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Citations sur Nous étions des êtres vivants (66)

Nous nous méfions de nous-mêmes, craignant de nous le pire : pourrions-nous devenir autres si l'occasion se présentait ?
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"- Point positif : talentueuse. Elle retrouvera un poste à sa mesure et à la hauteur de ses compétences. Aucune inquiétude la concernant.
- L'obliger à partir, c'est lui rendre service."
Ainsi va le déni.
Ainsi se transforment les saloperies en bonnes actions.
Ainsi sont lavées les consciences.
Ainsi peut-on menacer, dénoncer, trahir et penser que l'on participe au grand assainissement nécessaire pour sauver une société malade.
Ainsi obéit-on lâchement avec la conviction d'être héroïque.
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Nous voulions profiter le plus longtemps possible d'être un groupe, une entité, un ensemble. Nous ignorions encore la douleur d'être seul devant les questionnaires du pôle emploi, à devoir prouver que nous recherchions un travail d'une façon hardie. Nous allions vite devenir coupables de n'avoir pas su conserver notre poste. Nous devrions expliquer à nos amis comment notre société avait été condamnée du jour où elle avait été vendue. Les gens feraient mine de comprendre ; en ce moment, c'est partout pareil... Et pourtant, non, ce n'est pas partout pareil. C'est partout singulier, c'est partout une seule personne à la fois qui soudain perd pied, hallucine, voudrait que ce soit un rêve, mais, par pitié, pas elle, oh non, pas elle. Partout, c'est elle, qui espérait une récompense parce qu'elle s'était tenue bien sage, avait fait tout ce qu'elle pouvait, avait mis des bouchées doubles comme on le lui avait demandé (ah, les bouchées doubles !), toléré les humiliations et accepté d'humilier à son tour pour sauver une place qu'elle a de toute façon perdue. [...]
Nous allions finalement rejoindre nos bureaux, ne sachant désormais que faire de notre solidarité. La contempler ainsi dans toute son impuissance nous rendait encore plus malheureux.
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C'est impossible. Nous refusons d'y croire. Des voix s'élèvent. Certains d'entre nous sont en colère. Et cette colère se propage à une vitesse enivrante. La colère est un remède contre l'aliénation. Nous ne savons pas bien ce que nous allons faire d'elle. La colère s'organise, dit quelqu'un. Non, la colère ne s'organise pas, lui répond-on, ça suffit d'entendre parler d'organisation. Créons le désordre, au contraire !
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La crasse est un terrain fertile où germe l'idée du pouvoir.
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J'ai rarement l'occasion de me trouver à la poste pour retirer une lettre recommandée. Je me sentirais presque grandie par l'importance que l'on me témoigne. On recommande, pour moi, une lettre. On paye le service. Et je suis là, à attendre. La lenteur me caractérise. Lenteur dans les mouvements, lenteur de la pensée... et soudain, je comprends. On ne peut me recommander que de partir, d'aller loin, de ne plus appartenir à ce monde où il faut que tout aille vite. [...] Maintenant, j'ai presque envie que ça traîne.
Je pourrais quitter la poste et revenir plus tard. Mais lorsque l'on a commencé à attendre quelque part, il devient impossible de s'arracher de l'endroit. Les autres passeraient avant vous, et ce seul fait vous agace, non parce que vous en voudriez aux gens qui profiteraient de votre démission, mais parce que rester vivant consiste aussi à occuper le terrain. Que ce soit à la poste, au travail, dans un appartement, avec vos enfants, vos amis, vos mari ou femme, vos parents, votre vie en général, me dis-je, il faut tenir sa place. M'apercevant soudain que j'étends ma situation au monde entier, je souris. Une femme répond à mon sourire, pensant qu'il lui est adressé. Je me sens plus forte, je n'ai plus peur du recommandé.
"Madame,
Nous vous informons que nous sommes amenés à envisager à votre égard une mesure pouvant aller jusqu'au licenciement pour motif personnel. [...]"
Alors c'était bien ça. Je viens de lire ma lettre de licenciement. Et j'ai eu beau pressentir que c'était la seule chose qui pouvait m'attendre derrière le guichet, maintenant que j'ai lu les mots, ce n'est plus pareil. Je n'ai plus de travail. Je ne me sens plus du tout le monde entier.
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Après n'être venue que quelques heures par jour, Pimprenelle était restée plus longtemps, puis finalement la nuit. Ne possédant plus aucune famille pour des raisons confuses, qu'elle avait tenté de m'expliquer (et les versions avaient plu par dizaines, si bien que je l'avais soupçonnée de l'avoir elle-même fait disparaître), elle avait spontanément proposé de s'installer avec mon père quand je lui avais fait part de mon projet de le placer en maison de retraite.
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Le mal, je m'en éloigne, systématiquement. J'ai senti sa présence lorsque j'ai demandé si Pontault-Combault était en France. On a pour moi une tendresse imbécile. J'attire la pitié malgré moi. Je suis condamnée à être l'une des premières désignées pour quitter les lieux. Pourtant, on n'a pas annoncé de licenciements. On parle de sélection naturelle.
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Nous sommes fatigués. Ce soir, chacun de nous ira se coucher, l'un avec un mal de pied, l'autre avec un mal de reins, l'autre avec un mal de tête, l'autre avec l'impression qu'une souris lui ronge l'estomac, l'autre avec une douleur qui lui vrille la nuque, l'autre avec un verre de vin, l'autre avec une bonne dose de médicaments, l'autre avec un sifflement dans l'oreille, tous avec un je-ne-sais-quoi de tristesse que personne n'entend. La tristesse est un sentiment dont le périmètre est flou et que l'on n'associe pas à une situation professionnelle, pour des raisons inconnues. On ne dit pas : Je suis triste de mon travail. "Mon travail me rend triste" ne signifie pas la même chose.
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On aime les femmes du comité d'entreprise. On voudrait que, toute la vie, elles restent nos femmes du comité d'entreprise. On a placé nos espoirs entre leurs mains. Elles connaissent nos désirs mieux que nous-mêmes et elles feront tout pour qu'ils se réalisent. Cela fait maintenant une année entière que nous sommes à vendre. Nous avons eu peur de n'intéresser personne, peur du plan social, puis nous avons fini par faire nos calculs, par nous dire que les conditions du plan étaient plutôt bonnes, et que, de toute façon, nous n'avions pas le choix. Certains s'étaient déjà prévu leur vie d'après : formation pour changer de métier, création d'une entreprise, chômage pendant deux ans avec un petit pactole qui laisserait le temps de voir venir, de laisser passer la crise. On attendait le grand jour, le jour des pleurs, des adieux, et peut-être éprouvions-nous quelque plaisir à rendre poignantes, par avance, ces heures où nos vies basculeraient, où nous serions tous dans le même bateau, agrippés les uns aux autres avant de nous quitter pour toujours. Et puis, un jour, alors que nos habitudes avaient repris le dessus et que nous continuions à travailler comme si rien ne devait advenir, on nous a réunis pour nous annoncer qu'un acquéreur potentiel était en pourparlers. Sur nos visages, ce jour-là, une sorte d'hébétude : qui pouvait encore s'intéresser à nous ? Quelqu'un pourtant pensait que nos savoir-faire et les journaux que nous portions à bout de bras ne valaient pas rien. Des sourires se sont peints, des grimaces aussi. Nous avions cessé d'y croire. Retourner à l'espoir n'était pas chose simple.
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