Il est un peu difficile d'entrer dans ce livre, car il faut se laisser porter par le flux du langage et accepter de perdre le fil de la narration. Splendide roman-poème, le texte dévoile peu à peu l'identité de l'île Maurice, ses habitants, sa langue, sa flore et sa faune, son rythme qui n'est pas le nôtre, ses richesses et sa pauvreté, et nous transporte dans un autre lieu, mais aussi à une époque où elle était "
Alma", avant de devenir "Maya'. "
Alma", l'âme, en latin, et les références bibliques abondent, comme souvent chez
Le Clézio, dans cette quête des origines : Jérémie, Achab, Jonas, Macchabée,
L Arche, le lavement des pieds, et le "clochard céleste" évoqué comme un Christ souffrant. "
Alma,
Alma mater", c'est la femme vénérable, la Vierge, qui manque à Dodo, lépreux ravagé par la misère, et "Maya", c'est la féminité dévoyée, la sexualité triomphante alliée à la cupidité. Et que dire de "Ripailles", "L'harmonie", "Crève-coeur" etc ? Ce n'est pas un hasard si
Le Clézio attire notre attention, au début, sur les noms. le roman-poème est tissé de noms. "
Alma", c'est un mythe, une histoire qui raconte l'éternel recommencement de la lutte du bien contre le mal, la nostalgie d'un salut, et un héros qui affirme "Mon nom est Personne", car il est "L'étranger". Cette quête de racines géographiques n'est-elle pas aussi, et peut-être avant tout, une quête d'âme ? de plus, l'oiseau Dodo rappelle
l'albatros de
Baudelaire : le poète a "des ailes de géant" qui l'empêchent de marcher, il demeure incompris des autres hommes. Sa seule patrie, c'est la littérature. Un excellent livre, qui procure un grand plaisir de lecture.