AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur RU (17)

À en croire leur tenue, les deux catégories de personnes étaient destinées à se rencontrer : ceux qui tentent de traverser et ceux qui les ramassent. (15)
Commenter  J’apprécie          10
Le festival a commencé depuis quatre jours, avec autant de projection de "Hors". Pour la quatrième fois, Alvid prendra la parole à la fin du film. Il répondra du mieux qu'il le peut à quelques questions. Il dira qu'il s'agit de capter le temps du paysage, que des mouvements infimes comme ceux des bruyères l'intéressent autant, voire davantage, que ceux des deux hommes qui constituent l'ultime et seule présence humaine du film. our la quatrième fois, il formulera des réponses qu'il a construite bien après le tournage et le montage du film. Pendant ses années d'étude de cinéma, il a appris que «Je voulais simplement que cela soit comme cela et pas autrement» n'est pas une réponse valable. Les spectateurs en veulent plus, ont besoin de plus. Il faut donner une clef. Alors il ne ment pas tout à fait, mais toutes les théories qu'il s'est habitué à entendre sortir de sa bouche lui paraissent toujours un peu étrangères au fond des choses.
Commenter  J’apprécie          120
Ils me font bien rire. Ils sont bien gentils, mais ils font exactement ce qu’ils n’aimaient pas qu’on leur fasse. « Celui qui travaille mange. » : mais qui décide qui travaille ?
Commenter  J’apprécie          60
Nous avions eu mal pour la première fois et il était plus facile de faire comme si c’était la dernière, comme si la violence n’était pas tout autour de nous, tout le temps, comme les mille yeux et les mille oreilles de la préfecture. Vivre à Ru, c’est vivre avec la violence en sachant qu’on ne peut pas s’en échapper.
Commenter  J’apprécie          20
Coré dit :
« Le plus douloureux, ce ne sont pas les coups. Ce ne sont pas les bras cassés ou les nez brisés. Ce ne sont même pas les yeux aveuglés. »
En prononçant cette troisième phrase, on croit voir un sourire presque amusé illuminer son visage borgne.
« Le plus douloureux, ce ne sont pas toutes les portes renversées, les policiers dans les appartements, les perquisitions injustes. Ce n’est pas l’interdiction de se rassembler sans autorisation préalable. Ce n’est pas la suspicion permanente. Ce ne sont pas les arrestations préventives sans raison valable, à part pour quelque chose que l’on a dit ou écrit et qu’une caméra ou un téléphone a rapporté même s’ils ne sont pas censés le faire. On sait tous comment ça se passe. Personne n’est dupe. Il n’y a plus aucun de nos gestes ou aucune de nos paroles qui nous appartienne vraiment, tant qu’ils sont faits ou prononcés à portée d’œil des réseaux. On sait bien qu’on est surveillés dès qu’on décide de faire partie de Ru. »
Plusieurs d’entre eux portent encore des lentilles teintées, mais la majorité voit rouge. Coré parle à un auditoire conquis.
« Le plus douloureux, reprend-elle, ce n’est même pas que la seule façon de vivre presque libre soit de se mettre au ban des réseaux, au ban des rues, au ban de Ru entière. Nombreux sont ceux qui le font déjà. Nous ne sommes vus, et entendus, que lorsqu’il n’y a pas le choix. Comme ce soir. »
Quelques ricanements hésitants. Les auditeurs ne se dévisagent même pas les uns les autres à la recherche de l’espion, de la taupe. Ils lancent un regard par la fenêtre, vers le « ciel », le plafond sur lequel on soupçonne que sont installés des caméras et des microphones, malgré les dénégations de la préfecture. Ils savent que ce sont les murs, le sol, les arbres et même l’air de Ru qui les écoutent et les observent. Des murmures rampent d’un énorme centre dans la Tête ou dans le Cœur Sud, un hangar ou un souterrain de la taille d’une petite ville rempli de serveurs et de calculateurs dédiés au traitement et à l’analyse de millions de térabits de données de surveillance : le royaume d’algorithmes qui comparent, compilent et configurent les flux pour dessiner le parcours de chaque habitant de Ru. Bien sûr, ces chuchotis tiennent de la légende ou d’un conte horrifique et rassurant. Il est bien plus probable que ces données soient traitées dans des centaines de banques de serveurs disséminées à travers la totalité de Ru.
