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Installez-vous confortablement, je vous emmène à Sainte-Marine, charmant petit port breton qui salue fièrement l'Odet, situé sur la côte sud-finistérienne. Vendredi 7 août en fin d'après-midi, retour de plage, me voilà rendue à Sainte-Marine, je n'ai pas pu résister à fouler les pas de J.M.G. le Clézio qui, avec ce merveilleux roman, nous transmet tout son amour pour la Bretagne.

Je m'installe au bout de la Cale à la terrasse ombragée et joliment bordée d'hortensias du café qui porte le même nom (le Café de la Cale), je commande une bolée de cidre et j'admire la vue. Je la connais par coeur cette vue mais à chaque rendez-vous c'est comme si je la decouvrais pour la première fois, moment magique !
Un arc-en-ciel de petits bateaux de pêche et d'annexes colorés sont amarrés à quai ou maintenus à l'ancre pour le mouillage : jaunes, verts, rouges, bleus... le reflet scintillant de leurs coques se confond avec cette teinte si particulière, entre le vert et le jaune, que prend la mer l'été dans le port de Sainte-Marine. Non loin, le P'tit bac s'en va dodelinant tranquillement sur les flots en direction de Bénodet pour la énième fois de la journée...

J'ai le coeur léger quand je lis un roman de le Clézio, ça me rend toute chose, c'est doux, c'est beau comme un poème, comme cette "Chanson Bretonne" avec laquelle il partage avec nous ses souvenirs d'enfance, les souvenirs du petit niçois alors âgé de dix ans qui passe tous ses étés en famille dans la maison de madame Helias à Ker-Huel au début des années cinquante.

Je me suis plongée avec délice dans cette Bretagne que je n'ai pas connue mais qui ressemble à celle que me racontait ma grand-mère. La boutique Biger, disparue aujourd'hui, l'unique dépôt de pain du village ; la pompe communale, seule source d'eau potable, dont la tâche incombe deux fois par jour aux gosses du village d'aller y récupérer l'eau. Ces mêmes gosses pour la plupart des fils et filles de marins ou de pêcheurs locaux qui se réunissent chaque après-midi à l'embarcadère (là où je suis en ce moment même) pour regarder passer le bac, véritable attraction (ça l'est toujours) ou discuter en breton, la langue de leurs parents et de leurs grands-parents, qu'ils perdront une fois devenus adultes car comme le dit si bien l'auteur : "le breton c'est la langue de l'enfance, celle dont ils n'auront pas besoin pour gagner leur vie et faire de longues études", Yanick, Soizig, Fanc'h, Erwan, Pierrick, tous autant qu'ils sont, les gamins de Sainte-Marine... Mais Sainte-Marine c'est aussi l'odeur de l'eau aux abords de la cale, "le ster ar Sorenn", la rivière du sommeil, ce mélange de vase et d'iode que j'aime tant ; c'est l'odeur poivrée de la "lann" , des ajoncs, qui vous titille les narines ; c'est le bruit du ressac des vagues que vous pouvez entendre au loin le long de la plage de Pen Morvan. Sainte-Marine c'est tout ça et bien plus encore, vous le découvrirez en lisant ce très joli conte.

À la suite de ce premier conte, l'auteur nous fait cadeau d'une cinquantaine de pages toujours sur la thématique de l'enfance avec "L'enfant et la guerre", un récit que j'ai pour ma part trouvé très émouvant. Lui qui est né à Nice le 13 avril 1940 en pleine guerre, a ressenti le besoin de coucher les mots sur le papier. Il a trois ans quand une bombe s'écrase dans le jardin de l'immeuble situé Quai Carnot à Nice où il vit avec sa grand-mère, sa mère et son frère aîné, les obligeant à fuir vers le village de Roquebillière dans l'arrière pays niçois. Il nous raconte Roquebillière, il nous raconte ses habitants, mais aussi combien la guerre est la pire des choses qui puisse arriver à un enfant. Ce récit c'est la naïveté touchante et le rire d'un enfant qui ignore à quel point le monde des adultes peut être cruel.

Deux très beaux récits à l'écriture contemplative et poétique qui abordent des sujets tels que la guerre, la religion, les traditions, l'histoire de la Bretagne. Il y a de la nostalgie dans l'écriture de J.M.G. le Clézio mais c'est une nostalgie joyeuse, une nostalgie qui vous rend heureux.

