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4,07

sur 2604 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« il n'est pas si facile de remettre les deux pieds sur la rive des vivants »

Le titre de ce récit, le Lambeau, résume assez bien, à lui seul, l'état du corps de Philippe Lançon au lendemain de l'attentat de Charlie Hebdo. Après le 7 janvier 2015, plus rien ne sera jamais comme avant. Autobiographique, ce livre l'est évidemment, mais il s'agit avant tout pour l'auteur de décrire, de « circonscrire la nature de l'évènement » qui a modifié sa vie. Les mots pour cela ont-ils assez de force? Philippe Lançon s'interroge, scrute, analyse, refuse la fonction thérapeutique de l'écriture, même si écrire lui a sans doute permis de survivre. Où est la mort , où est la vie en effet? est-on un survivant ou un revenant? On ne voit jamais poindre le moindre sentiment de haine à l'égard des frères K. Réduits à leurs initiales, ils ne méritent pas d'être nommés; et les descriptions approfondies des multiples opérations subies, les détails cliniques sur les soins prodigués, la durée de la reconstruction sont à eux seuls suffisamment éloquents pour témoigner de la barbarie des terroristes et de la souffrance infligée aux survivants. le réconfort, la réparation, Philippe Lançon les trouve dans la littérature, la musique et la peinture. « Je voulais un peu de beauté ». Durant ces mois d'hôpital, il lit, relit Proust, Kafka, Flaubert, Baudelaire et tant d'autres. Accompagné des policiers qui le protègent, il parvient à s'extraire de l'hôpital pour visiter des expositions, l'une au musée Guimet, l'autre au Louvre ou au Grand Palais. le jardin de l'hôpital militaire des Invalides devient le jardin d'hiver de Manet, autant de métamorphoses qui enclenchent les mécanismes de survie. Dans cette chambre d'hôpital, de petits miracles se produisent comme ce jour où Gabriel, le violoniste, interprète La Chaconne de Bach. Au milieu de ce processus, la famille profondément aimante, les amis, nombreux, Marilyn, Gabriela, l'amoureuse excentrique, tous jouent un rôle primordial. Et puis il y a le personnel médical, les infirmières parfois fragiles, la guerrière, Chloé, sa chirurgienne dont il fait une héroïne de roman. Ainsi, la chambre d'hôpital devient-elle un « cocon » dont il va bien falloir sortir. Et le retour à la vie est difficile. Philippe Lançon évoque la culpabilité du survivant mais aussi celle du patient. Si le chagrin et la tristesse sont là, compagnons discrets d'une vie à reconstruire, l'autodérision surgit par instants comme remède à la mélancolie.

Le récit n'est pas chronologique, il emprunte des détours » à sauts et à gambades » comme dirait Montaigne. Philippe Lançon écrit pour se souvenir de tout ce qu'il a failli oublier, de tout ce qu'il a perdu. la mémoire est au coeur de son récit tout comme l'art et la beauté. Les terroristes n'ont pas gagné. « Rien n'est pardonné, tout est oublié » écrit-il en citant Milan Kundera. On quitte ce livre, secoué, bouleversé, avec l'étrange impression de s'être fait un ami.
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Philippe Lançon, avec le Lambeau, nous offre dans sa complexité une approche chirurgicale du temps. Ce fut le temps soudain interrompu le 7 janvier 2015 dans les bureaux de Charlie Hebdo quand la fusillade lui a arraché le bas du visage et déchiré un bras et une main, puis le temps suspendu tout au long des mois d'hospitalisation qu'il a souhaité vivre "hors du temps" dans sa chambre d'hôpital, sans radio ni télévision (mais avec Bach), le temps mélangé des souvenirs, le temps perdu et in fine ─qui sait ?─ le temps retrouvé.

Le récit, d'une très grande épaisseur et profondeur, nous relate avec précision et pudeur les relations entre le patient, sa chirurgienne et tout le personnel médical, l'homme et ses femmes d'avant, l'enfant et ses parents, le frère, le journaliste et le grand amateur de littérature sans que l'on puisse dire laquelle de ces relations a été prédominante pour son retour à la vie dite normale, mais en ayant compris que chacune a joué un rôle essentiel.

