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Encore et toujours pas mieux

Interview : Arnaud Le Guilcher à propos de Toujours pas mieux

Article publié le 28/05/2021 par Mahaut Adam

 

Dans Toujours pas mieux, le troisième roman d’Arnaud Le Guilcher après En moins bienet Pas mieux, le lecteur renoue avec ses personnages absurdes et touchants dans un univers drôle et rempli d’autodérision. 

Notre anti-héro, un français exilé au fin fond des Etats-Unis, vient récupérer son héritage dans les Alpes françaises. Son grand-père nazi lui a laissé une fromagerie et une grande maison hântée. A côté de ça, sa nana a fui avec sa fille et son fils, gothique, affrontera le plus grand loup de la montagne. Fresque drolatique et poétique, Toujours pas mieux est le récit d’un loser, mais d’un loser que l’on ne peut pas ne pas aimer. Avec une élégante maîtrise du jeu de mots, Arnaud Le Guilcher nous promène dans un monde incongru mais étonnamment réaliste. Nous avons cherché à en apprendre plus sur ce troisième roman mais aussi sur l’auteur et ses inspirations.

 

 

© Astrid di Crollalanza

 

 

La première chose qui nous frappe en lisant votre nouveau roman est l’humour omniprésent et infatigable avec lequel vous menez votre histoire. Les blagues vous viennent-elles au fil de la plume ? Quelles sont vos inspirations ? 

J’adore Louis CK, un stand-upper américain et Ricky Gervais, le créateur de The Office et d’After Life. Ils sont très cyniques, crus, presque cruels… Ils peuvent se le permettre parce qu’ils sont également très durs envers eux-mêmes. Je crois que si j’arrive (j’espère !) à faire rire c’est parce que le lecteur et moi, sans le savoir, on a passé un contrat : je remue mes personnages mais je ne les torture pas. Et puis au fond, je les aime profondément. Comment leur en vouloir ? Leurs travers, leurs mesquineries, leurs lâchetés… Je les connais. Tous leurs défauts sont mes propres casseroles.

Bon et pour les blagues. Je vous donne mon secret. Il ne fait pas rêver : Peu de talent, beaucoup de travail ! J’aurais adoré vous dire le contraire mais quand je conserve un truc pas mal, c’est que j’en ai balancé trois. J’écris, je réécris. Inlassablement.

Il y a plusieurs moyens de faire rire. Le comique de situation où je m’inspire souvent de choses que j’ai vécues (les bodybuilders dans l’avion, les noms de baguettes à la con) ou de celles que j’ai lues dans des faits divers (le village attaqué par des moutons défoncés à la weed). Le comique de situation donc et puis le jeu avec les mots. Là, j’essaie de ne jamais refaire la même vanne d’un livre à l’autre. Ca nécessite une gymnastique de tous les jours. Noter des blagues, les empiler, les trier… Les faire rentrer dans le texte. Une blague qui foire page 54 sera irrésistible page 171. Je copie, je colle… Bref, je trime !



Les personnages sont très excessifs mais ils paraissent également réalistes, comment donner vie à des personnages fictionnels qui paraissent aussi réels ? Vous êtes-vous inspiré de personnes de votre vie ? Ou de vous-même ? 

Personne ne ressemble à mes persos dans la vraie vie, et pourtant… et pourtant, parfois, si. C’est ce fil-là que j’étire. Ce too much qui flirte avec le vraisemblable. J’écris comme un enfant qui joue avec des Kapla, les petites pièces en bois avec lesquelles ils doivent faire des constructions. J’essaie d’aller le plus haut possible sans que tout s’effondre. Des fois ça tient, des fois pas. Je ne sais plus qui a dit « un adulte créatif est un enfant qui a survécu ». Je m'approche des 50 balais, mais quand j’écris, je m’efforce de laisser le gosse qui survit en moi tenir le crayon. Si c’est raté, tout est intégralement de sa faute.


Le récit alterne entre des passages comiques et absurdes et des moments très tristes, très profonds, notamment à travers les rêves du héros. Comment avez-vous écrit ce double tempo et pourquoi ? 

