Un été dans l'Ouest

Toute la région qui recouvre les Quatre Coins est splendide, constellée de réserves indiennes (Jicariya, Apache, Zumi, Navajo et Ouray), de rivières à truites (Dolorès, San Juan), d'anciennes villes minières, de forêts nationales et de barrages électriques, de lacs, de canyons, de musées archéologiques et de vieilles voies de chemin de fer qu'empruntaient les chercheurs d'or.

La vérité que je veux reproduire, elle est là, fit-elle en tendant le bras vers les nuques des passagers assis dans les rangs devant nous, de chaque côté de l'allée centrale. Elle est dans ces destins brisés, ces tendresses et ces folies, dans les mots d'argot et les souvenirs accumulés.

En même temps, j'étais autant habité par l'orgueil d'agir, la volonté de surmonter les obstacles, l'attrait de l'inconnu, des difficultés, un besoin de m'arracher aux couches protectrices dont on m'avait emmailloté pendant mon enfance; la faim de tout voir, tout comprendre, tout connaître. Tout, le plus sublime, comme le plus laid.

Je repense aux hommes, Bill et son visage barbu et impénétrable, Dick et son regard insensé de cascadeur, Mack qui m'a tant appris. Je revois aussi la fille, Amy, avec ses cheveux fous et parfumés, et j'entends sa voix qui m'avait instantanément séduit.

J'ai frissonné. Les Rocheuses!... J'ai pensé aux pionniers, aux chasseurs de fourrures, à ceux qu'on nommait les "coureurs de bois", qui avaient poursuivi le soleil et les peaux de castor, qui s'étaient soumis à l'appel de la forêt et s'étaient retrouvés un jour, deux ou trois siècles auparavant, face à cette imposante barrière de montagnes auréolée de brume bleu et rosâtre. Avaient-ils ressenti la même stupéfaction et le même bonheur?

Pour moi, l'Ouest, le vrai, avait commencé au-delà du Kansas, au-delà du grand plat, lorsque j'avais vu apparaître les premières pentes annonçant les Rocheuses après l'interminable traversée de la Prairie, un océan d'herbes jaunes et vertes et parfois ocre.

Pour lui les Rocheuses ... n'étaient pas une merveille destinée au tourisme, mais plutôt le théâtre d'un combat quotidien et contradictoire.

Soudain, avec la violence des émotions premières, malgré la lassitude qui m’avait gagné au cours de l’interminable montée, j’ai reçu en plein visage un coup de fouet qui m’a fait oublier ce que je venais de subir. Devant nous, dans un air pur, dans un bouquets d’odeurs de sapins et de résine, de mousses et de sauges, s’étendait le plus beau pays du monde. C’était beau, parce que c’était immaculé. Parce que rien n’avait entamé ces espaces, ces montagnes, cette infinie verdure. Pour reprendre une émouvante phrase de la légende du peuple Apache, « la terre était comme neuve ». La terre, et le ciel.

Dans l'Ouest, les gens parlaient peu ; un sourire, un regard pesaient lourd.

Dois-je me sentir insultée parce que on admire mes pieds nus comme un objet sexuel ?Mes orteils sont-ils donc le seul pôle d'attraction de mon corps ? Et d'ailleurs vous ai-je jamais attiré physiquement?