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Cela fait un moment que je souhaite parler de Ru. Mais c'est tellement unique et incroyable comme roman que je ne sais même pas comment l'aborder.
Ru c'est l'histoire d'un gigantesque corps qui ne bouge plus et que les humains décident de coloniser. Ils vont s'installer dans les membres, les organes, les veines comme si ce corps leur appartenait. Ils vont y construire leurs maisons, leurs autoroutes, leurs entreprises, leurs écoles...
Camille Leboulanger a cette faculté d'imaginer l'inimaginable et de nous transporter dans ses mondes improbables (dans Malboire, on a l'impression que les gens vivent dans la boue, c'est si étrange) je peine à vous transmettre mon ressenti. Ru est une perle rare en littérature. Fantastique ou SF ou fable écologique ou récit politique ou poésie ? Je le conseille à tout le monde.
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Ru est le nom donné par Camille Leboulanger à une créature aux dimensions colossales et dont la longue immobilité a donné envie aux humains l'idée farfelue de la coloniser. Autoroute, port, ville, université, magasins… : la bête abrite désormais l'équivalent de tout ce qu'on peut trouver à l'extérieur, à la différence près que ses habitants doivent s'habituer à ne jamais apercevoir la lumière du jour et à composer avec le rouge omniprésent qui émane de l'intérieur du monstre. Difficile à la lecture du scénario de ne pas penser au « Dragon Griaule » de Lucius Shepard qui reposait (dans les grandes lignes) sur un principe similaire : une immense créature colonisée par l'humanité et sur laquelle elle exerce une influence plus ou moins volontaire et subtile. On retrouve effectivement des points communs entre les deux oeuvres, notamment dans leur dimension politique, mais, là où le propos du livre de Sherpard consistait à utiliser la bête comme une métaphore de la dictature et s'interrogeait sur les responsabilités individuelles sous ce type de régime, le roman de Camille Leboulanger porte un message davantage d'ordre écologique et social. Car dans Ru, les humains ont fait ce qu'ils continuent de faire aujourd'hui en dépit du bon sens : ils prennent leurs aises, sans penser aux conséquences et à l'impact de leur activité sur l'écosystème dont ils sont pourtant dépendants. Qu'importe que la créature ait été (ou est encore, le débat anime toujours les scientifiques) un être vivant : on bétonne, on creuse, on exploite, tout cela en tentant de contourner les limites imposées par le corps même de la bête. le roman ne se limite toutefois pas à une vue d'ensemble de la cité rouge puisque l'on va suivre trois personnages très différents qui, chacun à leur manière, vont être profondément changés (et changer profondément) Ru. le premier, Youssoupha, est un réfugié : fraîchement débarqué au sein de la bête après une traversée éprouvante pour fuir son pays, le jeune garçon va se retrouver confronté à une politique d'accueil migratoire alternant entre suspicion, indifférence ou franche hostilité. Agathe, elle, a depuis peu rejoint un groupe de militants engagés pour la non restriction de l'accès à l'université des étudiants étrangers, ce qui lui vaudra de perdre un oeil lors de l'évacuation de sa faculté par les policiers. le dernier, enfin, est un cinéaste invité pour présenter son court-métrage à l'occasion d'un festival et qui veut profiter de l'occasion pour rechercher son mari, un chanteur réputé, disparu après avoir mis les pieds dans Ru.