Ce billet il est pour la maman d'une amie rochelaise qui m'a conseillée cette lecture et je l'en remercie vivement. Pour conclure, je vous invite à chanter avec moi le célèbre Bro gozh ma zadoù (vieux pays de mes ancêtres) dont la version a été reprise maintes fois, par les Tri Yann et Alan Stivell entre autres.

C'est parti !

O breizh, ma Bro, me gar ma Bro
Tra ma vo mor'vel mur'n he zro
Ra vezo digabestr ma Bro !
Breizh, douar ar Sent kozh, douar ar Varzhed,
N'eus bro all a garan kement' barzh ar bed
Pep menez, pep traonienn, d'am c'halon zo kaer,
Enne kousk meur a Vreizhad taer !


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Chanson bretonne - L'enfant et la guerre : Deux contes, c'est le dernier ouvrage que vient de publier J.M.G. Le Clézio. Ces deux textes se veulent être justement pour l'auteur deux contes. L'écrivain, qui nous habituait jusqu'ici à introduire une dimension romanesque dans son oeuvre, s'en détache désormais avec pudeur et délicatesse, avec émotion aussi.
C'est un rapport à l'écriture, à la création, à l'enfance aussi, surtout l'enfance, ce thème qui domine ces deux contes. L'enfance ici est en effet au coeur de ce double récit, comme une passerelle, quelque chose qui va et vient, comme un écho, comme une balançoire, comme le vent dans les arbres, comme une respiration entre le temps d'avant et le temps de maintenant. C'est un voyage entre la Bretagne et la Provence. C'est douloureux comme si l'enfance n'avait jamais existé.
Le premier conte nous ramène à la Bretagne, un endroit que je connais très bien, le village de Sainte-Marine, en Finistère, au bord de la mer. Avant qu'il ne devienne une station balnéaire prisée par les touristes parisiens, c'était avant tout un village de pêcheurs. J.M.G. Le Clézio y venait l'été avec son frère. J'aime cet endroit, je préfère y venir l'hiver loin de la foule estivale. Jusqu'à la pointe de Combrit, jusqu'à la mer plus belle encore l'hiver. Il y a un sentier côtier qui offre une vue splendide sur la mer, l'horizon et au détour de la pointe, l'île Tudy. Lorsque le ciel est bien dégagé, on aperçoit au loin Les Glénans...
Mais je dirais plutôt que c'est l'enfance et la guerre qui sont au coeur de ces deux récits. Être enfant pendant la guerre est terriblement cruel. J.M.G. Le Clézio nous le rappelle avec cette manière à la fois distanciée, douce et douloureuse.
Les enfants ne savent rien lorsque la guerre vient, lorsque la guerre est là. Les adultes tentent de les protéger comme ils peuvent, parfois avec des mots, des sourires, des contes, des astuces inouïes et merveilleuses pour les distraire du bruit des bombes et de l'envie de sortir dans les rues pour courir. Que restent-ils longtemps après ce traumatisme ?
Que reste-t-il de cette enfance ? Qu'aurait été cette enfance sans la guerre ? Qu'aurait été l'insouciance ? le sable, le soleil sur la peau, les jeux cruels sur la plage ? Pourtant, ces souvenirs furent là aussi...
La dimension romanesque laisse place à la vie d'avant, un voyage vers l'enfance, l'odeur du foin et des moissons, du cidre qu'on buvait tiède à cette époque, la langue bretonne, ceux qui la parlaient avant, ici, tandis que le second conte se déroule dans l'arrière-pays niçois, sur le versant d'un texte plus douloureux. Le coeur de l'auteur bat entre ces deux rivages...
C'est une merveilleuse communion avec les gens d'ici et d'avant. Chanson bretonne, le premier conte est une hymne à la Bretagne, à celle que j'aime, authentique, sobre, respectueuse de sa terre et de ses chants. L'auteur évoque comment la langue bretonne fut anéantie progressivement et je me suis alors souvenu ce que ma grand-mère me racontait, les enfants punis à l'école parce qu'ils parlaient bretons, condamnés à rester dans la cour de la récréation sous la pluie battante avec une pancarte humiliante autour du cou : « je ne parlerai plus breton ».
Nous apprenons que le patronyme Le Clézio provient du mot « Cleuziou », qui signifie en breton : talus, ces talus détruits par l'agriculture intensive qui a dévasté progressivement les paysages bretons. L'écrivain s'en révolte aussi...
Le second conte, L'enfant et la guerre, est antérieur au premier texte, dans la vie de l'écrivain. Il offre les premiers souvenirs de la vie de J.M.G. Le Clézio. Ils sont terribles puisque ce sont des souvenirs de violence. Des bombes qui tombent du ciel comme de la pluie... C'est la fin de la guerre, mais les fins de guerre sont parfois pires que leurs débuts...
L'auteur nous révèle que cette enfance fut « une peur sans visage, sans nom, sans histoire ».
Est-ce la magie de la mémoire, savoir oublier ce qui fut horrible, savoir trier dans l'horreur et trouver l'écho d'une fête dans le petit village de Sainte-Marine, des enfants qui crient sur une barge entre deux quais, entre deux rives, se jettent de l'eau à gorges déployées ? Plus loin c'est un champ de blé qui ondule face à l'océan, comme un prémices au mouvement de l'océan.
