Vous venez de voir en quoi le tu dépend du signifiant comme tel. […] Dès lors, quand le signifiant qui porte la phrase fait défaut [au tu], le je le suis qui vous répond ne peut faire figure que d’une interrogation éternelle. Tu es celui qui me… quoi ? […] Il en va ainsi chaque fois que, dans l’appel proféré à l’autre, le signifiant tombe dans le champ qui est pour l’autre exclu, […] inaccessible. Le signifiant produit à ce moment-là une réduction, mais intensifiée, à la pure relation imaginaire.
« Tu » n'a aucun sens propre.
[…] Il ne se confond nullement avec l'allocutaire, à savoir celui à qui on parle. C'est évident, puisqu'il est très souvent absent. […] [Il est aussi bien dans] Au feu ! [puisque que] ce n'est pas sans provoquer quelque réaction. […] Le tu est l'hameçonnage de l'Autre dans l'onde de la signification.
Ce terme qui sert à identifier l'autre en un point de cette onde, est en fin de compte […] une ponctuation.
[…] La ponctuation est ce qui y joue ce rôle d'accrochage le plus décisif. […] Que faut-il pour le promouvoir à la subjectivité […], c’est-à-dire le mythe d’un autre ?
[Des] formules comme ce tu n’as qu’à… dont nous nous servons pour nous débarrasser de notre interlocuteur […], c’est quelque chose qui a tellement peu à faire avec qu’, que très spontanément le lapsus glisse à faire cela.
C’est-à-dire que, là où le signifiant ne fonctionne pas, ça se met à parler tout seul au bord de la route, des mots écrits apparaissent sur des écriteaux.
La différence qu'il y a entre la grand'route et le sentier des éléphants, c'est que nous, nous nous y arrêtons […], au point de nous agglomérer, et de rendre ces lieux de passage assez visqueux pour confiner à l’impasse.
[…] Il arrive que nous allions nous promener sur la grand-route, exprès […] pour faire le même chemin en sens contraire. Ce mouvement d'aller et retour est tout à fait essentiel, et nous mène sur le chemin de cette évidence - c'est que la grand-route est un site, autour de quoi non seulement s'agglomèrent toutes sortes d'habitations, de lieux de séjour, mais aussi qui polarise, en tant que signifiants, les significations.
[…] Les villes se sont formées […] au nœud des routes.
Cette phrase est en effet la règle de conduite de beaucoup –Ne cédez pas à votre premier mouvement, ce pourrait être le bon, comme on dit.
Tout ce qui se dit a sous soi un je qui le prononce. C’est à l’intérieur de cette énonciation que le tu apparaît.
La crainte de Dieu est un signifiant qui ne traîne pas partout. […] Remplacer les craintes innombrables par la crainte d’un être unique qui n’a d’autre moyen de manifester sa puissance que par ce qui est craint derrière ces innombrables craintes, c’est fort.
Pourquoi apparaîtrait-il dans ce trou quelque chose d’aussi complexe et architecturé que la parole ? C’est ce qu’on ne dit pas.
Les phénomènes parlés hallucinatoires qui ont pour le sujet un sens dans le registre de l’interpellation, de l’ironie, du défi, de l’allusion, font toujours allusion à l’Autre avec un grand A, comme à un terme qui est toujours présent, mais jamais vu et jamais nommé, sinon de façon indirecte.