Le profil des protagonistes en dit suffisamment long sur la portée et l'orientation politique de l'oeuvre de l'auteur. Politique migratoire déshonorante, violences policières, souffrance du corps enseignant, révolte populaire, inquiétude écologique, verticalité du pouvoir (ici exercée par un préfet dont la politique de maintien de l'ordre n'est pas sans rappeler celle de l'actuel préfet de police de Paris)… : autant de thématiques brûlantes d'actualité que l'on retrouve traitées ici par le prisme de la fantasy. le propos de l'auteur est assez radical et interroge aussi bien notre rapport à la politique (au sein large, pas uniquement électoral) qu'à notre environnement. La métaphore du réchauffement climatique est évidente et permet de mettre l'accent sur notre immobilisme et notre difficulté à penser aux conséquences de nos actions sur le long terme. La remise en cause de l'ordre social est également au programme, certaines scènes n'étant évidemment pas sans rappeler celles qui ont déferlé sur nos écrans au moment du mouvement des Gilets jaunes, ou plus largement lors de n'importe quelle contestation sociale récente. le traitement médiatique de tels événements est également abordé avec lucidité et fait à nouveau écho à ce que nous pouvons vivre aujourd'hui, de même que l'évocation du suicide d'une enseignante sur son lieu de travail ou de la répression disproportionnée des forces de l'ordre à l'encontre de jeunes manifestants ne manqueront pas de faire resurgir de récentes images. Si la vision politique défendue par l'auteur est ici bel et bien au coeur du roman, il serait toutefois erroné de croire que celui-ci se résumerait à une simple vitrine idéologique. le message est certes clairement affiché et assumé, mais l'intrigue est pour autant loin d'être un simple prétexte utilisé par l'auteur pour véhiculer ses idées. Ainsi, c'est moins dans l'exposition théorique d'une pensée politique (à l'image de ce que peut par exemple faire Alain Damasio) que l'engament de l'auteur se manifeste que dans le choix des thématiques abordées ou des profils de ses personnages. Pour résumer, l'ouvrage ne prône pas une idéologie radicale de gauche mais, par ses choix narratifs, met en lumière des préoccupations qui sont le propre de ce courant. Personnellement ça me convient, mais peut-être d'autres lecteurs verront-ils dans ces références à l'actualité et dans la dénonciation de cette violence de classe un frein à leur immersion dans cet univers de fantasy.

Il faut dire qu'un manque d'adhésion idéologique n'est pas toujours le seul obstacle que pourra rencontrer le lecteur. L'intrigue, bien que cohérente sur le long terme et ponctuée de rebondissements intéressants, s'essouffle régulièrement, l'exposition des spécificités de Ru et du ressenti de ses habitants prenant trop souvent le pas sur l'évolution même du récit. Il en résulte que l'intérêt du lecteur fluctue, certaines scènes se montrant véritablement impressionnantes visuellement ou émotionnellement, tandis que de nombreux autres passages paraissent plus longuets, voire répétitifs. Un événement majeur ayant lieu dans la seconde moitié du roman va toutefois totalement rebattre les cartes et réveiller la curiosité du lecteur qui risque cependant d'être légèrement frustré de voir l'histoire se terminer presque là où on aurait voulu qu'elle commence. le dernier tiers est en effet de loin le plus passionnant, le récit continuant de brasser alors quantité de sujets de société essentiels tout en incitant personnages et lecteurs à porter un regard neuf sur tout ce qui, aujourd'hui, nous paraît acquis et immuable. Une réflexion salutaire, qu'on aurait bien aimé voir se poursuivre tant les possibilités qu'elle ouvre sont promptes à enflammer l'imagination. Les personnages, eux, sont intéressants par l'originalité de leur parcours et par leur appartenance à des milieux sociaux différents, mais tous peinent à susciter l'émotion du lecteur. C'est notamment le cas d'Agathe, personnage auquel j'aurais, à première vue, parfaitement pu m'identifier, mais qui m'a laissée trop souvent indifférente en raison de la distance qu'elle impose au lecteur et de son faible nombre d'interactions avec d'autres individus. Youssoupha, en revanche, est un protagoniste bouleversant mais dont le rôle se limite la plupart du temps à celui de spectateur passif. Les personnages secondaires sont quant à eux très en retrait, l'auteur optant, là encore pour des raisons politiques, pour une mise en avant collective des habitants de Ru, plutôt que par une individualisation à outrance d'une poignée de « grandes figures ».