« Les enfants ne savent pas ce qu'est la guerre ». Comme cette phrase est douce et douloureuse...
Ce n'est ni une confession, ni un album de souvenirs. Ce n'est pas une autobiographie de l'auteur, il s'en défend farouchement. Il se défend de délivrer un récit chronologique, car « les souvenirs sont ennuyeux, et les enfants ne connaissent pas la chronologie ». Ce n'est qu'une chanson bretonne, quelque chose qui revient dans la mémoire comme un refrain, un air entêtant qui ne vous lâche plus, jusqu'à l'obsession, un kan ha diskan comme on dit ici, le mystère de la Bretagne et de l'enfance en même temps...
Ces retrouvailles avec J.M.G. Le Clézio m'ont étonné. Agréablement surpris. J'ai l'impression que cet auteur auquel je suis attaché depuis longtemps, pour l'avoir également rencontré dans une librairie brestoise en 1995 à l'occasion de la dédicace d'un de ses romans, La Quarantaine, se délivre plus que jamais, laissant tomber le voile sur un pan intime de son existence qui a, je pense, forgé et dicté son esprit créateur à jamais. C'est pour moi un coup de coeur et je tenais à vous le partager...
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Jean-Marie Gustave le Clézio plus connu sous son nom de plume J. M. G. le Clézio nous revient, en ces temps de confinement, avec un livre d'une beauté renversante, un hymne à la Bretagne et à son enfance dans la ville de Sainte Marine, à l'embouchure du fleuve Odet, dans le Finistère entre 1948 et 1954. Ce premier texte appelé "Chanson bretonne" nous fait revivre les grands moments de l'auteur qui enfant contemplait les champs de blé face à l'océan ou bien encore s'amusait lors de la fête du village. On y redécouvre des fragments du quotidien en Bretagne, comme autant d'éléments d'une mosaïque éclairant, sans nostalgie aucune, car pour l'auteur « la nostalgie n'est pas un sentiment honorable », cette période de l'histoire en pays bigouden. Il fallait ainsi aller au puit pour puiser l'eau nécessaire qui était ensuite bouillie pour éliminer les risques d'infection. J. M. G. le Clézio parle des pêcheurs, ces bouffeurs de curé mais aussi des moissons avec les paysans d'alors, du prêche en breton du vieux curé, de la langue bretonne encore très présente à cette époque. On voit revivre tout un pays, une nature célébrée avec des accents Malickiens (je songe au réalisateur contemplatif) sous la plume sublime de l'immense J. M. G. le Clézio qui obtînt, est-il besoin de le rappeler, le prix Nobel de littérature en 2008, célébrant "l'écrivain de la rupture, de l'aventure poétique et de l'extase sensuelle, l'explorateur d'une humanité au-delà et en dessous de la civilisation régnante". Sa mère, Simone le Clézio avait une affection toute particulière pour la Bretagne où elle reçu notamment la demande en mariage de son père, où elle a accouché de son frère et où elle est revenue se réfugier trois mois après la naissance de le Clézio à cause de la guerre. La langue est magnifiée par de tels auteurs. On se surprend à relire des passages juste pour le plaisir d'être envahi par la douce sensation de ces mots qui coulent en nous telle une eau vive. J. M. G. le Clézio est issu d'une famille de Bretagne émigrée à l'île Maurice au XVIIe siècle. Les chapitres sont autant de "chansons" revisitant ses souvenirs d'enfance puis son regard d'adulte sur ce pays de coeur. Il est né à Nice le 13 avril 1940. La guerre gronde et pour un enfant aussi jeune, elle est une expérience extrêmement traumatisante qui est l'objet d'un second texte, beaucoup plus court : "L'enfant et la guerre" où l'auteur nous parle de l'arrière-pays niçois où il vécut durant l'occupation. Il témoigne d'un évènement particulièrement traumatisant, cette bombe échappée d'un avion canadien et qui tomba dans le jardin juste à côté de l'immeuble où il habitait. Ce dernier trembla mais ne s'effondra pas et Jean-Marie Gustave le Clézio eût la vie sauve. Autre expérience difficile dont il nous fait part : la faim. Pas cette faim de celui qui levé tôt le matin attend le repas du midi avec impatience.. non cette faim qui vous ferait manger la semelle de vos chaussures, une faim qui fait si intimement partie de l'enfant qu'il était alors, qu'elle le traumatise pour toute l'existence. Les deux textes sont superbes mais mon coeur breton doit avouer que je fus davantage touché par le premier récit. Je ne peux que vous inviter à découvrir ces deux contes comme il les appellent. Avec J. M. G. le Clézio, c'est une certaine idée de la littérature, de celle qui élève l'âme, qui l'enrichit incontestablement, qui est célébrer. Lire le Clézio c'est vibrer, se brancher sur la fréquence du coeur et c'est une expérience à nulle autre pareil.
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Alan Stivell et JMG Ar Kléziou, mettent à l'honneur la Bretagne. Ces Bretons d'adoption n'ont jamais cessé de la magnifier.