« Le plus douloureux, c’est le mensonge. »
Commenter  J’apprécie          30
Le principal attrait de cette zone, exploitée seulement lors de la troisième phase d’urbanisation de Ru, est le conduit d’excrétion qui perce la carapace de la bête. Malgré ses dimensions approximativement égales à celles d’un terrain de football, celui-ci n’apparaît, vu du sol, guère plus grand qu’un timbre-poste. Refermé par une membrane transparente et étanche, il laisse entrer directement les rayons du soleil de l’extérieur tout en repoussant les pluies venues du large. En levant la tête vers le midi, on pourrait croire à un astre du jour, miniature et toujours fixe. Les habitants de Cumiga l’appellent d’ailleurs tout simplement le Soleil. Afin de renforcer cette impression, l’architecte du quartier a eu la lumineuse idée de faire peindre l’intérieur de la carapace d’une couleur azurée et adaptative. Quand vient le soir et que le Soleil ne laisse plus passer beaucoup de lumière, les pigments photosensibles réagissent et le plafond fonce pour prendre une profonde couleur de nuit ponctuée seulement de lampadaires blancs. L’illusion est telle qu’à la différence de nombreux endroits de Ru, et parmi eux certains de ses quartiers les plus courus, un observateur inattentif pourrait ne pas percevoir l’absence d’horizon. Tous les dix ou quinze ans, il est nécessaire de passer une nouvelle couche de pigment sur le « ciel », dont le coût est répercuté sur les charges de copropriété. Personne ne se plaint jamais non plus des périodiques frais de rénovation des murs et des purificateurs d’air qui protègent le quartier des pollutions sonores et aériennes causées par l’A-FMG – autoroute fémorale milieu gauche – dont le tracé fait une large courbe afin de ne pas déranger Cumiga. Pour y parvenir, il a été nécessaire de contourner le conduit sanguin déjà existant, comme à de nombreux autres endroits de Ru.
Commenter  J’apprécie          20
Il ouvre les yeux, la tête sur le sable. Étourdi, le garçon se redresse péniblement. L’écume mouille encore un peu plus ses chaussures détrempées. Par réflexe, pour se débarrasser de ses baskets et de ses chaussettes, il pousse avec la pointe de ses pieds. Ils sont bleus de froid. Il attrape une grosse poignée de sable et les frotte vigoureusement. Il plie chacun de ses orteils, l’un après l’autre. Puis, d’un mouvement d’épaule, il se défait du gilet de sauvetage jaune fluorescent qui pend à son cou, misérablement dégonflé. La toile en est déchirée. Il l’abandonne sur la grève, certain qu’il ne doit pas garder cet habit qui le désigne à coup sûr comme venant d’accomplir la traversée. Le vent d’est perce alors son maigre sweat-shirt. L’air autour de lui est gris, comme la mer qui l’a recraché. Il se rend compte que le matin est venu. La dernière étape de son voyage, à peine trois dizaines de kilomètres à franchir, aura duré toute la nuit.
Y porte son regard autour de lui. La plage, à marée basse, s’étend sur plus d’un kilomètre. Y sait pourtant qu’il ne doit pas rester là. La mer frémit à l’horizon et commence à grignoter le sable. D’ici quelques heures, toute la crique sera remplie. Un peu plus bas près de l’eau, ce qu’il reste du bateau l’a suivi. Rendue légère par l’absence de passagers, l’embarcation flotte, incertaine, portée dans une direction puis dans une autre. Le garçon pense qu’on dirait qu’elle l’a suivi mais n’ose pas le rejoindre. Pourtant, il n’essaie pas d’aller la récupérer. Il a réussi à traverser. C’est une chose du passé, oubliée déjà, comme tout le reste du monde sur l’autre rive. Y sourit, satisfait. Il est du bon côté.
Autour de lui sur la grève sont éparpillés des corps munis de gilets de sauvetage jaunes ou orange. Aucun ne se relève. Le garçon détourne les yeux. Ce ne sont pas les premiers morts qu’il a vus au cours de son voyage.
Commenter  J’apprécie          20






    Lecteurs (135) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les plus grands classiques de la science-fiction

    Qui a écrit 1984

    George Orwell
    Aldous Huxley
    H.G. Wells
    Pierre Boulle

    10 questions
    4908 lecteurs ont répondu
    Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

    {* *}