Original et engagé, le roman de Camille Leboulanger utilise ici la fantasy pour remettre en perspectives des sujets de société brûlants d'actualité et s'interroge sur notre manière d'habiter le monde et de le changer. Une oeuvre éminemment politique qui séduit par la pertinence de sa réflexion mais qui pâtit d'un rythme irrégulier et de personnages qui ne facilitent pas toujours l'immersion émotionnelle du lecteur. A découvrir !
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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Dans le cadre de notre incursion dans la bibliographie de Camille Leboulanger et après m'avoir fait confiance pour Bertram le Baladin, Tachan a décidé de nous faire explorer l'univers fantastique de Ru, cette oeuvre aussi intrigante que déconcertante dont son avis arrivera prochainement. Néanmoins et même si j'ai apprécié les grandes lignes de ce dernier, il est certain que le genre visité n'est pas forcément fait pour moi et j'ai bien eu des difficultés au cours de cette lecture.

Pourtant et comme à son habitude, Camille Leboulanger continue de démontrer toute l'étendue et le talent de sa prose même si cette fois-ci, celle-ci m'a semblé manquer cruellement de poésie et de lyrisme. C'est un style des plus abrupt, cassant et assez sec qui m'a été, cette fois-ci dévoilé. J'ai apprécié découvrir cette facette de sa narration même si, malheureusement, j'admets n'y avoir été guère sensible. Fort heureusement, j'ai retrouvé avec plaisir la dimension visuelle de son art et j'ai été plus que captivé par l'aspect organique et viscéral de Ru, cette métropole vivante et colonisée par l'être humain. le résultat se veut fort convaincant et percutant et ce grâce à son ambiance sanguinolente et physiologique. Ainsi, l'univers se veut des plus vivant et des plus passionnant à découvrir. En effet, chaque partie de la bête endormie s'est vue colonisée et organisée afin de servir de refuge et de contrée aux humains. Bien qu'assez saugrenue et improbable, j'ai adoré l'idée de départ pour son originalité et son intérêt et surtout sa minutie dans son élaboration. Ainsi et par exemple, le rouge, couleur du sang reste la couleur prédominante des environs de cette ville et appuie parfaitement l'ambiance assez dérangeante de ces dernières.

Malheureusement, l'univers ne fait pas tout et quand bien même Camille Leboulanger aborde de sujets forts et sensibles dans son intrigue, il m'a semblé que cette dernière n'était pas des plus facillement accessible. Peu amateur de science-fiction, j'admets ne pas être familiarisé avec ce genre de construction au fond et à la forme assez atypique qui ne pas permis de m'investir pleinement dans son déroulement qui semble souffrir de certaines longueurs en fin d'ouvrage. Au delà de ses manques et malgré ces derniers, je ne peux nier avoir apprécié les différents thèmes abordés à travers les nombreuses métaphores offerte pas l'auteur et qui raisonnent des plus actuels qui soient. En effet et à l'aide de son ton engagé et politique, Ru évoque et traite avec pertinence de délicats sujets tels que l'immigration, l'écologie mais aussi l'oppression subie par un peuple dominé. Bien que préalablement signalé, je ne pensais pas faire face à un récit totalement transportable à notre mode de vie quotidien et cette prouesse mérite d'être mentionnée. Ainsi, certains passages m'ont paru des plus sombres et violents, parfois difficiles à lire et j'ai eu l'impression de revivre certains tristes épisodes des dernières années écoulées dans notre pays. Ainsi, les dimensions géopolitiques et sociales dévoilées et surtout assumées par Camille Leboulanger lui permettent de réaliser une pertinente et audacieuse critique de notre société et notre culture qui pousse le lecteur à la réflexion, conférant à son oeuvre un certain investissement que j'ai apprécié réaliser mais que j'aurais voulu davantage exploiter grâce aux différents protagonistes dévoilés. Au nombre de trois et chacun à son tour, Y, Coré et Alvid dévoileront leurs histoires sans réellement parvenir à m'émouvoir un minium. Pourtant, les portraits esquissés sont éloquents tout en se dessinant également atypiques. A travers ses personnages exilés, artistes ou bien encore révoltés, Camille Leboulanger offre de marginales représentations parfaitement écorchées et mises à nue tout au long de son récit même si cela ne m'a pas suffit pour être totalement empathique aux sorts de leurs destinées.