Jean-Marie Gustave le grand talus, plus connu sous le nom de J-M-G le Clézio, a vécu sa petite enfance à Nice, le temps d'une guerre, faite de manque et de noirceur.
A côté, les années 50, chaque été en Bretagne, au bord de la mer, pas de touristes, c'était le pied pour un gamin de 10 ans qui découvrait la beauté des paysages, le parfum du foin coupé, les gens de son âge et la féérie d'un château où se célébraient des fêtes irréelles avec les gens du coin. Il y reviendra chaque été pendant des années.

La précision de ces lieux et des personnages tiennent seulement dans ses souvenirs d'il y a soixante-dix ans à Sainte-Marine, sur la côte, près de Quimper. La place de ces souvenirs produit cette chanson parfois onirique.

J'ai goûté chaque chapitre, chaque phrase comme un hymne à la culture du lieu, un terroir qui s'affranchit des us et coutumes des grandes villes. Un hymne à la Bretagne et à sa culture qui se maintient tant bien que mal en dépit d'un état autoritaire et globalisant. Illustré par le bannissement de la langue bretonne dans les cours d'école en ce temps-là.

Alors, on ne sera pas étonné de trouver un "Breizh atao" ("Bretagne libre") après avoir lu les descriptions des dégâts, ces changements de paysages, de bocages, comme des agressions à la vie, dus au remembrement et à l'arrivée de l'agriculture intensive, décidée au-delà des limites de la Bretagne.

