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Citations sur Les pays (92)

on avait à peine trente, on l'avait senti, donc, et su que l'on ne pourrait plus vivre comme avaient vécu les parents et les parents des parents et tant d'autres avant eux; p.24
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A Coutances, dans le jardin d’Antoinette Marie, Claire eut la révélation de Flaubert ; elle avait lu Madame Bovary en première, en était restée plus ou moins effarée et ne savait rien encore des émois de Frédéric Moreau quand, un dimanche après-midi, elle entendit Lucie donner lecture à son père d’une histoire de servante qui faisait barrage de son corps entre sa maîtresse et un taureau formidable lancé à la poursuite des deux femmes imprudemment aventurées dans son pâturage au retour d’une promenade. Le taureau, son mufle, sa galopade sourde, les corps éperdus de la maîtresse, ceux de ses deux enfants, Paul et Virginie, la carcasse sèche et dure de Félicité qui a avait été placée dans les fermes depuis l’enfance et connaissait les bêtes, tout était là, dans le jardin om l’on prenait le café au bord des pivoines capiteuses. La voix de Lucie montait dans l’air très doux, l’odeurs des mottes de terre arrachées par la servante pour aveugler le taureau écumant se mêlait à celle du café. Claire lut dans l’après-midi les trente pages fatiguées du deuxième volume des œuvres complètes de Flaubert dans la Pléiade ; elle reconnaissait tout, le silence et la ténacité, la vaillance et la satisfaction du travail accompli, le char de foin qui tangue dans l’air du soir et la morgue épaisse de l’avoué Bourias. Elle entendait les coups du battoir de Félicité empressée à terminer sa lessive au bord de la Touques après qu’elle eut appris le mort de son neveu Victor embarqué au long cours et terrassé par une fièvre sauvage en un pays lointain dont elle ne pouvait rien deviner. Elle pleura à la fugitive étreinte des deux femmes, servante et maîtresse, enfin embrassées, un jour d’été, devant un placard ouvert où achevaient de se faner les vêtements et autres menues reliques d’une enfant morte depuis des années.
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Dans le train et dans le métro, au bord des personnes et dans la stridulation des machines plus ou moins dociles, Claire laisse s'opérer la jonction entre les deux pays, les deux temps, les deux corps. Se raidir ne sert à rien, vouloir non plus, il s'agit juste d'attendre et de faire les gestes. Vider le sac, ranger les victuailles, ranger la clé de la maison à sa place, dans le placard où, à la moindre occasion, elle sera vue, manipulée du regard. Dans le terrier des villes, les choses ont une place, le territoire de l'intérieur est sous contrôle.
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Ça devait être du même ordre, il le sentait confusément et s'en trouvait ragaillardi dans l'invraisemblable imbroglio des entrailles de ce Louvre énorme. Ce bâtiment aussi, c'était quelque chose, on n'en faisait pas le tour même avec la pyramide, en plexiglas, comme le pare-brise des tracteurs modernes, qui datait aussi de Mitterrand et s'arrangeait plus ou moins avec le reste qui remontait aux rois, et même au Moyen Âge. Il ruminait et brassait cette fatrasie de dates et de périodes, parka ouverte écharpe dénouée tête nue, abasourdi d'idiomes entrelacés, ballotté de salle en salle, assis, debout, mains croisées dans le dos, vaillant ; le corps penché, planté, il répétait, ils sont beaux les sols ils sont beaux.
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Plantés, pâles et jeunes, solides, ils riaient dans le soleil d'août qui éclaboussait leurs habits de Parisiens, la cour, les poules chamarrées, les clapiers garnis, les montants verts et jaunes de la balançoire ; elle ne servait plus vraiment maintenant que les trois enfants de cette ferme étaient déjà grands, assez grands pour commencer à perdre, à oublier, le goût forcené de la balançoire jeté dans l'air bleu sous l'érable, le corps lancé arraché à la force des jambes, et du buste tendu, bercé le corps dans cette caresse insolente de la balançoire. Caresse recommencée.
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C'était le début de mars, quand la lumière mord aux deux bouts du jours, on le voit, on le sent, mais sans pouvoir encore tout à fait compter sur le temps, sans être sûr d'échapper à la grosse tombée de neige, carrée, brutale, qui empêche tout, et vous bloque, avec les billets, les affaires et les sacs préparés la veille, au cordeau, impeccables alignés dans le couloir , vous bloque juste le jour où il faut sortir, s'extraire de ce fin fond du monde qu'est la ferme.
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Les filles des affiches sont des bêtes longues et maigres au pelage soigné, elles vendent des produits, elles sont dressées pour ça et appointées.
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Elle avait fiché, compartimenté, absorbé sans fin, en brute méthodique. Elle avait ruminé, digéré et recraché.
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"[...] c'était fatiguant aussi la ville, il fallait être solide pour y résister."
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Elle avait dû apprendre à l’arraché cet entassement de l’immeuble où croissaient, vivaient, s’étiolaient dessus dessous et sur les côtés d’autres corps, que l’on ne connaissait d’abord pas, que l’on frôlait ensuite, parfois, dans l’ascenseur ou dans le couloir.
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