Finalement et aussi captivant que déconcertant, Ru est un véritable ovni qui m'a permis de sortir de ma zone de confort. Cette prise de risque s'est avérée plaisante même si j'aurais apprécié que cette dernière soit davantage convaincante tant je n'ai ni totalement adoré, ni détesté ma découverte. Camille Leboulanger dépeint un univers passionnant, sombre et viscéral dans lequel j'ai apprécié voguer quelques instants malgré une intrigue au rythme parfois inégal et des personnages assez peu approfondis. Pour autant et n'appréciant que trop peu la science-fiction, je suis certain d'être quelque peu passé à côté de cette lecture qui saura séduire les adorateurs de ce genre.

Cette lecture a été réalisée à l'occasion du Cold Winter Challenge – 2022 : Menu Magie de Noël – Catégorie Calendrier de l'Avent.
Lien : https://mavenlitterae.wordpr..
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Ru est gigantesque. Endormie depuis des temps immémoriaux, on la prenait pour une chaîne de montagnes. Puis elle s'est levée. Puis elle est tombée. Échouée près d'une plage, elle a écrasée au passage toutes les habitations côtières.

Comment les humains ont-ils eu l'idée saugrenue de peupler sa carcasse ? Cela reste un mystère. Leur soif de conquête, leur désir de vengeance, leur tendance à se comporter en parasite et à exploiter tout ce qui peut l'être ?

Toujours est-il que désormais, Ru est hybride. Mi-créature, mi-pays. S'il aurait été de bon ton de se demander quel avenir considérer lorsqu'on décide de vivre dans des chairs vouées à la décomposition, une autre voix se propagent de plus en plus chez les scientifiques. Ru serait vivante, et tôt ou tard elle cherchera à se relever.

Plusieurs portes nous permettent d'entrer dans cette cosmogonie hallucinante : le jeune Y, venu de l'extérieur au péril de sa vie; Agathe dont la conscience politique s'éveille quand ses études la poussent à sortir du cocon privilégié dans lequel elle a été élevée; Alvid, cinéaste à la recherche de son mari, le célèbre chanteur Sandro Kostas, disparu mystérieusement alors qu'il s'était rendu dans Ru pour un concert.

Il s'agit d'une oeuvre engagée et moderne qui ne lésine pas sur les références appuyées à notre époque. Camille Leboulanger incite l'humain à l'humilité et à la réflexion sur sa place dans le monde, le tout sans négliger les combats sociaux qui nous agitent. On appréciera également la représentativité plurielle et inclusive offerte par l'éventail de personnages choisis par l'auteur pour porter son roman.

Beaucoup de qualités, donc. Pour être tatillonne j'aurai préféré un peu plus de subtilité dans les références et une plume au caractère plus marqué, mais cela restera à l'appréciation de chacun.
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Avec Steven de Maven Litterae, c'est en tombant sous la plume enchanteresse et conteuse de Camille Leboulanger que nous avons eu envie de découvrir sa bibliographie. Après le puissant Chien du forgeron, le dépaysant Bertram le Baladin, nous pensions retrouver la même poésie et le même lyrisme dans Ru, la fresque SF de l'auteur. Nous avons vite déchanté face à l'âpreté et à l'aura contestataire de l'oeuvre qui nous a laissés un peu sur le carreau malgré plein de choses intéressantes à dire.


Pour Steven, c'était l'une de ses rares incursions en SF, pour ma part, c'est un genre que je côtoie et affectionne un peu plus que lui, ainsi même si ce fut un total dépaysement de retrouver Camille Leboulanger dans ce décor après mes lectures précédentes, je n'étais pas totalement perdue. Ru est pour moi un mélange de SF d'anticipation et de SF d'utopie/dyptopie, malheureusement pas forcément les genres dont je raffole, avec en prime, et là on était plus en terrain conquis, une SF organique me rappelant ces titres où les vaisseaux spatiaux sont des corps vivants.

