Le récit que nous livre
Le Clézio nous livre est d'une infinie fluidité, soyeux et coloré de multiples teintes. On circule dans l'ïle Maurice grâce aux deux personnages principaux Jérémie Felsen qui va de la France vers Maurice et l'autre de Dominique (dit Dodo) Felsen de Maurice vers Paris. Car si JMJ le Clézio est né à Nice, il a la double nationalité par son père qui est né à Maurice. Sa famille paternelle occupait là-bas une grande maison qui s'appelait Eurêka, qui a été
désertée pour des raisons économiques. "La France est ma patrie d'élection pour la culture, la langue, mais ma petite patrie, c'est l'Île Maurice, le lieu le plus proche de moi. Quand j'arrive là-bas, j'arrive chez moi", dit-il. Nous ne sommes donc pas loin de
Alma, la belle demeure des Felsen. Je n'ai pas lu les autres romans de le Clézio qui doivent quelque chose à l'ïle Maurice mais il y en a beaucoup : « Chercheur d'or », «
le procès-verbal » (1er roman publié qui lui a valu le prix Renaudot en 1963), «
Voyage à Rodrigues », «
La quarantaine », « La
ritournelle de la faim » « Révolution » '
Dodo parle en partie en créole, mais surtout au présent, tant la temporalité est compliquée pour ce personnage rongé par la syphilis. Il vit au jour le jour sans avenir ni passé, et pourtant il repasse régulièrement à la craie le nom de ses parents qui s'efface sur leur tombe. le livre démarre d'
ailleurs par une litanie de noms, une manière de faire mémoire des habitants de Maurice. Il n'a plus de paupières et qui ne dort plus. Il ne peut plus fermer les yeux sur le paradis qui se délite, rongé par la culture de la canne à sucre puis par le tourisme.
Jérémie (qui porte la même initiale que JMJ le Clézio) part sur les traces du Dodo, gros oiseau qui a disparu en raison de sa grande naïveté. Il vivait sur l'ïle où il n'avait aucun prédateur et avait perdu sa capacité à voler. Quand les colons européens sont arrivés ils n'ont eu aucune difficulté à l'exterminer, sans raison particulière si ce n'est le plaisir de détruire car sa viande était immangeable. Cette disparition d'une espèce est d'une brûlante actualité avec le réchauffement climatique.
Ces deux personnages sont évidemment deux facettes de l'auteur, qui a découvert Maurice à 4O ans, après en avoir eu de multiples récits par sa famille.
Ce livre est aussi un réquisitoire contre l'esclavage et la violence des «grands dimounes» les hommes puissants de l'île qui sont prêts à tout pour s'enrichir.