Si. Il connaîtrait la haine. Dans quelques années, il connaîtrait haine et rancœur, il en sentait déjà l'amertume monter en lui. C'était comme un cancer, ce besoin de crier, de hurler, d'enrager. Maison devait s'arrêter ; elle devait arrêter d'essayer de contrôler son temps et sa vie car il avait beau l'aimer - et il l'aimerait toujours - elle allait devoir le laisser partir. Pas maintenant, mais un jour. Bientôt.
Au cours des années, il en avait lu quelques passages par-ci, par-là, tout seul, assis au bord de la baignoire. "Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi", Cantique des Cantiques 6:3. Peut d'extraits l'avaient frappé autant que celui-ci. Il l'avait comparé au sentiment que lui portait Maison et au sien envers elle.
Il déglutit, se gratta la nuque.
- Euh... qu'est-ce que tu fais, là ?
- J'enlève ma culotte.
- Je vois bien.
Ce soir-là, il rentra pour aller chercher le coffre poussiéreux planqué au fond de Placard où il rangeait ses vieux carnets et ses dessins. Au beau milieu de ces paperasses, il retrouva le message que lui avait griffonné, six années auparavant, la bouillante et protectrice Delilah.
Je ne veux pas que tu te caches. Je t'aime bien.
Du moment où vous partagez vos secrets, ils ne vous appartiennent plus, leur répétait le père John.
Sa mère lui avait jeté ce regard qu'elle avait si bien connu pendant les vacances d'hiver - celui qui disait, désolée que tu ne puisse faire ta terminal dans un lycée convenable. Je t'en pris, ne dis à personne que ton père a perdu son boulot et que l'argent de Nonna est entièrement parti dans sa maison de retraite.
Regard qui disait également méfie-toi des garçons. Ils ont des choses derrière la tête.
Là où il y a des garçons, tout me paraît toujours si dégoûtant…
Cette pensée avait à peine traversé son esprit que Delilah s’en voulait déjà, car c’était exactement ce que sa mère aurait dit. En fait, les filles étaient tout aussi sales, avec leurs épais maquillages et tous ces mélanges de parfums qui saturaient les vestiaires. Le lycée semblait envahi par un mince film répandu sur les casiers et au sol, sur les murs et les fenêtres. C’était le jour de la rentrée d’hiver, aussi