L'autobiographie n'est pas un genre que je recherche mais Le Clézio m'a convaincu de l'utilité de celle-ci.
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Sur les tendres chemins de la mémoire, sur les crémeux sentiers des souvenirs de l'enfance, nous sommes conviés à mêler nos pas dans ceux de J.M.G. le Clézio pour une belle et chaleureuse escapade en terres bretonnes.
Une enivrante promenade aux doux parfums iodés.
Une rencontre, aussi, avec l'Histoire de la Seconde Guerre à hauteur d'enfant. Sensible. Touchante.
« Je suis souvent revenu à la Torche. [...] Chaque fois que je suis en Bretagne, je visite la pointe, pour retrouver le souvenir de ce que c'était, cinq ans après la fin de la guerre. le monde change vite, les enfants d'aujourd'hui viennent aussi à la Torche, mais ils voient autre chose. Ils glissent comme des oiseaux sur les longues vagues, à cheval sur leurs planches de surf, il y a même des cerfs-volants géants qui les baladent au-dessus des remous qu'on disait jadis mortels. C'est bien, il convient d'oublier les champs de bataille, d'ignorer les restes des forteresses bâties par les esclaves russes et polonais. Moi, je ne le pourrai pas. Dans l'éclat de la mer, la neige aveuglante des nappes d'écume, je vois la violence de l'Histoire, la violence et la fourberie, et sur les ruines solennelles du monument de l'âge du bronze, j'aperçois toujours les dents noires fossiles du grand requin de guerre. »
Sainte-Marine, ce village d'été que l'auteur fréquentait chaque année.
« Je vois la cale du port, les vieilles maisons, l'abri du marin, la chapelle mignonne. Tout est à la même place, mais quelque chose a changé. Bien sûr le temps est passé, sur moi et sur les maisons, le temps a usé et repeint, a modifié l'échelle, a modernisé le paysage. La route est goudronnée, et surtout bariolée de peinture blanche, ces signalisations qui tracent les places de stationnement, créent des chicanes, des pointillés, des stops. On a construit des ronds-points pour contrôler le flux des voitures, des portiques en bois pour interdire le passage des camping-cars, des panneaux pour réglementer le stationnement, des bornes et des arceaux pour l'interdire. Les cafés sont apparus, les crêperies avec terrasses et parasols, les magasins de cartes postales et de souvenirs. Tout cela brille d'un vernis de modernité provinciale, une sorte d'imperméabilisant pour rendre le village étanche au temps, pour le protéger des atteintes contre le passé, un vernis au tampon sur un meuble d'antiquaire. [...] »
Au bout de l'enfance, il y a l'Afrique, entraperçue dans cet ouvrage et plus longuement découverte dans d'autres oeuvres de l'auteur. « C'est l'Afrique qui va nous civiliser. C'est en Afrique, le continent considéré aujourd'hui comme oublié, que nous allons connaître pour la première fois la liberté, le plaisir des sens, l'abondance de la nature. »

Il est des voyages nécessaires pour un auteur.
Il est des voyages, deux contes ici précisément qu'il aurait été dommage de ne pas partager.

Merci Monsieur le Clézio.

« Sur des photos en noir et blanc, prises par un amateur, après le bombardement de Berlin, des enfants errent en haillons, sur fond de ruines fumantes. Dans cette imagerie de la guerre, il n'y a pas de bons ni de méchants. Il n'y a pas d'ennemis. Il y a d'un côté des enfants, de l'autre la machine aveugle et féroce, aux mains d'adultes que leurs uniformes et leurs armes mettent à l'abri de toute identification. »
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Prix Nobel de Littérature en 2008, J.M. le Clézio nous enchante à nouveau avec ce magnifique hymne à la Bretagne, la Bretagne de son enfance dans les années 50.
Il évoque Sainte Marine, le pays bigouden.
Britannique par son père, médecin de brousse au Nigeria, et Français par son éducation, l'auteur vit aujourd'hui entre Albuquerque, aux États-Unis, pas très loin du Mexique, et Douarnenez (Finistère). Il reste proche de l'île Maurice où émigrèrent ses ancêtres après la Révolution et du Maroc, pays d'origine de sa femme.

« J'ai vécu un peu partout, je suis étranger à tout, mais si je dois choisir un pays, une racine, ou plutôt un rhizome, c'est la Bretagne, une terre infinie et sans limite, qui ouvre sur l'imaginaire », confiait-il à La Grande Librairie, le 11 mars dernier.
Et dans ce livre, que d'émotion!

On découvre ou redécouvre une Bretagne traditionnelle, authentique avec une culture et une identité marquées.
L'auteur y exprime son amour de la langue bretonne, d'une Bretagne qui l'a guéri à une période difficile de sa vie comme il le confiera et qui lui a apporté le bienfait de la nature.
Il nous émeut quand il évoque ses retrouvailles, enfant, avec ses cousins du hameau "Le Cleuziou" (talus en breton) qui a donné le nom de le Clézio.
Son plaidoyer pour une Bretagne proche de ses racines est captivant.

