En temps ordinaire, il y a l’observateur qui observe une pensée. C’est ce qu’on appelle la dualité ; il y a un sujet et un objet, et il y a un objet qui est perçu. Cela n’est pas voir les pensées, car on ne voit pas leur véritable nature, puisque justement il y a cette dualité « moi, je vois ». On a donc l’impression de voir, mais en fait on ne voit rien. L’esprit se voit lui-même, la pensée se perçoit elle-même ; à ce moment-là, évidemment, il n’y a plus d’acte de voir puisqu’il n’y pas quelqu’un qui voit quelque chose. Dans cet acte de non-voir, la vision est là, on comprend qu’il n’y a pas de dualité, de dissociation entre l’observateur et la pensée qui est perçue. Personne ne voit rien et dans cette non-vision on voit. C’est cela la vision royale.
Lorsque cela va bien, nous sommes très orgueilleux, très fiers : - Je pratique bien, je suis un pratiquent authentique -. Mais quand cela ne va pas, nous ne nous remettons pas en question : - Si cela ne va pas, c'est la faute du lama, ou la faute de l'enseignement.
En fait, cela - ne marche pas - parce que nous sommes tellement persuadés de ce que nous pensons être l'éveil, que nous nous fermons à ce qui est réellement. Comme nous sommes complètement bloqués, la bénédiction ne passe pas.
Notre esprit se recroqueville, devient de plus en plus mesquin, de plus en plus intransigeants et notre pratique passe complètement à coté de ce qu'elle doit être.
Un autre piège de la méditation consiste à vouloir absolument stopper tout flux mental. Cette tentative de supprimer le mouvement des pensées nécessite un effort incroyable. Nous essayons de nous figer, de nous recroqueviller, de façon à empêcher les pensées de s'agiter en nous.
Nous allons même respirer doucement. Nous nous évertuons à ne pas bouger, et notre posture physique va le montrer.
Nous tentons de contenir les pensées et même de les prévenir. Et dans un premier temps, cela va fonctionner. En contenant l'esprit, nous bloquons toutes les énergies du corps.
Les énergies ne circulant plus, il y a, forcement, une sorte d'immobilité dans l'esprit. Nous allons être très content de nous dire: - J'ai réussi, c'est la méditation, ça ne bouge plus - Mais le fait de développer cette idée et surtout la joie d'avoir enfin obtenu ce que nous cherchions avec tant d'efforts vont créer beaucoup d'agitation.
Il va falloir produire plus d'efforts pour endiguer cette agitation supplémentaire. De proche en proche, nous serons de plus en plus tendus, de plus en plus contractes, de plus en plus anxieux.
Cela va provoquer des troubles dans l'esprit, des tensions dans le corps, et apportera à terme beaucoup de souffrance.
Laisse cet esprit, le tien, dans la détente,
sans artifice.
Dans cet état, regarde le mouvement des pensées,
Etablis-toi sur ce mouvement, sans forcer.
Dans cet état se révèle le calme.
Pas d'attachement au calme
Pas de peur du mouvement.
Pas de différence entre le calme et l'activité
Reconnais ces deux états comme des phénomènes mentaux
s'élevant de l'esprit.
Dans cet état repose...
Sans saisie, sans attachement, dans l'essence naturelle.
Dans cet état, l'essence de ton propre esprit,
Sagesse, vacuité radieuse, va s'élever,
Et tu n'auras pas de mots...
Dans cet état, poindra une stabilité naturelle.
Ne tiens pas la stabilité pour quelque chose,
Mais sois spontané, naturel et libre.
Ne t'attache pas, ne rejette pas les créations mentales,
Mais, s'il te plait , demeure.
Si nous abordons la pratique comme un défi personnel, comme un combat que nous devons mener - Je dois pratiquer, je dois gagner, je dois accomplir les choses - c'est l'ego qui est au centre de tout cela, qui se renforce et assure à nouveau sa domination.
C'est alors que nous risquons d'ouvrir la porte aux ennuis, parce que c'est nous-mêmes qui agissons. Tout devient beaucoup plus compliqué.
Nous essayons de construire un éveil à notre idée et nous sommes totalement hermétiques à toute bénédiction.
La frustration, l'espoir, la crainte et les difficultés nous harcèlent tout au long de notre chemin et nous sommes souvent tentés d'abandonner.