Je ne savais pas que soixante seconde pouvaient durer aussi longtemps. Et qu’une nuit pouvait n’avoir plus de fin.
Le séisme s’est donc attaqué au dur, au solide, à tout ce qui pouvait lui résister. Le béton est tombé. La fleur a survécu.
Ce désastre aura fait apparaître, sous nos yeux éblouis, un peuple que des institutions gangrenées empêchent de s'épanouir. Il aura fallu que ces institutions disparaissent un moment du paysage pour qu'on voie surgir, sous une pluie de poussières, un peuple à la fois fier et discret.
Les choses
L'ennemi n'est pas le temps mais toutes ces choses qu'on a accumulées au fil des jours. Dès qu'on ramasse une chose on ne peut plus s'arrêter. Car chaque chose appelle une autre. C'est la cohérence d'une vie. On retrouvera des corps près de la porte. Une valise à côté d'eux.
Ces gens sont tellement habitués à chercher la vie dans des conditions difficiles qu'ils porteront l'espérance jusqu'en enfer. (p32)
Une culture qui ne tient compte que des vivants est en danger de mort.
Car nous savons que ni la peur, ni la peine, ni l’indigence n’empêchera le désir de fleurir. il suffit d’un rien : une nuque, un regard appuyé et le décor change.
De toute façon la folie n’est pas considérée comme une maladie, mais comme un mauvais coup du destin.
On dit qu'un malheur chasse l'autre. Et les journalistes ont beau se précipiter ailleurs, Haïti continuera d'occuper longtemps encore le cœur du monde. p.179
Que reste-t-il quand tout tombe ? La culture. Et l’énergie d’une forêt de gens remarquables.