitude, une sagesse, une position ; une position excluant toute identification a une politique, a une religion, a une idéologie, a une morale, a une collectivité ; une non-identification consciente, opiniâtre, enragée, conçue non pas comme évasion ou passivité, mais comme résistance, défi, révolte. J'ai fini par avoir ces dialogues étranges : "Vous êtes communiste. Monsieur Kundera? - Non, je suis romancier." "Vous êtes dissident? - Non, je suis romancier." " Vous êtes de gauche ou de droite? - Ni l'un ni l'autre. Je suis romancier."
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Mais la même formule, « la fin de l'histoire » appliquée à l'art me serre le cœur ; cette fin, je ne sais que trop bien l'imaginer car la plus grande partie de la production romanesque d'aujourd'hui est faite de romans hors de l'histoire du roman : confessions romancés, reportages romancés, règlements de comptes romancés, autobiographies romancés (...) romans ad infinitum, jusqu'à la fin des temps, qui ne disent rien de nouveau, n'ont aucune ambition esthétique, n'apportent aucun changement, ni à notre compréhension de l'homme ni à la forme romanesque, se ressemblent l'un l'autre, sont parfaitement consommables le matin, parfaitement jetables le soir.

p.27
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Je me promène avec Elvar D. dans le cimetière de Reykjavik ; il s’arrête devant une tombe (…) ; il y a à peine un an, on a enterré son ami ; il se met à se souvenir de lui à haute voix : sa vie privée était marquée d’un secret, d’ordre sexuel, probablement. « Comme les secrets provoquent une curiosité irritée, ma femme, mes filles, les gens autour de moi ont insisté pour que je leur en parle. À un tel point que mes rapports avec ma femme, dès lors, se sont gâchés. Je ne pouvais pas lui pardonner sa curiosité agressive, elle ne m’a pas pardonné mon silence, preuve pour elle du peu de confiance que je lui faisais. » Puis, il sourit et : « Je n’ai rien trahi, dit-il. Car je n’avais rien à trahir. Je me suis interdit de vouloir connaître les secrets de mon ami et je ne les connais pas. » Je l’écoute fasciné : depuis mon enfance j’entends dire que l’ami est celui avec qui tu partages tes secrets et qui a même le droit, au nom de l’amitié, d’insister pour les connaître. Pour mon Islandais, l’amitié c’est autre chose : c’est être un gardien devant la porte où l’ami cache sa vie privée ; c’est être celui qui n’ouvrira jamais cette porte ; qui à personne ne permettra de l’ouvrir.
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Je pense à ma jeunesse vécue en Tchécoslovaquie. Sortis du premier enchantement communiste, nous avons ressenti chaque petit pas contre la doctrine officielle comme un acte de courage. Nous protestions contre la persécution des croyants, défendions l'art moderne proscrit, contestions la bêtise de la propagande, critiquions notre dépendance de la Russie, etc. Ce faisant, nous risquions quelque chose, pas grand-chose, mais quelque chose pourtant et ce (petit) danger nous donnait une agréable satisfaction morale. Un jour une affreuse idée m'est venue : et si ces révoltes étaient dictées non pas par une liberté intérieure, par un courage, mais par l'envie de plaire à l'autre tribunal qui, dans l'ombre, préparait déjà ses assises ?
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Après 1948, pendant les années de la révolution communiste dans mon pays natal, j'ai compris le rôle éminent que joue l'aveuglement lyrique au temps de la Terreur qui, pour moi, était l'époque où « le poète régnait avec le bourreau » ('La vie est ailleurs'). J'ai pensé alors à Maïakovski ; pour la révolution russe, son génie avait été aussi indispensable que la police de Dzerjinski. Lyrisme, lyrisation, discours lyrique, enthousiasme lyrique font partie intégrante de ce qu'on appelle le monde totalitaire ; ce monde, ce n'est pas le goulag, c'est le goulag dont les murs extérieurs sont tapissés de vers et devant lesquels on danse.
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La volonté de Nietzsche de préserver la « façon effective » dont les pensées lui sont venues est inséparable de son autre impératif qui me séduit tout comme le premier : résister à la tentation de transformer ses idées en système.
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Et d’où prenait-il la certitude que le cœur est éthiquement supérieur au cerveau ? Les bassesses ne sont-elles pas commises aussi bien avec la participation du cœur que sans elle ? Les fanatiques, aux mains tachées de sang, ne peuvent-ils pas se vanter d’une grande "activité affective" ? Va-t-on un jour en finir enfin avec cette imbécile inquisition sentimentale, avec cette Terreur du cœur ?

(Folio, p.83)
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