À l'entrée du tipi d'A'yu, Stenatliha s'arrêta de nouveau. Subitement, elle se mit à trembler. C'était ainsi avant chaque vision. Elle se laissa tomber à genoux sur la terre sèche, d'où s'élevèrent des nuages de poussière d'or, et secoua la tête comme pour chasser un mauvais rêve.
Le chaman, qui sortait à cet instant de sa tente, la découvrit à quatre pattes sur le sol.
- Encore une vision... murmura-t-il en l'aidant à se relever.
Il la conduisit à l'intérieur du tipi où il régnait une douce chaleur et le parfum du foin d'odeur, la plante sacrée des hommes-médecines qui purifiait l'air et éloignait les mauvais esprits.
Tout en l'allongeant sur sa couche, il se demanda pourquoi le Grand Esprit autorisait cette jeune fille de dix-sept ans à avoir des visions. Pourquoi lui permettait-il de connaître la médecine aussi bien que lui ? une fille ne pouvais pas devenir chaman. Cette faveur n'était accordée qu'aux hommes ! Seulement, Stenatliha ne faisait rien comme les autres femmes.
Désertez pendant quelques années la citadelle, abandonnez quelques mois le canon ou la mitrailleuse dans la prairie, et bientôt l'herbe et la ronce auront envahi la pierre, la rouille rongé l'acier dur.
Pendant des années, l'esprit de la Terre à dit aux hommes : "Arrête, j'ai mal, ne me blesse pas."
Mais les hommes ont continué. Comment l'esprit de cette terre meurtrie pourrait-il aimer l'homme, maintenant ?
Depuis son arrivée dans C-T/4, c'était la première fois qu'il se retrouvait à l'air libre. La lumière du soleil l'aveugla un instant. Mosa ferma les yeux et frissonna de plaisir en sentant un léger souffle de tiède lui effleurer la peau, parfumé par l'odeur de l'herbe fraîchement coupée. Lorsqu'il rouvrit les yeux, sa déception fut intense. Oh, il se trouvait bien dehors, il y avait de vrais arbres, seulement ils portaient la marque de l'homme blanc : tout était rectiligne, quadrillé, taillé. Aucune fleur sauvage, aucun insecte bourdonnant, aucun oiseau dans cette "nature" asservie, comme écrasée par les hautes tours dont les sommets grattaient le ciel de traine. Mosa eut un instant de vertige.
《La Mère Nature est toute-puissante, ayant pour elle l'éternité. (...) Désertez pendant quelques années la citadelle, abandonnez quelques mois le canon ou la mitrailleuse dans la prairie, et bientôt l'herbe et la ronce auront envahi la pierre, la rouille rongé l'acier dur.
Bien des fois, jadis, de vastes solitudes ont été peuplées de villes puissantes. Il n'en reste plus aujourd'hui que des ruines et les ruines elles-mêmes finissent par se confondre avec la terre éternellement vierge.
Qu'importe les hommes qui passent ? L'Esprit n'a qu'à souffler sur eux et ils ne seront plus ! Alors les fils de la Terre reprendront possession de la Terre. Et les temps passés redeviendront nouveaux !》
Les Inspirés de la GHOST DANCE
Elle leva le bras vers le ciel étoilé et bougea délicatement les doigts. Va, maintenant... La luciole hésita, puis s'envola en tournoyant vers la lune.