Il est adorable mon père. Pas de doute là-dessus. Il veut bien faire mais du coup il veut TROP bien faire... J'aimerais bien qu'il arrête de vouloir mon bonheur. Ça me ferait des vacances. Il est terrorisé à l'idée qu'après sa femme, son fils puisse le planter... Rhume. Écorchure. Coup de blues. Météo. Nez qui coule. Le moindre bobo, il s'inquiète. Du coup, j'ose rien lui dire et en plus, j'ose rien lui reprocher. On peut pas reprocher à quelqu'un de vous aimer trop.
Perdre, se battre comme si sa vie en dépendait et gagner. Apprends, petit, que les plus belles victoires sont celles qu'on obtient au raccroc. Quand ça passe ric-rac. Le but foireux. Le vilain pointu. La limite du hors-jeu. Rien de plus fort.
-C'est bien joli, mais je fais quoi avec mon avenir, moi ?
- Tu mets un poteau rentrant à la vie.
Et puis il a un look, mon vieux... Un look... Vu de loin, c'est le chaînon manquant entre un grizzli et Moustaki. Vu de près, comme il est pas bien grand et qu'il est plutôt rond, on dirait une pelote en mohair. J'ai rarement vu plus poilu que mon père. Quand il pleut, c'est terrible, il ressemble à un bobtail tombé dans une piscine (p25).
- C’est quoi ce liquide ? C’est tout blanchâtre...
- C’est du sperme de cerf.
- Ah...
- Ça se conserve au frigo et ça goûte un peu fort. Pour masquer le fumet, faut pas mollir sur le poivre.
- Du sperme de biche, ça serait pas moins fort ?
Dans le palais à Yvette, ma chambre c'est la bande à Gaza. Une zone franche dans un territoire intégralement colonisé par l'image de ma mère (p58).
Je fais pas de jogging.
Le jogging, je m’en fous...
Le jogging, c’est pour les lâches.
Le jogging, c’est pour les gros derches qui pensent qu’en se trémoussant dans des Asics, vingt minutes par semaine, ils vont avoir un corps de statue grecque.
A tous ces cons, je le leur laisse leur jogging.
Moi, je fais pas de jogging.
Je cours.
Des tatouages moches, dans le foot, c’est pas ça qui manque. Des phrases débiles en gothique, des portraits ratés, des motifs ethniques ou des idéogrammes chinois, y en a plein les vestiaires. Dans ce domaine, plus rien ne me surprend, et pourtant j’ai jamais vu un truc aussi foiré.
- Dessiner à l’envers, mon Jeanyf, c’est pas simple. Les ombres surtout. J’ai fait des ratures. J’ai débordé en coloriant, alors j’ai essayé de rattraper le coup, et c’est parti complètement en vrille... Ta mère, très vite, elle a commencé à ressembler à Galabru dans les ‘Gendarmes’, puis très vite à un chien. Alors j’ai ajouté des cornes pour en faire un diable un peu marrant, mais le diable a commencé à ressembler à un bouc. J’ai repensé intégralement mon projet et j’ai dessiné un cœur pour recouvrir le tout.
- Un cœur sur un cœur ? C’est quoi la prochaine étape ? Tu vas te dessiner un rein sur le rein ? Un genou sur le genou ?
-T'es passé à la corvée, Jackyf?
-Oui, Pierryf.
- T'as pris de la lessif ?
-Affirmatif.
Quand tout a commencé, mon père a tout de suite pensé que tout était de sa faute.
Autoflagellation, auto-apitoiement, auto-tatouage, avec la grande fatigue, mon père est devenu un authentique Salon de l'auto.
Jeanyf, mon doux Jeanyf, si la connerie se mesurait en carats, tu serais un connard hors de prix.