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Citations sur Les Testaments trahis (61)

Le coeur serré, je pense au jour où Panurge ne fera plus rire.
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Quand je parle, un an ou deux après la fin du communisme, avec les Tchèques, j’entends dans le discours de tout un chacun cette tournure devenue rituelle (…) : « après ces quarante ans d’horreur communiste » (…), et surtout : « les quarante ans perdus ». (…) Mais même l’histoire politique des quarante ans passés, l’ont-ils vraiment vécue comme un seul bloc indifférencié d’horreurs ? Ont-ils oublié les années où ils regardaient les films de Forman, lisaient les livres de Hrabal, (…) racontaient des centaines de blagues et, dans la gaieté, se moquaient du pouvoir ? S’ils parlent, tous, de quarante années horribles, c’est qu’ils ont "orwellisé" le souvenir de leur propre vie qui, ainsi, a posteriori, dans leur mémoire et dans leur tête, est devenue dévalorisée ou même carrément annulée (quarante ans "perdus").

(p. 261-262)
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L’influence néfaste du roman d’Orwell réside dans l’implacable réduction d’une réalité à son aspect purement politique et dans la réduction de ce même aspect à ce qu’il a d’exemplairement négatif. Je refuse de pardonner cette réduction sous prétexte qu’elle était utile comme propagande dans la lutte contre le mal totalitaire. Car ce mal, c’est précisément la réduction de la vie à la politique et de la politique à la propagande. Ainsi le roman d’Orwell, malgré ses intentions, fait lui-même partie de l’esprit totalitaire, de l’esprit de propagande. Il réduit (et apprend à réduire) la vie d’une société haïe en la simple énumération de ses crimes.

(p. 261)
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Si la forme romanesque obscurcit la pensée d’Orwell, lui donne-t-elle quelque chose en retour ? Éclaire-t-elle le mystère des situations humaines auxquelles n’ont accès ni la sociologie ni la politologie ? Non : les situations et les personnages y sont d’une platitude d’affiche. Est-elle donc justifiée au moins en tant que vulgarisation de bonnes idées ? Non plus. Car les idées mises en roman n’agissent plus comme idées mais précisément comme roman, et dans le cas de "1984" elles agissent en tant que "mauvais" roman avec toute l’influence néfaste qu’un mauvais roman peut exercer.

(p. 261)
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Suspendre le jugement moral ce n'est pas l'immoralité du roman, c'est sa morale. La morale qui s'oppose à l'indéracinable pratique humaine de juger tout de suite, sans cesse, et tout le monde, de juger avant et sans comprendre. Cette fervente disponibilité à juger est, du point de vue de la sagesse du roman, la plus détestable bêtise, le plus pernicieux mal. Non que le romancier conteste, dans l'absolu, la légitimité du jugement moral, mais il le renvoie au-delà du roman. Là, si cela vous chante, accusez Panurge pour sa lâcheté, accusez Emma Bovary, accusez Rastignac, c'est votre affaire ; le romancier n'y peut rien.
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Je pense à Stravinski. À son effort gigantesque pour garder toute son œuvre dans sa propre interprétation comme un indestructible étalon. Samuel Beckett se comportait semblablement : il accompagnait le texte de ses pièces d’instructions scéniques de plus en plus détaillées et insistait (contrairement à la tolérance courante) pour qu’elles soient strictement observées; il assistait souvent aux répétitions pour pouvoir approuver la mise en scène et, quelquefois, la faisait lui-même; il a même édité en livre les notes destinées à sa mise en scène allemande de Fin de partie afin qu’elle reste fixée à jamais.
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L’extase signifie être « hors de soi », comme le dit l’étymologie du mot grec : action de sortir de sa position (stasis). Être « hors de soi » ne signifie pas qu’on est hors du moment présent à la manière d’un rêveur qui s’évade vers le passé ou vers l’avenir. Exactement le contraire : l’extase est identification absolue à l’instant présent, oubli total du passé et de l’avenir. Si on efface l’avenir ainsi que le passé, la seconde présente se trouve dans l’espace vide, en dehors de la vie et de sa chronologie, en dehors du temps et indépendante de lui (c’est pourquoi on peut la comparer à l’éternité qui, elle aussi, est la négation du temps).
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[Le Procès contre le siècle]
Mais le conformisme de l'opinion publique est une force qui s'est érigée en tribunal, et le tribunal n'est pas là pour perdre son temps avec des pensées, il est là pour instruire des procès. Et au fur et à mesure qu'entre les juges et les accusés l'abîme du temps se creuse, c'est toujours une moindre expérience qui juge une expérience plus grande. Des immatures jugent les errements de Céline sans se rendre compte que les romans de Céline, grâce à ces errements, contiennent un savoir existentiel qui, s'ils le comprenaient, pourrait les rendre plus adultes. Car le pouvoir de la culture réside là : il rachète l'horreur en la transsubstantiant en sagesse existentielle. Si l'esprit du procès réussit à anéantir la culture de ce siècle, il ne restera derrière nous qu'un souvenir des atrocités chanté par une chorale d'enfants.
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[la "kafkologie"]
Par d’innombrables préfaces, postfaces, notes, biographies et monographies, conférences universitaires et thèses, elle produit et entretient son image de Kafka, si bien que l’auteur que le public connaît sous le nom de Kafka n’est plus Kafka mais le Kafka kafkologisé.
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Des immatures jugent les errements de Céline sans se rendre compte que l'oeuvre de Céline, grâce à ces errements, contient un savoir existentiel qui, s'ils le comprenaient, pourrait les rendre plus adultes. Car le pouvoir de la culture réside là : il rachète l'horreur en la transsubstantiant en sagesse existentielle. Si l'esprit du procès réussit à anéantir la culture de ce siècle, il ne restera derrière nous qu'un souvenir des atrocités chanté par une chorale d'enfants.
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