Il me semble, tandis que je marche ici, au fond de cette vallée, entre les collines noires, que je suis parvenu dans un autre monde, qui n'appartient pas au hommes modernes ni même aux pirates : le monde d'avant les hommes.
Signes du vent, de la pluie, du soleil, traces d'un ordre ancien, incompréhensible, pareilles à ces graffiti gravés dans la lave, à l'ouest du nouveau-Mexique, ou sur le mont Curutaran, au centre du Mexique.
L'érosion extrême de de la mer a modelé ces roches jaillies des profondeurs, les a usées, polies, vieillies, et pourtant reste sur chacune d'elles la marque du feu qui les a créées.
Vénus, pure et belle, diamant à l'éclat si intense qu'il éclaire la mer au-dessous de lui comme un phare.
Et puis le ciel de la nuit, magnifique, étoilé, vivant comme un autre monde dont on devine les avenues et les demeures.
Ile issue de la mer, portant sur elle l'histoire des premières ères : blocs de lave jetés, cassés, coulées de sable noir, poudre où s'accrochent les racines des vacoas comme des tentacules.
Le chercheur de chimères laisse son ombre après lui.
Bientôt, cette nuit, à travers les déchirures des nuages, je verrai encore une fois apparaître les étoiles, nettes et fixes dans le ciel froid. Nulle part ailleurs, elles ne m'ont semblé avoir plus de sens, traçant dans l'infini le dessin même de tous les désirs et de toutes les espérances, m'unissant au regard de mon grand-père au-delà de la mort.
Les oiseaux sont nés, ont disparu dans les tempêtes, dévorés par l'horizon
La mer comme le ciel, libre, immense, vide d'hommes et d'oiseaux, loin des continents, loin des souillures des fleuves, avec seulement, parfois, au hasard, des poignées d'îles jetées, si petites, si fragiles qu'il semble qu'une vague pourrait les submerger, les effacer à jamais.