On a beau médire des grandes toiles et soutenir, non sans raison, que le talent ou même le génie sont à l'aise dans de petits cadres, le visiteur du Salon leur sait gré de lui donner les premiers points de repère et d'être pour lui comme des bouées de repos au milieu de l'immensité qu'il doit parcourir. Il est rare, du reste, qu'il n'y ait pas là, tout au moins, l'indice de très honorables efforts, qui méritent une attention égale à la peine qu'ils ont coûtée. Je me hâte d'ajouter que, parmi les grandes toiles de cette année, un bon nombre renferment plus que de bonnes intentions. Il en est deux au moins qui sont des oeuvres de maîtrise et cinq ou six qui vont augmenter les titres de leurs auteurs à la célébrité.
Aujourd'hui, après les grandes querelles des classiques et des romantiques, des fervents de la ligne et des apôtres de la couleur, des réalistes et des idéalistes, c'est l'étude de la lumière qui préoccupe surtout nos peintres et accentue leurs désaccords. Les uns tiennent pour les anciennes oppositions du clair et de l'obscur, pour la distinction des couleurs, le modelé vigoureux et les perspectives nettement indiquées ; ils estiment que les hommes civilisés ne vivent pas seulement en plein air et que même la plus grande partie de leur. existence, sous nos climats, se passe dans des édifices clos. Les autres, séduits surtout par la vie en plein champ et dans une atmosphère libre, notent curieusement les décompositions infinies de la lumière blanche et l'action réciproque des couleurs les unes sur les autres ; ils fondent la silhouette humaine dans l'air qui circule autour d'elle et parfois semble l'absorber; ils s'inquiètent plus, dans la disposition de leurs plans, de satisfaire l'oeil que l'esprit.