Trois livres accompagnent le condamné dans sa chambre d'hôpital : La montagne magique et les Lettres à Milena ; c'est dire si ce voyage immobile se passe sur les hauteurs… mais aussi dans les profondeurs du bloc opératoire où il descend dix-sept fois fois en relisant à chaque occasion la mort de la grand-mère de Proust. Vous craignez le morbide ? Non. Il y a dans ce livre beaucoup de tendresse, ce qu'il faut d'humour et de dérision, de nombreuses références et allusions musicales et littéraires pour vous emporter, vous aussi, vers la réparation du corps et du psychisme.

le décalage entre l'attitude de celui qui a traversé l'attentat et celle de ses proches est rendu avec justesse ; ainsi, alors que ses amis craignent que cinq minutes d'horreur aient pu anéantir des années de souvenirs, lui ne « supporte plus que tant de souvenirs puissent avoir survécu à quelques minutes d'horreur » ; de même, il considère que sa vie ne lui appartient plus depuis le 7 janvier, car il est devenu responsable de ceux qui l'aiment : son « épreuve est en indivision ».

Si l'extra-corporalité est une expérience contestée, Philippe Lançon rapporte magistralement la diplopie psychique qu'il a subie pendant des mois et la difficulté qu'il a eue à rabibocher ses moi avec lui-même. Même si elle est décrite avec force détails, la reconstruction de son visage n'est pas le centre du récit ; ce qui fait l'intérêt de cette lecture (outre le style fort agréable) c'est le dialogue entre les différents "moi", celui d'avant l'explosion avec sa cohorte de souvenirs, celui qui subit l'attentat, celui qui le regarde en même temps, celui que les cauchemars poursuivent et celui qui cherche dans le survivant des traces de l'autre, de celui d'avant.

Évidemment, ami lecteur, tu devras toi aussi passer par les premiers chapitres et en être perturbé, mais rassure-toi : la greffe réussira, l'homme sortira debout, grandi, immensément homme.

