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EAN : 9782070392957
334 pages
Gallimard (02/02/1995)
3.88/5   188 notes
Résumé :
Au fil des neuf parties indépendantes de cet essai, les mêmes personnages reviennent et se croisent Stravinski et Kafka avec leurs curieux amis ; Janacek et Hemingway ; Rabelais et ses héritiers, les grands romanciers.
L'art du roman est le héros principal du livre : l'esprit de l'humour dont il est né ; sa mystérieuse parenté avec la musique ; son histoire qui se déroule (comme celle de la musique) en trois temps ; l'esthétique du troisième temps (le roman m... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Milan Kundera est — chose assez rare pour être signalée — aussi doué dans l'art du roman que dans l'art de l'essai. Et il nous convie, à travers ces Testaments trahis, à neuf réflexions sur la littérature et la pratique du romancier, mises en perspective, très souvent, avec la musique classique et les compositeurs.

(Notons au passage que ce recueil d'essais a reçu le prix du meilleur livre sur la musique en 1996 de la part de la Société des compositeurs américains. Notons encore que Milan Kundera — écrivain majeur s'il en est — n'a jamais reçu le Prix Nobel de littérature, tandis que d'autres, probablement moins majeur(e)s, en raison des souffles de l'air du temps, en reçoivent assez indûment, mais bon, c'est comme ça. Heureusement, je fais confiance au temps qui fera oublier ces récipiendaires indu(e)s de l'histoire littéraire, comme l'automne arrache inlassablement les feuilles devenues inutiles au tronc principal après leur jaunissement.)

Kundera nous emmène sur des chemins très divers, mais il examine en particulier l'humour, la dérision (celle de Rabelais ou de Cervantès) dans l'activité romanesque, qu'il distingue du soucis de réalisme (source d'incompréhension comme dans le cas des Versets sataniques de Salman Rushdie et qui a retrouvé tout récemment toute son actualité). de façon générale, il distingue deux grandes périodes dans l'histoire littéraire : l'avant 1800, encore très invraisemblable, et l'après, soucieux de réalisme. En ce qui concerne la littérature française, cela correspondrait à la fracture qui a lieu entre les Voltaire/Diderot et Balzac.

Il aborde aussi l'incompréhension de l'esthétique des auteurs, notamment par les biographes ou les critiques. Dans le domaine littéraire, c'est notamment le cas pour Franz Kafka. Toujours à propos de Kafka, il aborde le problème de la traduction, qu'il juge souvent infidèle à l'esprit, à l'esthétique poursuivis par l'auteur. Il évoque encore le cas des écrivains déracinés, comme lui, notamment au travers du cas de Witold Gombrowicz.

Il pousse également une réflexion très intéressante sur la difficulté à saisir réellement le présent et nous oriente vers le travail de nouvelliste d'Ernest Hemingway, notamment en ce qui concerne le dialogue (ce en quoi il s'oppose à Virginia Woolf à propos de la même nouvelle, Les Collines comme des éléphants blancs, dont on peut trouver une critique dans le recueil édité en collection Quarto des nouvelles d'Hemingway : à titre de curiosité, je vous invite à lire les différences de point de vue de ces deux grands lecteurs critiques de la littérature).

Enfin, dans plusieurs essais, il aborde la question de la réflexion philosophique, historique ou même carrément de l'essai inclus dans le roman, notamment au travers des cas de la Guerre et le Paix de Léon Tolstoï, de L'Homme sans qualités de Robert Musil ou encore Les Somnambules de Hermann Broch.

Bien entendu, ce ne sont que quelques uns des thèmes embrassés dans ce recueil et je n'ai pas parlé des très nombreuses réflexions qui concernent plus spécifiquement la musique et les musiciens (et qui amènent l'auteur à s'interroger sur l'art de la composition également en littérature, appliquée notamment à son Livre du rire et de l'oubli).

Donc, une mine de réflexions absolument captivantes, de mon point de vue, et que je recommande très volontiers à toutes celles et tous ceux qui aiment réfléchir sur la littérature en général. Selon moi toujours, Milan Kundera est à l'essai littéraire (abordable, original et captivant) ce que Stephen Jay Gould ou Jared Diamond sont à l'essai scientifique, ce qui n'est pas peu dire. Néanmoins, gardez à l'esprit que ce qui est exprimé ici n'est que mon avis, que peut-être mon testament trahira, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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J'avais lu avec beaucoup de plaisir son premier recueil d'essais "L'art du roman" (ainsi que certains de ses romans) et il fallait s'attaquer à ce deuxième livre de la même veine.

