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Samy Langeraert a vécu quelques temps à Berlin. Mon temps libre raconte son séjour, ses déambulations dans la ville et nous libre, bien mieux qu'un guide touristique, l'âme de cette capitale.

« Chaque soir, pendant des heures, je marche sur les trottoirs couverts de neige sans prendre de direction précise. Les rues sont à peine éclairées et dans les coins, entre les réverbères ou les néons, l'obscurité se creuse et devient brusquement sensible.» Dès les premières phrases de ce court roman, Samy Langeraert installe l'ambiance qui va accompagner le lecteur tout au long du livre, faite davantage d'ombres que de lumières, de sensations que de faits. Ce faisant, il capte beaucoup mieux le pouls de cette ville que ne le ferait un guide officiel en allant d'un monument à l'autre. Il préfère se pencher sur les plantes aromatiques qui poussent sur la terrasse des appartements que nous parler de la porte de Brandebourg, s'intéresse davantage à la faune qui investit la ville qu'aux Palais que l'on reconstruit à coup de millions. Et davantage aux destins individuels qu'à la mémoire collective.
Au début du livre, il nous parle de Winfried Freudenberg dont il a découvert le nom sur une plaque commémorative. Cet homme est la dernière victime du mur de Berlin, le 7 mars 1989. Avec son épouse, il a construit un ballon mais il est repéré durant les opération de gonflage. «Le couple décide alors que Winfried Freudenberg doit partir seul (la plaque ne précise pas ce qu'il est advenu de sa femme), mais le ballon s'élève beaucoup plus rapidement que prévu et Freudenberg se retrouve bloqué des heures en altitude, "accroupi dans une boîte de 40 centimètres de large et deux centimètres d'épaisseur". On a retrouvé son corps dans la Limastrasse, dans le sud-ouest de la ville… ».
À la fin du livre, il évoque Ida Siekmann, qui serait la première victime. Elle est «morte le 2 août 1961 des suites de ses blessures après avoir sauté par la fenêtre de son appartement de la Bernauer Strasse.» Deux faits divers qui relient plus d'un quart de siècle. Car si le mur a aujourd'hui disparu – à part les quelques mètres érigés pour les touristes – il reste bien présent dans l‘esprit et dans le coeur des berlinois. Et si depuis 1989 la ville a été transformée, elle conserve de son lourd passé de vastes espaces plus ou moins sauvages dont profitent les animaux.
Lors de ses déambulations, le narrateur a ainsi pu croiser plusieurs fois un renard vraisemblablement à la recherche de nourriture.
Les jours passent et, petit à petit notre visiteur s'installe: «L'hiver s'est dissipé, le printemps gonfle, les jours s'étirent, j'examine les bourgeons de toutes mes forces, les mouches encore si peu méfiantes, je crois pouvoir sentir la chaleur du soleil sur mes poignets, mes tempes, mais ça ne va pas plus loin, et puis les phrases et les pensées s'étiolent, le blanc revient toujours, c'est comme si les idées, les fleurs, la terre, les mots s'évaporaient… »
Il donne des leçons de français via Skype à une chercheuse dans un laboratoire qui habite dans la banlieue ouest de Zurich ainsi qu'à un cadre d'une société de conseil installée sur le Kurfürstendamm, effectue quelques traductions, mais préfère de loin la musique de certains mots tels que Gedankensprung ou Schadenfreude. «Parfois, le simple fait de les retrouver sur la page d'un journal me redonne presque la santé» écrit-il.
Il s'installe à la bibliothèque mais regarde plus les autres visiteurs que ses livres, va manger une currywurst, apprécie la tiède soirée au bord d'un lac, apprécie la bière achetée dans un späti «à l'heure où la journée s'achève et où il est temps d'en faire une sorte de compte rendu mental». Il pourrait alors s'amuser à décortiquer le titre de son premier roman. Il découvrirait alors qu'il ne pouvait en trouver de meilleur, car la notion de temps y est omniprésente et que ce temps à disposition lui a conféré la liberté d'observer et de raconter.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Merci à l'opération Masse critique et à l'éditeur pour l'envoi de ce livre que j'avais sélectionné un peu par défaut, beaucoup de mes premiers choix n'étant plus disponible.

"Mon temps libre" est un temps de deuil. Un temps pour faire l'expérience du vide, un temps pour observer avec acuité.
Le narrateur est à Berlin, il a quelques occupations ( traductions- cours de français) il regarde le défilé des saisons, se focalise sur son environnement dont il nous restitue de petites choses : le paysage depuis sa fenêtre avec le square, les oiseaux, les plantes qu'il fait pousser en pot ( avec un certain succès ) le späti.