Ce livre est réellement initiatique. Sa lecture élève le lecteur.
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" écrire est la meilleure manière de sortir de soi-même, quand bien-meme ne parlerait-on de rien d'autre. du même coup, la séparation entre fiction et non fiction était vaine : tout était fiction puisque tout était récit."
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Même si les mots sont terribles dans ce livre tant il rend compte avec justesse d'un événement tragique, on en ressort tout de même "vivante"ou "vivant" : on sait que la parole peut encore, qu'il lui est donné de saisir le réel, et que par conséquent même la mort - sans être abolie - peut être regardée en face. Il y a tout au fond du désespoir et de la douleur une possibilité de renversement incompréhensible aux mortels eux-mêmes.
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Rescapé de l'attentat de "Charlie hebdo"(7/01/2015), P.L l'écrivain journaliste a été gravement touché à la mâchoire.
Revenant sur ces faits, il nous livre un magistral récit de reconstruction.
Il décrit cette béance entre l'avant et l'après, la rupture avec le monde ordinaire et frivole.
Ici c'est le corps qui est au poste de commande : "celui qui n'était pas tout à fait mort devra cohabiter avec celui qui allait survivre"
Entre le Lançon vivant et le Lançon revenant, il y a les livres, les souvenirs de lectures.
Belle réflexion sur le monde, l'amour, l'art, la mort......la vie.
Méditation universelle sur notre temps, nos existences, nos aveuglements.
Sa plume nous en met plein la gueule.
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Un livre qui vous marque à jamais !
Les Emotions de Lecture de Cécile
Nous nous souvenons tous du moment, du lieu où nous avons appris l'attentat de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. Je me souviens particulièrement de mon incrédulité et le refus de mon cerveau d'associer Cabu, qui était avant tout pour moi le dessinateur de Récréa A2, à un attentat islamiste. Comment pouvait-on vouloir tuer l'homme à l'éternelle frange et au sourire et au crayon facétieux au nom d'un quelconque Dieu ? L'incompréhension, la colère, la peur, la rage et aussi un peu la honte de ne pas s'être exprimée avant sur notre droit absolu à la liberté d'expression. La défendre sans relâche aurait dû être notre priorité dès les premières attaques contre Charlie Hebdo et surtout ne pas laisser le champ libre à un groupe qui se réfugie derrière une religion pour justifier leurs horreurs et la dévastation. Je n'avais jusqu'alors pas trouvé le courage de lire un témoignage sur aucun des attentats qui nous a frappé.
Je viens de refermer le Lambeau de Philippe Lançon, journaliste à Libération et à Charlie Hebdo. le matin du 7 janvier, il a hésité entre passer d'abord à Libération ou à Charlie, ce sera Charlie Hebdo et sa conférence de rédaction avec ses amis au milieu desquels il finira une partie du visage arraché par une balle, survivant de la tuerie dans une mare de sang. Dans le Lambeau, il nous raconte l'homme qu'il a été avec une minutie d'historien, l'homme qui a survécu et l'homme qui pendant plus de deux ans devra se reconstruire. C'est une page de notre histoire mais aussi une page de littérature, chaque instant, chacune de ses respirations sont une référence littéraire, musicale, culturelle. Chaque greffe, chaque épreuve est rythmé par les livres, par la musique, par les pièces de théâtres, par les expositions qu'il a lus, écoutée, vues. On ne ressort pas indemne et pourquoi l'être, aucun d'entre nous ne l'est depuis le 7 janvier comme après chaque attentat qui nous a frappé au coeur ! Et ce livre nous frappe au coeur, il doit rentrer dans l'histoire et il en prend le chemin d'après les derniers chiffres de réimpression qui, prouvent que personne ne veut oublier. Une banalité, Monsieur Lançon, mais merci de nous rappeler que rien n'est jamais fini et oui, votre courage ne peut être que salué ! Il faut lire le Lambeau !
Lien : https://collectifpolar.com/2..
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Renaissance, métamorphose , résilience, courage, pudeur, intimité, admiration, douceur, fatalisme, solitude ...
Voilà quelques mots qui sortent juste après avoir refermé "Le Lambeau"
Je ne suis habituellement pas une adepte des "livres témoignages" je crains toujours l'impudeur.
Nous en sommes très loin.
Cette lecture m'a touchée.
Lecture suivante ...
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Tout le monde se souvient de l'attentat contre Charlie Hebdo par les frères K (tout comme l'auteur, je ne veux pas citer leur nom) le 7 janvier 2015. Philippe Lançon est un survivant. Des balles lui ont arraché la mâchoire et blessé les bras, mais son récit ne se fixe pas sur l'attentat lui-même, ses causes ou ses conséquences. C'est l'élément déclencheur. Dans son livre, Philippe nous raconte le chemin de reconstruction qu'il a suivi pas à pas, difficulté après difficulté jusqu'à son retour au monde, celui où nous, nous vivons. Séjour de 4 mois à La Pitié Salpêtrière, où le lecteur fait connaissance entre autres mais principalement avec Chloé, sa chirurgienne. Puis 7 mois aux Invalides, pour un parcours de rééducation. le lambeau, c'est ce rectangle de peau prélevé sur sa jambe pour être recousu sur sa mâchoire (elle-même reconstituée avec son péroné), et qui cause tant de tracas. Sur sa route Philippe a beaucoup perdu, et pas seulement sa mâchoire. Quel instinct de survie faut-il pour traverser ça! En dehors de ses proches, c'est sur l'Art, littérature et musique, que Philippe s'appuie pour avancer.
J'ai été émue aux larmes à de nombreuses reprises au cours de ma lecture, pourtant, jamais l'auteur ne fait preuve de pathos. Il décrit ce qu'il vit et ce qu'il pense, et l'on "sent" avec lui.
Philippe Lançon est journaliste. ça aide, certes, mais en réalité, c'est un écrivain qui a ici pris la plume, et un bon! Beaucoup de ses phrases pourraient être des citations.
J'ai été aussi touchée qu'éblouie par son écriture.
Chapeau bas Monsieur Lançon, pour votre oeuvre. Et votre courage aussi.
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J'avais entendu parler de ce livre lors de sa sortie en 2018, mais j'étais passé "à côté", je ne sais pourquoi. Je ne suis pas le seul, je trouve, quand j'ai vu que ce livre formidable et si bien écrit n'avait même pas été sélectionné par le jury du Goncourt en 2018, et que le livre couronné cette année là,"Leurs enfants après eux", fait, à mon avis, bien pâle figure à côté du "Lambeau".
Sans doute le Jury a-t-il voulu distinguer un livre dans l'air du temps, une chronique de ces territoires déclassés mis en avant par le mouvement des "gilets jaunes".
"Le Lambeau" apparaissait récemment, sur le présentoir des nouveaux formats "Poche", avec un chaude recommandation de ma libraire.
Bien m'a pris de le lire, car il y a longtemps, peut-être jamais à ce point, que je n'avais lu un livre aussi bouleversant, autant empli d'humanité et de vérité, et d'une telle qualité d'écriture.