Les rappels historiques sont très bien menés: on ne peut rester insensible à l'évocation de la défaite bretonne du 28 juillet 1488, lorsque le duc de Bretagne François II est battu par l'armée du roi de France à Saint-Aubin-du-Cormier, près de Rennes.
Cette défaite signifiera la fin de l'indépendance bretonne et le début d'une période difficile puisque la Bretagne était restée dans les provinces les plus pauvres du royaume de France pendant longtemps.

Un bel hymne donc, à la Bretagne et aux Bretons et au rôle qu'ils ont joué dans la sauvegarde du pays, d'une certaine idée de la nature, du respect du mystère.
J'ai été particulièrement sensible à l'évocation de certains lieux, comme la Laïta, rivière qui marque la limite entre le Morbihan et le Finistère et qui coule près de chez moi..


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JMG le Clézio s'inspire toujours de ses racines et de son histoire familiale pour écrire ses romans. Dans ces deux contes, « Chanson Bretonne, suivi de L'enfant et la guerre », l'auteur franco-mauricien revient sur une partie de sa jeune adolescence et de sa toute petite enfance.

Dans « Chanson bretonne », il nous fait partager ses vacances d'été dans le petit village de Sainte-Marine, dans le Finistère, entre 1948 et 1954. JMG le Clézio revient alors d'Afrique où son père travaille en tant que médecin de l'armée britannique. La Bretagne, comme le dit l'auteur, c'est familier, c'est le berceau de la famille. C'est la terre de son ancêtre qui décida au lendemain de la Révolution française de s'exiler à l'autre bout du monde, pour l'île de France, aujourd'hui île Maurice. C'est aussi son nom, Le Clézio (les enclos en breton). Lui, le petit niçois, découvre durant quelques mois le pays de ses racines.
Au gré des souvenirs de l'auteur, ce sont deux visages de la Bretagne qui se dessinent, celle d'hier et celle d'aujourd'hui. Les chapitres sans suite chronologique nous font revivre le paysage breton des années 1950 et nous parlent d'une époque aujourd'hui disparue. Jeux , fêtes, moisson, pêche, vie quotidienne d'un petit village, clins d'oeil historiques et culturels… JMG le Clézio constate bien des années plus tard les multiples transformations de la Bretagne et de ses pratiques mais sans nostalgie aucune. Oui, la Bretagne n'est plus la même mais la pauvreté du monde paysan a également disparu. Grâce à la sauvegarde du patrimoine régional, la Bretagne et les Bretons ont encore de belles années devant eux.
Autre conte, autre paysage. « L'enfant et la guerre » nous offre cette fois-ci une vision de la guerre par l'enfant qu'était Le Clézio à cette époque. La guerre, comme il l'a vécue, est-ce la guerre ? Né en 1940, c'était tout simplement sa vie. de l'appartement niçois de sa grand-mère à la cache dans le petit de village montagneux de Roquebillières, ce sont des visions fugaces, des impressions et des émotions qui ressortent de la mémoire de JMG le Clézio. Si l'ensemble est flou, certaines choses sont bien ancrées. La faim tout d'abord, ce vide au creux du ventre qui mettra des années à disparaître. le gris ensuite, couleur du village, du ciel, des murs, des uniformes, de la roche. Une jeune vie entourée de femmes, sa mère et sa grand-mère. Les souvenirs de ces cinq premières années sont ceux que tout enfant de la guerre peut avoir. Sur une photo prise à son arrivée en Afrique, en 1948, Le Clézio retrouve sur son visage les marques de la peur que les jeunes migrants ont aujourd'hui.

