Gilles Lipovetzki, le sociologue avait théorisé dans l'"ère du vide" sur notre nihilisme contemporain.
Patrick Lapeyre en a fait un roman surprenant par sa forme.
L'histoire est celle des tribulations d'un traducteur d'articles médicaux, Louis Blériot -Ringuet,(il fallait oser), Sabine sa femme, Murphy Bloomdale un trader américain, et Nora Neville, jeune anglaise maîtresse alternative de ces deux hommes, toutes et tous paumés chacun à sa façon.
Ce qu'il y a de remarquable dans ce livre, c'est que P Lapeyre parvient à donner corps au vide des existences des protagonistes. Tout est désenchanté, désespéré, vide. Cela commence par l'appartement de l'un, vidé des affaires de Nora, par la vie de l'autre emplie du vide de l'absence de Nora, du vide dramatique d'amour avec sa femme, du vide de toute forme de projet. Enfin la vie de Nora, vide de tout sauf de ses aventures amoureuses, qui ne sont en fait que des évasions-fuites dès que leur vacuité commence à être menacée par l'émergence de vrais sentiments.
Donc dans une conception très hédoniste de l'existence, tous vivent en frôlement, sans engagement, en surface, s'effleurent et s'évaporent sauf dans les pensées, dans le passé.
Evidemment ce vide est difficile à décrire, et c'est tout l'art de l'auteur de nous le montrer, avec force métaphores et images de la banalité, dans un roman qui nous tient malgré tout jusqu'au dénouement final.
Les plus: un beau roman sur le vide, sur l'absurde aussi, sur la vacuité individualiste contemporaine, sur les relations "amoureuses" impossibles, juste effleurées: je me prête, je ne me donne pas. le final très intelligent
En moins : le caractère agaçant et parasite des héros qui vivent au crochet sentimental et financier des autres (trop nombreux passages où il est donné de l'argent à ceux qui en manquent, un appart, etc, comme si dans la vraie vie il était si facile de s'offrir ces caprices hédonistes et cette paresse onirique constante.