De très nombreux commentaires remarquables ont déjà été faits sur ce site. Je vais essayer d'y ajouter ma petite contribution.

Philippe Lançon, critique littéraire à Libération et à Charlie Hebdo, raconte son histoire inimaginable de l'attentat du 7 janvier 2015, puis, et c'est l'essentiel du récit, les mois d'hospitalisations qui ont suivi.
Après quelques pages introductives qui situent principalement les évènements personnels vécus avant le 7 janvier, et notamment la sortie dérageante du livre Soumission de Houllebecq (dont le journaliste doit écrire une critique), il faut, pour le lecteur, traverser, le coeur serré, les pages terrifiantes où Philippe Lançon raconte, de l'intérieur, l'attentat de Charlie le 7 janvier 2015. C'est un passage obligé, nécessaire, saisissant par la brutalité de l'événement, qui dure moins de 2 minutes, et par la sidération qui l'accompagne.
Mais c'est surtout le récit du long et douloureux voyage, de cette "Odyssée" de la reconstruction, au sens physique et mental, une histoire racontée pas à pas, à hauteur de patient, qui nous est ensuite admirablement contée.

Philippe Lançon nous emmène dans les différentes phases de cette sortie de l'enfer. Et contrairement à ce que l'on pourrait croire, le récit n'est pas triste, il déborde d'humanité, de tendresse et d'humour.

Certes, la première phase est terrible. La vision de ses amis morts, la prise de conscience de la perte de sa mâchoire inférieure et d'autres plaies sur les bras, la souffrance physique et psychique. Mais très vite, l'auteur prend le parti de faire face. Je cite in extenso ces phrases qui me semblent capitales:
" la nécessité, tout accepter, et le devoir, l'accepter avec autant de gratitude et de légèreté que possible, avec une gratitude et une légèreté de fer, allaient me conduire à rendre immuable la seule chose qui pouvait, et devait, l'être : mon caractère en présence des autres. Les chirurgiens allaient aider la nature à réparer mon corps. Je devais aider cette nature à fortifier le reste. Et ne pas faire à l'horreur vécue l'hommage d'une colère ou d'une mélancolie que j'avais si volontiers exprimées en des jours moins difficiles, désormais révolus"
Ensuite, ce ne sera pas facile tous les jours, c'est le moins qu'on puisse dire. L'auteur nous évoque ainsi cette image cauchemardesque de "l'anémone née de la cervelle de Bernard (Maris)" qui lui apparaît dès qu'il a les yeux fermés, "les morts dont il se sent plus proche que des vivants" car il est l'un d'eux.
Il y aura dix-sept interventions chirurgicales entre janvier et novembre 2015, dont cette greffe du " lambeau", ce greffon d'un bout de péroné avec muscles et peau qui lui servira de mâchoire inférieure, un aspirateur qui se met tout le temps en alarme, des fuites des cicatrices, des infections, des doutes, des sentiments d'être abandonné par les soignants...
Mais, l'auteur nous fait partager d'une façon émouvante son empathie et sa tendresse pour ses soignants, au premier rang desquels, sa chirurgienne, un des trois piliers de la reconstruction avec la psychologue et la kinésithérapeute.
Et cela avec parfois un humour incroyable, une ironie qui nous font sourire. Et tous ses surnoms donnés aux soignantes et soignants, Chloé, le chirurgienne "fée imparfaite", les infirmières, la Castafiore, la Marquise des Langes (l'experte en réalisation des pansements), l'étoile G du Chef de Service!...
Et aussi une acuité prodigieuse à saisir la psychologie des gens, on ne s'étonne pas que l'auteur soit un grand lecteur de Proust, il y a sur ce plan là, une affinité évidente avec l'auteur de la recherche...
Une des chances de l'auteur, il le reconnaît, et malheureusement, tous les hospitalisés ne l'ont pas, c'est d'avoir été constamment entouré, soutenu, aidé par son frère et ses parents ainsi que par de nombreux amis.