Nous sommes à Berlin avec lui, à travers son regard et sa mélancolie.
Il semble avoir résolument choisi sa solitude, on sait qu'il vit en colocation, mais il n'y a pas traces humaines de colocataires. Ses seuls liens semblent être ceux qu'il a avec ses souvenirs et avec ses élèves, dont certains sont enseignés par skype.
Ce livre est inclassable. Il est intitulé roman, j'y verrais plutôt des fragments.
C'est un ouvrage paradoxal, car le narrateur nous livre une matière littéraire de grande qualité sur... quelque chose de difficile à dire, de difficile à définir, il se laisse aller à une certaine vacuité et en tire toutes ces choses infimes qui nous mènent du matin au soir lorsque le désir est absent, et auxquelles il a choisi de donner du relief.
Ce livre est un livre d'atmosphère, une atmosphère qui ressemble à un léger brouillard qui nappe le paysage austère et gris d'une certaine poésie.
J'ai été très contente de découvrir la plume et l'univers de Samy Langeraert.
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Merci à l'opération Masse critique organisée par Babelio et aux éditions Verdier pour ce petit bijou.

Au coeur de ce court-roman : Berlin, la belle capitale allemande. Pas la ville électrique, électro, tendance, à la pointe de l'émergence artistique, mais la ville où l'on flâne, l'on traine ses godasses en déshérence, où l'on se perd en marchant le long des routes ou du métro aérien, où l'absence, le silence des rues aérées, des jardins fréquentés permet de se dissoudre dans un anonymat protecteur.
Le narrateur a besoin de ce décalage, de créer de nouvelles habitudes loin de son quotidien français, de cet entre-deux laissé par la langue mal maîtrisée. Il quitte Paris pour une année à essayer de combler les vides laissés par l'absente, M., qui est partie et l'a quitté. De l'observation des saisons à celle de ses étudiants, de traduction de lettres en fréquentations de bibliothèques, de ses colocs à ses voisins, il revit peu à peu et s'accroche aux détails poétiques de la nature ou des actions de ses contemporains.
Un roman pictural qui m'a beaucoup ému et m'a donné envie de retourner à Berlin!
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Une rupture amoureuse douloureuse, une envie de tout quitter et Il part pour Berlin peu connu mais pas inconnu.
« Chaque soir, pendant des heures, je marche sur les trottoirs couverts de neige sans prendre de direction précise. Les rues sont à peine éclairées et dans les coins, entre les réverbères ou les néons, l'obscurité se creuse et devient brusquement sensible. »
L'incipit plonge le lecteur dans un temps suspendu, rythmé par une errance de perceptions et ceci au rythme des saisons.
Les premières pages montrent combien la dépression induit un voyage immobile dans le temps et étrange dans l'espace. C'est écrit à pas comptés, en noir et blanc.
Ici plus que l'histoire de ce jeune homme et sa rupture amoureuse, le lecteur entre dans ce tunnel de la dépression par le jeu de l'écriture de l'auteur. Les phrases s'étirent, se gonflent, retombent, se relèvent et refont un tour.
Tout vacille mais tout est debout.
Il décrit très bien ce sentiment de vide en soi alors que le monde continue sa vie comme si de rien n'était. Que cela soit la nature, les hommes, le monde tourne au point d'en avoir le tournis.
Comment se réapproprier sa vie ? Mais surtout quel homme sera-t-il après ? Questionnement sur le temps libre celui qui en fait nous construit. Car nous courrons tous, tout le temps, sans prendre la peine de… Jusqu'à ce qu'un événement nous stoppe en plein vol.
Une lecture qui n'est pas ombre, il suffit de suivre les cailloux du petit Poucet.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 15 décembre 2019.
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Un roman calme sur un Berlin apaisant auquel on ne peut avoir accès qu'en y vivant au moins plusieurs saisons. J'y ai retrouvé les odeurs, les sensations que l'on éprouve à Berlin et la même impression que l'auteur lors du retour à Paris tumultueux mais vivant. Un livre qui donne envie de retourner dans cette ville magnifique et multiple, multiculturelle et secrète.
Je remercie lecteurs.com pour l'envoi de ce roman.
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"Mon temps libre" est un premier roman tendre et doux. Celui de la séparation, du temps qui passe, celui des gens que l'on croise, celui d'une promenade. Un texte court qui évoque beaucoup sans rien affirmer (y compris la question de la première victime du mur de Berlin). Samy Langeraert traduit aussi avec justesse l'ambiance de la capitale allemande. J'espère pour l'auteur que ce récit n'est pas trop autobiographique - sinon, qu'on lui fasse une câlin!-. En tout cas, je le remercie pour cette charmante lecture.
