"L'
ordalie venait d'autoriser ma passion."
L'
ordalie, jugement de Dieu au Moyen âge et titre de ce roman, ne m'a pas semblé vraiment adéquat car le héros du livre (à part certaines conversations philosophiques avec sa cousine "ma princesse" idolâtrée, ce couple qui représente
Ingeborg Bachmann et
Paul Celan de parfaits inconnus pour moi, le contexte du roman qui débute sur la chute du Mur de Berlin et un sauvetage in-extrémis d'une noyade) est athée. Bon, je m'interroge encore, à moins qu'il ne s'accorde lui même le pardon de quelque pensée honteuse.
A part ce détail, somme toute sans importance, L'
ordalie de
Cécile Ladjali (romancière suisse enseignante de lycée et d'Université), fort bien écrit, rentre tout de suite dans le vif du sujet:la passion non partagée de Zak (orphelin recueilli par son oncle et sa tante, élevé jadis au son des "jeunesses hitlériennes", fantasmant sur les photos de la "pépée" d'Hitler, entretenant une relation sadomasochiste avec Rachel et devenu un photographe reconnu) pour Ilse sa cousine philosophe qui aime Lenz un "poète apatride" juif. le récit des souvenirs que relate Zak se situe à Berlin en 1948 dans une Allemagne encore entachée par la Shoah.
Le portrait psychologique fort de Zak, ce pervers (pitoyable et odieux à la fois) qui se repait (entre deux gifles à sa petite amie soumise Rachel) dans la souffrance et l'envie d'épier le "bonheur égoïste" puis les déchirements du couple Ilse/Lenz ne m'a pas vraiment enthousiasmée, par contre j'ai apprécié l'ambiance du milieu artistique. Cécile Ladjalie a su capter le mouvement créateur du photographe, qui transcrit par image intermédiaire son propre monde intérieur (à savoir ici la mise en scène du vide, de la vacuité,du renoncement au bonheur et la mort d'une partie affective de la personnalité), sublimée dans la photo.
Rien que pour ça L'
ordalie qui autorise l'amour platonique incestueux vaut le détour.