Enfin, je voudrais dire aux futurs lecteurs combien je trouve que ce récit, pourtant d'une expérience inouïe, hors normes, a une portée universelle. D'abord, toutescelles et ceux, et ils sont nombreux, qui ont été hospitalisés ou ont eu leurs proches hospitalisés dans des conditions critiques ou dramatiques, et cette pandémie nous en a remis une couche, seront, je le crois, touchés, par la justesse, la sincérité de ce récit.
Et ceux qui n'ont pas connu cette expérience seront touchés, je crois, par toutes les réflexions sur les humains et sur le monde dans lequel nous vivons, qui parcourent ce récit.
Si "philosopher, c'est apprendre à mourir" , nous dit Montaigne, on pourrait dire "philosopher, c'est apprendre à renaître" nous dit Lançon, et ce n'est pas simple non plus
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Aujourd'hui je vous présente une lecture qui diffère de ce que j'ai pu lire ces derniers mois. Une cliente au travail s'est intéressée à notre blog et est revenue quelques minutes plus tard avec ce livre dans les bras. le lambeau de Philippe Lançon, publié aux éditions Gallimard est un récit auto-biographique qui retrace la vie du journaliste Philippe Lançon lors des attentats de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015.

Le début du roman retrace la vie de l'auteur un jour avant l'attentat au sein de la rédaction de Charlie Hebdo. C'est avec une certaine insouciance qu'il parle de son amie Nina et de la pièce de théâtre qu'il était allé voir la veille, mais, peu à peu, Philippe Lançon prépare le lecteur au récit de l'événement qui va bouleverser son quotidien ainsi que son avenir.

Notre lecture se joue de nous sur le plan chronologique, nous suivons la vie de l'auteur à partir du 6 janvier 2015 mais il nous amène également sur le chemin du passé, bien avant l'attentat. Il nous y décrit ses rencontres, son travail, sa famille, tout cela nous dresse le portrait d'un homme qui, au moment de l'écriture de ce roman n'est plus le même. Ces allées et venues dans le temps rythment notre lecture d'une telle façon que le lecteur a cette impression d'évoluer dans un espace hors du temps.

Le chapitre 4, intitulé L'attentat est le chapitre que l'on attend avec une impatience malsaine, le lecteur n'est plus un simple lecteur mais devient une sorte de voyeur dont la curiosité qui dérange doit être assouvie. C'est un roman avec lequel on ne se presse pas, chaque chapitre se révèle difficile à encaisser. Dès lors, on prend son temps, on déglutie, réfléchit et se questionne jusqu'à ce que l'on soit rasséréné, puis on continue.

Ce passage sur l'attentat est court, l'auteur garde peu de souvenirs détaillés et c'est surtout sur les mois qui ont suivi que le roman porte. L'auteur  nous parle de lui, un "moi" qui  n'existe plus dès le 7 janvier, qui se transforme en une entité métaphysique qui se bat pour survivre à la place de Philippe Lançon. Ce qui peut étonner le lecteur c'est cette culpabilité que l'auteur ressent vis-à-vis de ses proches, par sa faute ils doivent le voir dans cet état, subir une vision qu'ils ne seraient pas prêt d'oublier. Philippe Lançon, lui s'accroche à ce qu'il peut pour ne pas sombrer, le personnel hospitalier, le rythme des opérations, les visites de sa famille et de ses amis. Bien qu'il soit entouré, la solitude le ronge, il ne se reconnaît plus autant sur le plan physique que le sur plan psychique. À travers son témoignage, le lecteur suit de près sa convalescence, son histoire et le cheminement qui va le mener vers l'espoir de la construction d'un futur.

C'est une lecture que je recommande, la plume de Philippe Lançon, fluide, presque poétique nous mène intelligemment au coeur du drame qu'il a vécu. Loin des médias, en complète autarcie avec l'auteur, c'est ici que débute une relation auteur/lecteur éphémère mais intense.
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