J’ai un fond plutôt sombre et cynique. Je désamorce toutes mes envies de misanthropie par des blagues. Tous mes coups de moins bien par des calembours nuls. Cette potacherie, c’est de l’instinct de survie. Un moyen de vivre au-dessus du brouillard. De mettre ce qui me plombe à distance. 

 


Vous écrivez sur les conditions de vie d’un petit village français, sur certains hommes politiques (notamment François Hollande) ou encore sur le darkweb et la vidéosurveillance. Souhaitiez-vous écrire un livre politique ? 

Mes personnages vivent avec nous, à la même époque, et cette époque les heurte, les stimule, les porte ou les ensevelit. On vit un moment très difficile pour les gens moyens. Pour les pas très beaux. Pour les trop sensibles. Pour les timides. Pour les simples. Les sans-grade qui n’ont pas envie d’en avoir. Pour toute foule anonyme, c’est très dur… Notre société propose un modèle qu’on est en droit de refuser. Ce que ça implique de mobilité, de dévotion à un travail, de concepts vides et de superficialité, on peut ne pas vouloir consacrer son existence à ça. Trouver que ça n’a aucun sens. On a le droit. On peut ramer à contre-sens mais le courant me semble être très fort, et peut-être même de plus en fort. Vouloir une vie qui vous donne le temps nécessaire pour réussir ou pour échouer, qui vous laisse le soin d’avancer à votre rythme, vers un objectif que vous seul avez choisi. C’est la tempête que traverse mes personnages. Ils rament contre les contraintes, se prennent une vague, chavirent, nagent, surnagent. Ils se débattent. Comme tout le monde.


Une nouvelle fois dans votre œuvre, l’amour n’est pas triomphant. Mais l’amitié ne semble pas non plus être une solution. Cette fois, c’est la famille qui semble vainqueur. Pourquoi ce choix ?

Le fait d’avoir un enfant redistribue les cartes. Les amours qui foirent, les amitiés qui s’effritent… Rien n’est plus important qu’un enfant.

 

 




Arnaud Le Guilcher à propos de ses lectures



Quel est le livre qui vous a donné envie d’écrire ?


Un privé à Babylone de Richard Brautigan.


Quel est l’auteur qui vous a donné envie d’arrêter d’écrire (par ses qualités exceptionnelles...) ?

 

Chuck Palahniuk, Charles Bukowski ou Robert McLiam Wilson me donnent le vertige.


Quelle est votre première grande découverte littéraire ?

Les livres d’Émile Zola. Au collège, j’en ai enquillé un sérieux nombre. Ça me retournait complètement.


Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?

Rapport sur moi de Grégoire Bouillier et certains passages de Port-Soudan d`Olivier Rolin, que je connais presque par coeur.


Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?

Sur la route de Jack Kerouac.


Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?

Polichinelle de Pierric Bailly. Un acte de poésie primale, enfantine et toute cassée. La lecture est terrifiante et inconfortable, mais j’en garde un souvenir inoubliable.


Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?

 

Je ne suis pas tellement en position de juger les classiques. Je trouve juste que Marcel Proust aurait pu développer un peu plus ses personnages. A peine 10 millions de caractères pour À la recherche du temps perdu, ça fait pas très sérieux.


Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?

J’adore vraiment ces mots de Camus à René Char : « Plus je vieillis et plus je trouve qu’on ne peut vivre qu’avec les êtres qui vous libèrent, qui vous aiment d’une affection aussi légère à porter que forte à éprouver. La vie d’aujourd’hui est trop dure, trop amère, trop anémiante, pour qu’on subisse encore de nouvelles servitudes, venues de qui on aime. »


Et en ce moment, que lisez-vous ?

 

Ici pour aller ailleurs de Geoff Dyer. Je découvre cet auteur anglais. C’est un récit de voyages drôle, brillant, érudit et assez désabusé. C’est formidable. Et je finis Honky Tonk Samouraïs de l’indispensable Joe R. Lansdale. Hap et Leonard y sont dans une forme épatante ! Vive Lansdale !

 

 

Découvrez Toujours pas mieux d'Arnaud Le Guilcher aux éditions Robert Laffont

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