Alors en quoi ai-je été surprise ? Je ne m'attendais pas du tout à trouver ici un roman où les personnages humains n'étaient pas les personnages principaux. L'auteur m'avait habituée avec son ton de conteur à me mettre dans mes petits souliers, au coin du feu de préférence, aux côtés de ses héros. Ici, le héros est bien plus difficile à appréhender : c'est l'unité RU, cette ville, cette île, cette chose vivante dont les parties où vivent les habitants sont nommés d'après des parties du corps humain (anus, moelle épinière, colon, intestin, etc). C'est brillant et totalement déstabilisant à la fois, car du coup, je n'ai pas pu ressentir la moindre empathie réelle avec les personnages qui peuplaient ce héros bien particulier.

Autre problème, l'auteur m'a habituée à une plume facile d'accès, lyrique, avec des airs de conteur ou troubadour, ici, rien de cela. Nous sommes face à une entité beaucoup plus âpre, plus sèche aussi, où je n'ai pas retrouvé la poésie de l'auteur à part à de très rares moments. Mais dans le contexte de l'histoire, je comprends pourquoi. le monde futuriste qu'il nous propose de découvrir a quelque chose de primitif et de bouillonnant de colère. Nous sommes dans un monde clos où les gens commencent à se réveiller face à l'organisation sectaire à laquelle ils se sont habituées et qui ne fonctionne pas si bien. le propos de l'auteur n'est donc pas de nous emmener dans une chanson de geste mais de nous faire participer à un chant contestataire.

Les personnages que l'on croise vivent effectivement sur / dans un lieu clos où ils ont développé une forme d'utopie mais ils réalisent peu à peu qu'elle n'en est pas une. Telle la légende de l'Île Tortue, c'est tout un monde qui se cache dans les recoins de cette Ru si difficile à appréhender en se croisant, en l'explorant les habitants de celle-ci vont prendre conscience de ce qui ne va pas. C'est à travers le regard, manquant de connivence avec le lecteur, de 3-4 personnages que l'on va découvrir peu à peu ces failles et entendre la voix du peuple. Il y a Y ou Youssoupha qui représente le racisme et la crise migratoire ; Agathe - Coré, les violences policières et le système de castes ; Alvid et son compagnon, les problèmes de gouvernance et le fonctionnement caché de ce lieu. Normal donc d'entendre des voix qui grondent surtout quand s'y ajoutent encore des questions d'écologie ou de croyance.

L'auteur a ainsi peut-être voulu raconter un peu trop de choses en peu de pages et a oublié de développer une histoire autour qui aurait mêlée l'ensemble des personnages et nous aurait fait ressentir une connivence. Là, telle une Ursula le Guin moderne, il se pose plutôt en ethnologue observant cette étrange société et l'étrange lieu hyper organique dans lequel ils pensent vivre une vie tranquille qui se révèle bien plus défaillante que prévue. Cela m'a donc laissé un goût mitigé, à la fois de trop peu et de trop. Étrange comme Ru.

En reprenant tout un tas de codes de genres divers et variés de la SF, Camille Leboulanger a imaginé un univers très ambitieux, peut-être trop, car il m'a laissée de côté alors qu'il m'avait habituée à m'embarquer avec lui dans ses histoires. J'ai aimé être fascinée par cette mystérieuse Ru, qui est un nouveau type de personnage principal à mi-chemin entre le vivant et le non-vivant. J'ai compris mais n'est pas forcément été séduite par l'exercice de style de cette immense métaphore contestataire dénonçant notre propre présent. Et j'ai surtout cruellement manquée d'incarnation avec des personnages qui m'ont toujours paru extérieurs. J'aurais aimé aimer cette histoire autant que les idées qui l'animent.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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Quelle lecture étrange et envoutante. Il y a de nombreuses metaphores dans cette histoire. Metaphore sociale avec la société de contrôle et la revolte qui gronde. Mais aussi l'homme vu comme un parasite. Et enfin la metamorphose voulue ou subie lorsqu'on cherche la verité.