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Un premier roman court et épais du temps contemplé à regarder les choses, les gens, les lieux. Voir le soir tomber, humer l'air juste avant l'aube, guetter la diminution des sensations, autant d'activités pour éviter l'engloutissement dans le gouffre d'un chagrin affectif. Alors, le temps dure, les lecteurs contemplatifs apprécient. L'écriture est tellement précise, dense, évocatrice que mon regard s'évade par la fenêtre, à l'affût d'une résonance avec la solitude du narrateur errant dans Berlin. La corneille croasse, les feuillages tremblent sous le vent froid de ce printemps engourdi.
Je ne résonne pas, j'admire la constance du style attentif à ne rien laisser passer, laissez passer vers la mue attendue après une séparation. Je pense à Céline Curiol, et à son histoire de la dépression. Il y a des points communs entre un quinze août à Paris et une année dans la ville de l'ex-mur. Mon temps libre file un cours ininterrompu de vide habité, à force de l'occuper.



Lien : http://cinemoitheque.eklablo..
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Lors d'une première lecture rapide, je me suis dit qu'il ne s'agissait pas d'un roman mais l'écriture me faisait penser à Eparses.
A la suite d'une rupture amoureuse, le narrateur quitte Paris pour Berlin, ville sur laquelle il porte un regard insolite, s'intéressant plus à la faune et la flore qu'aux humains et à ce qui intéresse d'habitude les touristes.
Je me suis dit qu'il était dépressif ou..."glandeur"
Je procéderai à une seconde lecture juste avant une discussion commune du comité de lecture du prix du Marais de Lomme
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les déambulations berlinoises d'un dépressif ....... cet état ne permet pas d'avoir une vision positive de son environnement, aussi le héros a-t-il la dent dure avec les allemands !..... seuls les oiseaux de la ville et les renards nocturnes lui semblent bien vivants et dignes d'interêt .
je trouve qu'il y a du P.Modiano dans ces déambulations, avec une description délicate de certains quartiers et les souvenirs personnels qui remontent.
c'est bien écrit et on y trouve aussi des moments d'histoire de la ville avec par exemple l'histoire de la dernière victime du mur
Berlin est toujours le lieu d'histoires intéressantes riche de son passé, de ses artistes . je suis toujours attirée par les romans qui s'y déroulent ( "cet instant là" de D.Kennedy) . Ce "Temps libre" me donne encore plus l'envie de découvrir cette ville.
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Marquée par l'histoire d'une singulière division pendant 30 ans, Berlin se prête sans nul doute au récit d'une séparation, d'une attente et d'un temps ralenti qui semble s'étendre au large comme les avenues de la ville où dans la journée, « il n'y a presque personne à l'extérieur, mais la nuit, même l'idée d'un passant est fragile ». « À quoi bon éclairer les rues si elles restent désertes ? » se demande alors le narrateur, dont la monotonie des journées nous inciterait presque à demander, à quoi bon écrire la vie si elle reste déserte ? Mais c'est précisément là, dans la lenteur d'un quotidien décortiqué, observé avec minutie jusque dans ses plus petits détails – la neige collée aux semelles des chaussures en hiver, la pousse des petits pois sur le balcon au printemps, le regard d'un renard au beau milieu d'une nuit, les rires d'un jeune couple sur le banc d'un square... – que se recueille la poésie en prose de ce premier roman, dont la trame et la plume ne sont pas sans rappeler l'Homme qui dort de Perec, à cette différence près, qu'ici, l'homme ne dort pas (au contraire, les nuits d'insomnie rythment les jours qui paraissent déjà trop longs, ou trop courts, l'on ne sait jamais trop bien...« la nuit arrive toujours plus vite »), l'homme attend.
Au fil des quatre saisons d'une année de vie mise comme entre parenthèses, Samy Langereart parcourt l'espace de cette ville à moitié vide, encore et toujours en reconstruction, qu'est Berlin, pour écrire ce temps étrange, déjà vidé du passé et encore vide de futur, qu'est celui de la transition : d'une présence de l'être aimé à son absence continue, d'un quotidien familier à un quotidien inconnu, de la langue maternelle à une langue étrangère, d'une saison à une autre...Il n'est pas toujours facile de tourner la page, mais l'auteur-narrateur de ce premier roman semble avoir trouver le moyen le plus simple d'y parvenir : écrire, écrire jusqu'à remplir la page blanche, jusqu'à libéré le vide, et tout cet espace, et tout ce temps libres. Les (d)écrire jusqu'à ce qu'ils en deviennent libérateurs.
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