Kundera s'est avéré l'un de mes auteurs préférés que je retrouve à chaque fois avec le même bonheur.

"Les testaments trahis" est un recueil de neuf essais sur l'art; la littérature (l'art du roman surtout) et la musique (c'est d'ailleurs l'un des meilleurs livres sur la musique).

Avant d'être un essayiste ou même un critique, Kundera se veut un lecteur et un praticien, et c'est justement cela qui fait de ce livre une oeuvre plaisante et intéressante.

Dans ce livre, on retrouve un autre Kafka épuré de tous les stéréotypes qui ont assombri cet auteur et qui le représentaient comme un être pur, un saint d'un côté et un être maussade et indifférent d'un autre. L'oeuvre de Kafka perd beaucoup à cause de la traduction défectueuse et des interprétations naïves et subjectives. On découvre pleins d'autres secrets concernant cet auteur comme son mystérieux testament trahi par Brod, son ami (qui m'a fait pensé à cette fable de la Fontaine dont la morale est : "Rien n'est si dangereux qu'un ignorant ami/Mieux vaudrait un sage ennemi.").

Après avoir lu son analyse du dialogue chez Hemingway, j'ai remis en question mon avis concernant son roman "Le soleil se lève aussi" que je n'avais pas beaucoup apprécié. Des dialogues que l'auteur américain veut vivants. Il est à parler ensuite d'Hemingway et de son biographe qui a mélangé la vie de l'auteur et ses écrits pour en tirer des interprétations étrangement fausses (un manque de respect aux idées de Proust dans son "Contre Sainte-Beuve").

Kundera nous décrit aussi cette musique de Stravinski singulière par sa composition complexe, de l'incompréhension de son ami (comme pour Kafka). On y découvre de très belles réflexions sur la musique.

Le livre a abordé aussi plusieurs sujets (l'intimité, l'extase, la traduction, l'humour, la ressemblance entre roman et musique...) les illustrant des oeuvres de beaucoup d'écrivains et musiciens (Rabelais, Tolstoï, Balzac, Musil, Mann, Bach, Janacek...).

Un livre que je conseille à tous les amateurs de roman et de musique.
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Critique éclairé de Kafka et Stravinsky, Kundera propose dans ses Testaments trahis une analyse brillante du roman et par extension de la musique dans leur rapport à l'émotion. Je reste encore étourdi par cet essai vraiment brillant. Un éloge critique de Kafka qui me réjouit, une renaissance de Stravinsky qui fait palpiter sa magnifique musique. Je me retiens de trop d'éloges pour ce livre qui est justement l'anti-panégyrique. Kundera reproche par exemple à Brod d'avoir trahi Kafka par trop d'éloges (la kafkologie!). Je voudrais donc me garder de trop encenser ce bel essai, qui apporte vraiment un éclairage utile à l'histoire du roman et de la musique ; le lien entre Rabelais et Hemingway, Bach et Stravinsky. On pourrait lui opposer une certaine vanité dans l'expression de celui qui a vraiment compris les grandes oeuvres contre tous ceux qui les ont méprisées. Mais au final, il y a bien dans ce livre une vraie délectation des oeuvres. J'allais oublier comment Kundera admire (de façon critique toujours) ses compatriotes. J'ai cité kafka déjà, mais j'oubliais Janacek, et qui connaît La petite renarde rusée comprendra cette admiration. Un livre qui donne envie de lire, et une fois n'est pas coutume, d'écouter de la musique !
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Cela faisait bien des années que cet essai prenait la poussière sur mes étagères. Lorsque j'ai décidé de passer le CAPES pour aller voir ce que l'on attendait des candidats, j'ai entrepris, non pas de réviser quoi que ce soit mais de relire quelques grands classiques et de lire "les oubliés" de ma bibliothèque. le jour où je suis allée devant le centre d'examens pour l'épreuve de la composition française, j'en étais à la page 103 dudit essai. En découvrant le sujet, quelle ne fut pas ma surprise! Il s'agissait d'un extrait des Testaments trahis dans lequel Kundera pose la question de la moralité, de l'immoralité et de l'amoralité du roman.
Les considérations et les analyses de Kundera sont particulièrement intéressantes et pertinentes. Il ne se limite pas à la question de la littérature mais il aborde également celle de la musique. Ainsi, Kafka, Rabelais ou encore Janáček jalonnent cet essai, étayant les propos de l'auteur.

