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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
La grande famine irlandaise avait fait un million de morts au milieu du XIX siècle, et les survivants avaient immigré aux USA. Cette immigration massive de pauvres parmi les pauvres crée avec le temps un communautarisme, basé sur le fait d'avoir vécu les mêmes tourments, puis sur l'aide réciproque que chacun est en droit d'attendre de ses voisins, du vivre-ensemble.
Les Irlandais ne forment pas le seul groupe identitaire : car il y a les Polonais, les Italiens et les Afro-Américains, entre autres, regroupés dans le quartier de Roxbury à Boston en 1974.
Et lorsque, par souci d'intégration et d'égalité, et suite aux neuf ans où les Noirs ont poursuivi en justice (pour injustice) le comité de l'enseignement et ont obtenu gain de cause, un juge décide que les deux lycées de ces deux quartiers pauvres allaient s'échanger les élèves entre eux (le busing ): Roxbury et les Irlandais de South Boston se rebellent…
Bonne question, mauvaise réponse.
Parmi eux, Mary Pat, une forte femme habituée à subir la castagne et à la donner, réputée pour n'avoir pas de bouton d'arrêt. Son fils Noel, malgré ce qu'elle pense, imite un chimpanzé en parlent des Noirs, et laisse comme une graine de racisme, avec sa généralisation souvent à partir de rien, d'un mot entendu, d'une scène entrevue : le racisme, comme la calomnie, fait des petits, enfle et se répand, il en restera toujours quelque chose. Et il meurt, non pas au Vietnam, mais de la drogue.
« Seigneur, comme il lui manque, le sourire de son fils. Elle avait tout de suite été frappée par ce large sourire en coin, quand il était sur son sein, ivre du lait maternel. Ce sourire avait ouvert une cavité dans son coeur et Mary Pat a beau appuyer dessus de toutes ses forces, elle refuse de se refermer. »
L'amour de Mary Pat pour son fils Noel, pour ses deux maris, l'un mort de drogue, l'autre parti, et pour ce fils, devient invivable quand sa fille Jules ne rentre pas un soir, puis d'autres soirs. Non seulement elle ne comprend pas pourquoi les choses sont ce qu'elles sont, mais, en plus, elle perd tout. Tout.
En tant que « Southie », habitante d'un quartier irlandais ouvrier, elle constate que les pauvres, Noirs ou Blancs, ne le sont pas parce qu'ils se laissent aller, ou qu'ils convoitent leur rôle de victime, ou qu'ils ne méritent pas mieux. Et encore moins s'ils essaient de s'échapper à leur sort, car les riches de ce monde ont intérêt aux affrontements entre eux.
Mais, voilà, sa fille ne rentre pas, au moment où le fils d'une de ses collègues noires, se fait lyncher : Marie Pat comprend vite que c'est irrémédiable.
Sa rencontre avec Bobby, flic irlandais lui aussi, lui aussi ancien du Vietnam, et lui aussi ancien drogué, comme Noel, instaure une compréhension mutuelle.
Personnage complexe, Mary Pat compte sur sa communauté, bien qu'à la fois elle n'y participe pas : nous comprenons grâce à elle les ressorts du racisme, une calomnie qui enfle, qui germe, qui rampe et qui éclate : un mensonge, dit et redit à des enfants qui n'y croient pas, et qui finissent par ne plus résister, et répètent, comme elle l'a fait, dans une certaine mesure, à ses enfants.
« Jusqu'à ce qu'ils deviennent le genre de personne capable de poursuivre un pauvre garçon dans une station de métro et lui défoncer le crâne avec une pierre. »