Encore une fois, dans l'esthétisme poétique de ses mots, Le Clézio nous emporte dans ses récits. On savoure l'histoire, on savoure la plume. Chaque chapitre se délecte et amène à une certaine contemplation : des coutumes, des lieux, d'une époque révolue. Pour ceux, qui comme moi, aiment cet auteur, ils découvriront un nouveau fragment de sa vie, raconté cette fois-ci à la première personne et non pas à travers un personnage de roman. C'est un beau cadeau car c'est un petit partage avec ses lecteurs pour ce grand Monsieur qui se refuse à écrire un jour ses Mémoires.
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Voici quelqu'un qui parle de la Bretagne comme il faut, sans militantisme ni enrobage folklorique. C'est avec beaucoup d'émotions que j'ai lu ce livre. Je suis breton, et cette Bretagne des années 50 qu'il présente, c'est celle de ma mère, elle était née en 40 comme lui. Il met les mot justes sur cette époque, ce climat, ces gens, il explique les choses sans amertume, sur la perte de la langue bretonne, son renouveau, c'est la vraie Bretagne, celle de maintenant, celle où il pleut l'été, avec ses ajoncs ses dunes et les marées, celle d'avant où il y avait encore des maisons avec le sol en terre battue et les lits clos et où les moissons étaient encore une fête. A travers ses mots, j'ai revécu ceux de ma mère qui ne sont pas très différents, avec une boule au fond de la gorge. JMG le Clézio touche juste, avec finesse par l'élégance de ces mots.
La deuxième partie concerne la Guerre, mais même si cela se passe dans l'arrière pays niçois, j'y ai aussi retrouvé des analogies avec ce que ma mère m'a raconté, l'entassement dans les maison avec les réfugiés (Brestois chez nous), l'innocence de l'enfance, le père absent… JMG le Clézio sait mettre les mots qu'il faut sur son vécu, d'une pudeur poétique et d'une réalité de sentiments. Je vais garder ce livre auprès de moi pour l'ouvrir de temps en temps.
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Une critique très subjective
J'habite maintenant Bénodet juste en face de Sainte Marine, l'adorable petit port dont parle Jean Marie LeClezio
J'y suis très souvent et mon enfance s' est passée dans cette région jusqu'à la fameuse Pointe de la Torche , haut lieu du surf, du vent ,des grands espaces et de liberté
Le début du livre ne m'a pas plu.L'auteur part dans le registre «  C' était mieux avant », style vieux radoteur .Quand il regrette la construction du magnifique Pont de Cornouaille qui a permis depuis 60 ans des échanges fructueux entre deux »pays » fouesnantais et bigouden et un bond dans la modernité, il est complètement à côté de la plaque
Le Clezio n'est pas Prix Nobel pour rien et, heureusement pour le lecteur breton que je suis, il retrouve vite son remarquable talent de conteur
Rien d' original pour moi qui ai connu la région un peu après lui.
Mais il est vraiment très fort pour faire ressentir au lecteur l'ambiance de l'époque.Vers le fin de cette Chanson Bretonne, il devient plus positif et admet que la Bretagne est une terre pleine d'espoir.Aucun finistérien n' en doute en 2022 et l' identité bretonne n'est pas prêt de disparaître
La deuxième partie L'enfant et le guerre dans l' arrière pays niçois
Le Clezio raconte ses souvenirs de guerre
Comme il est né en 1940, ils sont forcément lointains et imprécis
Il a l'honnêteté de reconnaître quels ses «  souvenirs « ont été enjolivés ou modifiés par des récits de guerre bien postérieurs notamment dans le cadre familial
Ce court texte est surtout l'occasion de réflexions sur la guerre. C'est intéressant mais assez superficiel
J'ai donc apprécié ce livre pour sa qualité d' écriture mais il ne m'a procuré aucune émotion.Première partie agréable si vous aimez le Finistère ou si vous y êtes en vacances mais cela ne restera parmi les textes majeurs de le Clezio
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Tout a déjà été dit avant mon avis (23 mars 2020) et je partage l'enthousiasme collectif; je retrouve la belle écriture de cet écrivain hors norme, Nobel très mérité. J'ai lu presque tous ses livres(non, la liste est bien trop longue) y compris ceux pour la jeunesse, certains m'ont déçue mais la plupart m'ont touchée et des années plus tard je les ai encore en tête. Alors que je ne faisais que des lectures professionnelles, j'ai profité de vacances pour découvrir l'auteur avec, je crois, La Ronde.
"deux contes"? en fait c'est difficile de mettre un nom de genre sur ces deux magnifiques textes; pas récit, pas roman, pas autobiographie, pas vraiment nouvelle. "Chanson" pas mal.
Je suis née juste après la fin de la guerre mais il me semble ressentir profondément L'Enfant et la guerre. Je ne suis pas bretonne mais je connais ces lieux et surtout la difficulté de voir les transformations des lieux familiers de l'enfance. Partout où j'ai vécu, tout a été rasé !
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