J'aimais déjà le romancier, je suis conquise par l'essayiste.

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Quand Milan Kundera, le plus français des romanciers tchèques, parle de littérature et des poètes, écrivains et musiciens qu'il aime cela donne un recueil de textes très intéressant "les testaments trahis".
Cet essai a quelque chose d'une analyse philosophico-politico-culturelle sur l'art d'écrire et ce n'est pas pour me déplaire. Si on retrouve les thèmes chers à Kundera, comme le totalitarisme ou la mémoire, c'est d'abord un bel hommage aux hommes (peu de femmes sont évoquées) et à la pensée romanesque.
Kundera se rappelle ses lectures et ce qu'elles évoquent pour lui : Rabelais et l'essence de l'humour, Kafka et le comique de la sexualité, Nietzche et la façon de philosopher, Maïakovski et le brouillard propre à la condition humaine, la main tendue d'Aragon, Céline et le savoir existentiel, Tolstoï et l'histoire, Stravinsky et Beckett et le respect de l'auteur... et plus encore.
Quel beau programme sur ce que nous ont transmis de grandes figures de la culture !

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Citations et extraits (60) Voir plus Ajouter une citation
Je ne médirai jamais de la critique littéraire. Car rien n'est pire pour un écrivain que de se heurter à son absence. Je parle de la critique littéraire en tant que méditation, en tant qu'analyse ; de la critique littéraire qui sait lire plusieurs fois le livre dont elle veut parler (comme une grande musique qu'on peut réécouter sans fin, les grands romans aussi sont faites pour des lectures répétées) ; de la critique littéraire qui, sourde à l'implacable horloge de l'actualité, est prête à discuter les oeuvres nées il y a un an, trente ans, trois cents ans ; de la critique littéraire qui essaie de saisir la nouveauté d'une oeuvre pour l'inscrire ainsi dans la mémoire historique. Si une telle méditation n'accompagnait pas l'histoire du roman, nous ne saurions rien aujourd'hui ni de Dostoïevski, ni de Joyce, ni de Proust. Sans elle toute oeuvre est livrée aux jugements arbitraires et à l'oubli rapide. Or, le cas de Rushdie a montré (s'il fallait encore une preuve) qu'une telle méditation ne se pratique plus. La critique littéraire, imperceptiblement, innocemment, par la force des choses, par l'évolution de la société, de la presse, s'est transformée en une simple (souvent intelligente, toujours hâtive) information sur l'actualité littéraire.
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Dans le "Quart Livre", il y a une tempête en mer. Tout le monde est sur le pont s'efforçant de sauver le bateau. Seul Panurge, paralysé par la peur, ne fait que gémir : ses belles lamentations s'étalent à longueur de pages. Dès que la tempête se calme, le courage lui revient et il les gourmande tous pour leur paresse. Et voilà ce qui est curieux : ce lâche, ce fainéant, ce menteur, ce cabotin, non seulement ne provoque aucune indignation, mais c'est à ce moment de sa vantardise que nous les aimons le plus.
Ce sont là les passages où le livre de Rabelais devient pleinement et radicalement roman : à savoir : territoire où le jugement moral est suspendu.
Suspendre le jugement moral, ce n'est pas l'immoralité du roman, c'est sa morale. La morale qui s'oppose à l'indéracinable pratique humaine de juger tout de suite, sans cesse, et toute le monde, de juger avant et sans comprendre. Cette fervente disponibilité à juger est, de point de vue de la sagesse du roman, la plus détestable bêtise, le plus pernicieux mal. Non que le romancier conteste, dans l'absolu, la légitimité du jugement moral, mais il le renvoie au-delà du roman. Là, si ça vous chante, accusez Panurge pour sa lâcheté, accusez Emma Bovary, accusez Rastignac, c'est votre affaire ; le romancier n'y peut rien.
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Je suis toujours surpris de l'étonnement que provoque la décision (prétendue ) de Kafka de détruire toute son oeuvre . Comme si une telle décision était a priori absurde . Comme si un auteur ne pouvait pas avoir assez de raisons d'emmener, pour son dernier voyage, son oeuvre avec lui .
Il peut arriver, en effet, qu'au moment du bilan l'auteur constate qu'il désaime ses livres .Et qu'il ne veuille pas laisser après lui ce lugubre monument de sa défaite . Je sais, je sais, vous lui objecterez qu'il se trompe, qu'il succombe à une dépression maladive, mais vos exhortations n'ont pas de sens . C'est lui qui est chez lui dans son oeuvre, et pas vous, mon cher !
Autre raison plausible : l'auteur aime toujours son oeuvre mais il n'aime pas le monde . Il ne peut supporter l'idée de la laisser ici, à la merci de l'avenir qu'il trouve haïssable .
Et encore un autre cas de figure : l'auteur aime toujours son oeuvre et ne s'interesse même pas à l'avenir du monde, mais ayant ses propres expériences avec le public il a compris la vanitas vanitatum de l'art, l'inévitable incompréhension qui est son sort, l'incompréhension ( non pas la sous-estimation, je ne parle pas des vaniteux ) dont il a souffert durant sa vie et dont il ne veut pas souffrir post mortem . (Ce n'est,d'ailleurs, peut-être, que la brièveté de la vie qui empêche les artistes de comprendre jusqu'au bout la vanté de leur travail et d'organiser à temps l'oubli et de leur oeuvre et d'eux-mêmes . )
Tout cela, ne sont-ce pas des raisons valables ? Mais si . Pourtant, ce n'étaient pas celles de Kafka : il était conscient de la valeur de ce qu'il écrivait, il n'avait pas une répugnance déclarée envers le monde, et, trop jeune et quasi inconnu, il n'avait pas de mauvaises expériences avec le public, n'en ayant presque aucune .
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Suspendre le jugement moral ce n'est pas l'immoralité du roman, c'est sa morale. La morale qui s'oppose à l'indéracinable pratique humaine de juger tout de suite, sans cesse, et tout le monde, de juger avant et sans comprendre. Cette fervente disponibilité à juger est, du point de vue de la sagesse du roman, la plus détestable bêtise, le plus pernicieux mal. Non que le romancier conteste, dans l'absolu, la légitimité du jugement moral, mais il le renvoie au-delà du roman. Là, si cela vous chante, accusez Panurge pour sa lâcheté, accusez Emma Bovary, accusez Rastignac, c'est votre affaire ; le romancier n'y peut rien.