Comment se passe la vie dans le cirps d'un monstre géant? Une societé inegalitaire s'y est installée, et a betonné une partie du corps. Nous suivons les destins de plusieurs personnages qui prennent des chemins de traverse. Et, sans vouloir spoiler, il va falloir tout reconstruire sur de nouvelles bases.

Dystopie, puis utopie, ce roman est un voyage étrange et déroutant dans un autre monde. Il questionne le nôtre…
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Comment habiter Ru ? Ou comment la métaphore science-fictive combattante invite à interroger nos anciennes manières, encore beaucoup trop présentes hélas, d'habiter la Terre. Une redoutable expérience de pensée conduite en thriller socio-scientifique.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/06/05/note-de-lecture-ru-camille-leboulanger/

Publié chez L'Atalante en mars 2021, le quatrième roman de Camille Leboulanger commence comme un récit terriblement contemporain, comme la mise discrète en fiction de ces convois souvent mortuaires qui hantent les mers, en Méditerranée ou en Atlantique, lorsque des réfugiés aux abois tentent de rejoindre, quel qu'en soit le prix – le plus souvent extrêmement élevé, à tous points de vue -, quelque terre promise, le plus souvent la forteresse Europe dans le monde réel : c'est ce chemin de larmes-là que mettent en fiction de manière si juste et si poignante le « La nuit nous serons semblables à nous-mêmes » d'Alain Giorgetti ou le « le dernier voyage de Sindbad » d'Erri de Luca, ou que viennent documenter de près le « La Loi de la mer » de Davide Enia ou le « En mer, pas de taxis » de Roberto Saviano.

Ici, la terre promise, celle sur laquelle s'échoue vivant, de justesse, le protagoniste amnésique Y, qui sera bientôt, d'autorité, renommé Youssoupha, s'appelle Ru. Et là, passées les douze premières pages de « Traversée », le roman s'installe avec force et fracas dans la grande – très grande – métaphore fantastique et science-fictive : l'île de Ru, à quelques kilomètres du rivage, est le cadavre d'une gigantesque créature (dont la taille s'évaluerait vite en dizaines de kilomètres) qui s'est effondrée là, quelques générations plus tôt, après avoir dévasté de son pas lourd les régions avoisinantes, et que des humains, constatant l'habitabilité de l'endroit et toujours aussi preneurs de terres, ont rapidement entrepris de coloniser intégralement.

On songera naturellement, dès ces premières pages, au magnifique travail réalisé entre 1984 et 2014 par le si regretté Lucius Shepard avec son « Dragon Griaule » et l'entrelacement de nouvelles voire de romans courts qui prenaient place dans le cadavre minéralisé (mais l'était-il vraiment ?) d'un ancien dragon particulièrement maléfique, dont les influences psychologiques, longtemps après sa mort, continuaient régulièrement de hanter sournoisement les humains qui vivaient là. Mais bien au-delà de cette ressemblance aussi évidente que finalement superficielle, la métaphore travaillée en profondeur par Camille Leboulanger au long de ces presque 300 pages est tout autre. À travers les pérégrinations de Y, déjà nommé, de la rebelle gosse de riche Agathe qui deviendra Coré, égérie du mouvement contestataire appelé le Regard Rouge (pour des raisons ayant joliment trait davantage à la physique qu'à la politique), ou d'Alvid Persner, artiste cinéaste venu s'incruster in extremis dans un prestigieux festival officiel pour tenter de retrouver la trace de son mari Sandro Kostas, chanteur et musicien mondialement célèbre, mystérieusement disparu au coeur de Ru, en des lieux qui auront pour noms Université du Rein Gauche, Gare Occipitale, Foyer de la Paroi Intestinale ou encore Quartier Pariétal Droit, c'est bien toute une mythologie pratique des « Maîtres et possesseurs » que l'auteur nous invite à explorer et à tester contre certaines adversités en cours de développement.

