Depuis 1870, nous avons érigé beaucoup de statues. La France cherchait une consolation dans le souvenir des actes d'héroïsme qui avaient ennobli la défaite et sauvé l'honneur. Nous mettions une obstination touchante à constater que, vaincus, nous n'étions ni abaissés, ni résignés.
En favorisant cette réconciliation, la direction des Beaux-Arts servira les intérêts de l'architecture nationale, à laquelle l'école classique et l'école du moyen âge peuvent être également utiles. Par la force des choses, se servant de l'une et de l'autre, les réunissant dans ses écoles, ses commissions et ses services, elle atténuera de plus en plus le vieil antagonisme. On peut donc espérer qu'avec le temps l'unité de doctrine sera rétablie par l'unité de direction.
L'État enseigne et forme des collections; par ses écoles et ses musées, il entretient une tradition. Il consacre un budget à l'acquisition annuelle
d'œuvres d'art ; il est même le gros acheteur des Salons et beaucoup de peintres et de sculpteurs, en attaquant leur toile ou leur terre, ne comptent
que sur lui. Il préside la distribution des récompenses que fait la Société des artistes français et, par la manière dont il use des siennes, il peut témoigner de ses préférences pour tel genre d'œuvres ou telle sortie de talents.
Le directeur du Temps m'a fait l'honneur de m'inviter à traiter ici les questions d'art que soulèvent les Salons annuels. Il ne s'agit pas, dans sa pensée et dans la mienne, de revenir sur la nomenclature des œuvres les plus marquantes, mais plutôt, à l'occasion des œuvres, de préciser les tendances qu'elles indiquent, les directions que suivent leurs auteurs, les causes de ce mouvement, et aussi de marquer la part qui revient à l'État dans notre production d'art.