[Milan KUNDERA, "Les Testaments trahis", 1995 - un extrait lumineux découvert et offert ici par notre amie babéliote StephanielsReading (Trois cent mille MERCIS à vous !), judicieusement repris par Jacques Bonhomme en sa critique babélienne au sujet de "Thérèse Desqueyroux" [1927] de François Mauriac, puis re-reproduit ici... ]
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La seule chose que je désirais [ ... ] profondément , avidement , c'était un regard lucide et désabusé . Je l'ai trouvé enfin dans l'art du roman . C'est pourquoi être romancier fut pour moi plus que pratiquer un " genre littéraire " parmi d'autres ; ce fut une attitude , une sagesse , une position ; une position excluant toute identification à une politique , à une religion , à une idéologie , à une morale , à une collectivité ; une non-identification consciente , opiniâtre , enragée , conçue non pas comme évasion ou passivité , mais comme résistance , défi , révolte . J'ai fini par avoir ces dialogues étranges : " Vous êtes communiste , monsieur Kundera ? - Non je suis romancier . " " Vous êtes dissident ? - Non je suis romancier . " " Vous êtes de gauche ou de droite ? - Ni l'un ni l'autre . Je suis romancier . "
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Vidéo de Milan Kundera
Vidéo du 12 juillet 2023, date à laquelle le romancier tchèque naturalisé français, Milan Kundera, s’est éteint à l’âge de 94 ans. La parution en 1984 de son livre "L’Insoutenable légèreté de l’être", considéré comme un chef-d'œuvre, l'a fait connaître dans le monde entier. Milan Kundera s’était réfugié en France en 1975 avec son épouse, Vera, fuyant la Tchécoslovaquie communiste (vidéo RFI)
>Littérature : généralités>Biographie littéraire>Oeuvres de fiction, romans (119)
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