Utilisant méticuleusement les ressources de l'expérience de pensée science-fictive (et de son travail inlassable des mondes en grand – Iain M. Banks, pour ne citer qu'un seul précieux exemple – ou des mondes en petit – pensons, tout récemment, au superbe « Mécaniques sauvages » de Daylon), n'hésitant pas (à l'image du grand Kim Stanley Robinson, dans « La trilogie martienne » bien entendu, mais sans doute davantage encore dans le trop méconnu « S.O.S. Antarctica ») à mettre en scène des discussions politiques et sociales, au risque, comme chez le maître californien, d'enchanter ou d'agacer lectrices et lecteurs selon leurs pentes préalables, Camille Leboulanger nous offre, sous le sceau de l'imagination – largement débridée pour amener à saisir l'impensable – et des métaphores subtilement imbriquées en plusieurs couches, une rare occasion romanesque de confronter la notion toujours à réinventer d'habiter le monde aux frénésies de domination capitaliste (qui masquent encore aujourd'hui plus ou moins habilement leurs avides tentations sous divers oripeaux sensibles ou anodins). Comment donc habiter Ru ? Et comment, de facto, habiter réellement le monde ?
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Ru est un roman de science-fiction de Camille Leboulanger.
L'auteur y décrit une société humaine qui s'est installée à l'intérieur d'une gigantesque créature vivante mais endormie. Cette société s'avère coercitive et pleine d'inégalités, que des mouvements sociaux tentent de résoudre, en vain face à la violence politique que déchaîne la préfecture contre eux.
Cependant, le réveil brutal et inéluctable de Ru provoque une transformation sociale, que l'on observe à travers le regard et les actions de trois personnages, Youssoupha, le réfugie écrasé par le système, Coré, l'étudiante éborgnée devenue leader politique malgré elle, et Alvid et Sandro, un couple d'artistes changés par les événements. Camille Leboulanger met ainsi en scène l'émergence d'un espoir utopique au sein d'une créature-monde.
Je découvre la plume de l'auteur avec ce roman, et j'en suis ravi ! Je vous le recommande.
Chronique complète et détaillée sur le blog.
Lien : https://leschroniquesduchron..
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Avec "Ru", Camille Leboulanger signe un très grand roman de science-fiction, une magnifique allégorie écologique et sociale. Il y parle très joliment de migrations, d'inégalités sociales, de l'Etat, des utopies, et de la place de l'humain dans son environnement. Engagé et littéraire, c'est l'un des plus beaux romans que j'ai lus cette année.
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Ru, de Camille Leboulanger. Roman très étrange qui nous présente un inventaire de nombre de problématiques de société par le spectre des habitants de Ru, une sorte de gros dragon à six pattes échoué au bord de la mer. Oui, vous avez bien lu : toute une société habite dans le dragon – qui fait une taille faramineuse, probablement l'équivalent d'un département. Des villes sont donc construites dans la Tête, dans les Reins, les Cuisses, les Coeurs, etc. Mais cette situation – étrange – n'est presque qu'un prétexte pour aborder tous ces sujets de société (en vrac et de façon non exhaustive : immigration, équivalent Gilets Jaunes, justice, éducation, constitution, etc), sous les yeux de trois personnages qui sont parfois plus spectateurs qu'acteurs.
Au final, un livre très intéressant, bien écrit (j'ai largement préféré le style que dans le chien du forgeron que j'avais lu il y a quelques mois), mais quand même un peu perturbant : on a parfois un peu de mal à visualiser où on va, quel est l'objectif global. Mais probablement n'y en a-t-il volontairement pas, et est-on plutôt dans du témoignage et des pistes de réflexion que dans une volonté d'apporter des réponses à des sujets qui dépassent nos individualités – un peu comme Ru dépasse largement ses habitants et leurs problématiques.
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