Citations sur La femme au carnet rouge (119)
Il y a des êtres mystérieux, toujours les mêmes, qui se tiennent en sentinelles à chaque carrefour de notre vie.
Il y a comme cela des amours éphémères, programmés pour mourir dès leur commencement et cela à très brève échéance – on n'en prend en général conscience qu'au moment où ils vont s'achever.
William avait à trois reprises consommer des champignons hallucinogènes. La dernière fois remontait à quatre ans et il avait passé la nuit allongé dans sa baignoire à parler à sa pomme de douche qui lui répondait. Ils avaient eu un échange philosophique d’une rare intensité, abordé des thèmes universels comme la mort, la vie dans l’au-delà, la pluralité des mondes habités et l’existence de Dieu. La pomme de douche avait apporté des réponses très précises sur ce sujet. Le lendemain matin, force avait été de constater que les capacités intellectuelles de sa robinetterie avaient sévèrement diminué et se limitaient désormais à eau chaude / eau froide, en douche classique ou en massage. William avait décidé de ne jamais plus consommer de substances psychotropes.
Laurent tourna la page pour découvrir deux lignes manuscrites au stylo sous le titre : " Pour Laure, souvenir de notre rencontre sous la pluie. Patrick Modiano".
L'écriture dansait sous ses yeux. Modiano, le plus insaisissable des écrivains français. Qui ne participait plus à aucune dédicace depuis des lustres et n'accordait que de très rares interviews. Dont la diction hésitante, pleine de points de suspension, était légendaire.
Peut-on éprouver la nostalgie de ce qui n'a pas eu lieu ? Ce que nous nommons "regrets" et qui concerne les séquences de nos vies où nous avons la quasi-certitude de ne pas avoir pris la bonne décision comporterait une variante plus singulière, qui nous envelopperait dans une ivresse mystérieuse et douce : la nostalgie du possible.
Comment pouvait-on disparaître aussi facilement de la vie de quelqu'un ? Peut-être avec la même facilité, en définitive, qu'on y entrait. Un hasard, des mots échangés et c'est le début d'une relation. Un hasard, des mots échangés, et c'est la fin de cette même relation.
Ecrire, relire, corriger, choisir chaque mot, chaque tournure, raturer, retourner en arrière, changer de verbe puis plus loin d'adjectif, pour enfin arriver à trois pages satisfaisantes lui avait demandé une concentration hors du commun - il n'en eut qu'un peu plus de respect pour les écrivains.
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Il était rentré à son tour quelques instants plus tard, pourtant l’envie de payer sa part en douce et de s’en aller était forte. Combien de choses se sent-on obligé de faire par principe, par convenance, par éducation, qui nous pèsent et ne changent rien au cours des événements ?
Une citation de Sacha Guitry lui était revenue à l'esprit : " Regarder quelqu'un dormir, c'est lire une lettre qui ne vous est pas adressée."
Dès qu'elle eut mis le pied dans l'entrée, elle éprouva ce sentiment qui vous envahit quand on revient chez soi après une longue absence. Les lieux sont comme dépoussiérés de l'habitude qu'on a de les regarder et en définitive de ne plus les voir.