« C'est qu'il arrive tant de choses. Il arrive trop de choses. C'est cela. L'homme accomplit, engendre tellement plus qu'il ne peut, ou ne devrait, supporter. C'est ainsi qu'il s'aperçoit qu'il peut supporter n'importe quoi. C'est cela. C'est cela qui est terrible, le fait qu'il peut supporter n'importe quoi, n'importe quoi.»
*L'autrice* :
Olivia de Lamberterie est une journaliste et critique littéraire française, née en 1966. Son premier roman «
Avec toutes mes sympathies » est publié en 2018 et est couronné du Prix Renaudot Essai 2018.
*Le livre* : un roman déchirant.
« - D'ailleurs, le Nouveau-Mexique avec Florence, tu as adoré, non ? Il ne t'a pas rendu heureux ce voyage ?
-Si, c'était génial, mais ce n'était pas la vraie vie.
-Mais la vraie vie, qu'est-ce que cela veut dire ? La vraie vie c'est celle qu'on se crée. Rien d'autre ».
Alexandre met fin à ses jours le 14 octobre 2015. Pour raconter le suicide de son frère, Olivia revient sur les mois qui ont précédé cet événement tragique. Elle déambule également au sein de ses souvenirs d'enfance et d'adolescence.
Une enfance bourgeoise et confortable. Un nom de famille doté de la particule sacrée. Des parents aimants. Alexandre, Olivia et leurs deux soeurs, Chloé et Caroline, respirent l'air du 16ème arrondissement de Paris, entre bonnes manières et cuillères en argent. Cela n'empêche pas le petit grain de folie, propre aux familles nombreuses, de chatouiller et d'animer leur quotidien.
Alexandre. Prénom d'origine grecque formé par les mots « Alexein » qui signifie « repousser » et « Andros », qui signifie « homme ». Il semblerait que ce prénom signifie « repousser l'ennemi ». Mais Alex n'a pas d'ennemi. Il a Florence, sa femme, aimante et remarquable. Juliette, leur fille. Ils vivent à Montréal, entourés d'amis adorables. Alex est artiste. Il a un charme fou. Il est généreux. Attachant. Hypersensible. Oui, mais Alex est déchiré. Son âme pleure depuis longtemps. Il est habité d'une mélancolie vive et violente, causée par une maladie, appelée dysthymie. Vivre est une corvée. La vie serait-elle l'ennemie ?
La force de la « pensée magique » qu'Olivia a choisie comme moyen de guérison est d'une beauté rare. Alex est partout et envoie des signes. C'est un remède précieux qui fait avancer Olivia. Voir Alex dans cet oiseau, venu se poser devant la fenêtre au moment où Olivia écrit son bouquin, est une sensation douce et plaisante.
*Mon avis* : un témoignage bouleversant, inévitable et incroyablement vivant. Un hommage avant tout. Voici le récit d'un amour fusionnel et absolu entre une soeur et son roi. Son frère disparu. Olivia a lutté jusqu'au 14 octobre 2015 contre le spleen et la dépression qui rongent ce roi. Elle a puisé au plus profond d'elle-même pour le raccorder à la vie. le roi désire quant à lui le sommeil éternel. Son voeu est exaucé.
L'autrice n'est pas là pour convaincre. Elle est là pour dire ce qu'elle a à dire, même si c'est douloureux. le récit a le mérité d'être juste et extrêmement sincère. On sent qu'il est urgent d'écrire la vérité. Les mots sont à la fois doux et enragés. La colère, la tendresse et l'humour se croisent et se décroisent tout au long du récit.
J'éprouve de l'admiration pour
Olivia de Lamberterie. Pour les membres de sa famille. Pour les amis canadiens. Pour Florence et Juliette. Mais aussi et surtout pour Alex, dont « la mort n'a pas effacé la beauté, mais la rendue hors de portée ».