Et puis, le silence, celui qu'elle demande à Bobby d'écouter.
Et d'entendre.
Nous n'entendons pas ce que nous disent nos proches.
le silence.
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Nous sommes dans une banlieue pauvre de Boston, Southie, habitée par la communauté irlandaise, à l'été 1974. Mary Pat Fennessy travaille dans une maison de retraite ; elle a perdu son fils Noel d'une overdose d'héroïne. Et maintenant elle est très inquiète car un soir sa fille Julia (dite Jules) ne rentre pas à la maison. La même nuit, un jeune Noir meurt percuté par une rame de métro, et il ne s'agit peut-être pas d'un accident. Les deux événements sont-ils liés ? Parallèlement, Southie est en émoi car la politique de déségrégation dite de « busing » va obliger certains jeunes du quartier à aller au lycée dans le quartier noir tandis que certains jeunes Noirs iront dans le lycée de South Boston. Les Irlandais sont vent debout contre cet échange et manifestent bruyamment en laissant s'exprimer leur racisme. Mary Pat va tout faire pour retrouver sa fille mais va aussi se heurter au silence du titre. Tout le monde est terrorisé par le caïd local, Marty, et personne ne veut parler à Mary Pat. Elle va devoir employer les grands moyens. ● Malgré le rythme assez lent, surtout dans la première moitié, j'ai bien apprécié ce roman qui montre le profond racisme enraciné dans la société américaine des années soixante-dix, aux échos contemporains. ● Dennis Lehane mène sa démonstration de façon à la fois systématique et convaincante, en prenant son temps, sans esbroufe. ● La police, principalement en la personne de Michael « Bobby » Coyne, fait ce qu'elle peut, mais les grands manitous de la mafia irlandaise bénéficient de protecteurs très hauts placés grâce à la corruption. ● Les personnages sont très bien caractérisés, surtout le personnage principal, Mary Pat, une mater dolorosa violente et vindicative, écorchée vive par la perte de son fils et la disparition de sa fille, même si elle a parfois des allures de super-héroïne tant elle parvient à se sortir de (presque) toutes les situations, y compris face aux gangs de la drogue. ● « Ce n'est pas la première fois – ni même la quatre-vingtième – que Bobby se met à haïr le genre humain. Il se demande si le crime le plus impardonnable commis par Dieu n'a pas été de nous créer, tout simplement. » ● « C'est un dur à cuire, non parce qu'il est particulièrement dur, mais parce qu'il est trop con pour savoir qu'on n'est pas obligé de se comporter de cette façon. » ● Si ce roman de vengeance n'atteint pas les sommets de Shutter Island ou de Mystic River, et si les dialogues ne sont quand même pas « sublimes » comme il est écrit dans le magazine Lire, il se lit cependant très bien et constitue une lecture à la fois poignante et passionnante.
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Sous quelle étoile est-elle née cette femme, confrontée à la violence dès son plus jeune âge, violence considérée comme légitime puisqu'elle venait de ses géniteurs. Et quelle route chaotique !

Si le roman peut paraître long à certains moment, nombre de pages sont indispensables pour apprendre à connaître ce personnage central du récit, non pour excuser ni pour compatir, mais pour comprendre ce parcours et pour se mettre à sa place : et c'est ce que j'ai pu ressentir souvent en cours de lecture : comment réagirais - je si, comme l'héroïne, on enlevait ma fille, que je devais me débattre pour la retrouver, me heurter à une communauté qui a fait voeux de silence, aidée par un parrain qui a savamment tissé une toile d'araignée pour entretenir la peur, le doute, l'inaction des autorités et pour paralyser la population.

De quoi dispose-t-elle ?

D'une fameuse conviction, d'une certaine force physique, comme de persuasion, de suite dans les idées, du langage approprié pour faire passer ses idées, j'ai d'ailleurs beaucoup apprécié les dialogues et le répondant de Marie-Pat.

Et c'est dans cette ambiance de ségrégation que se déroule d'histoire, une histoire sordide qui prend sa source dans les générations antérieures, un racisme qui se transmet insidieusement dans des communautés qui, en toute logique et bonne foi, rejette ce qui est différent, ce qui ne correspond pas à leur façon de vivre.

Pour faire passer son message, l'auteur commence doucement, par un certain questionnement émanant de Marie-Pat, puis s'ensuivent quelques réflexions des collègues, pour cheminer vers les horreurs que peuvent proférer les blancs à l'encontre des populations de couleur. Il n'hésite pas à employer des termes d'une violence inouïe, sans doute beaucoup plus employés dans les années 70.

Je me suis sentie bien malmenée tout au long de ce livre, malmenée par l'injustice, malmenée par le peu de belles personnes rencontrées sur le chemin de Marie-Pat, malmenée par les individus qui mettent leur génie au service du mal, malmenée par une fin pour laquelle je me suis demandé si la justice s'exerçait sans vraiment pouvoir répondre à cette question.

Bel exploit de l'auteur, le message est passé, c'est le plus important.
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South Boston, les années 70, le quartier irlandais, un quartier très populaire mais blanc, contrairement au quartier d'à côté qui est à majorité noir.
Le quartier se révolte contre une décision des autorités, le « busing » qui consiste à transporter des élèves noirs américains dans les écoles où les blancs prédominent et inversement.
Mary Pat du quartier de South Boston se révolte contre ce système, mais ce jour elle est à la recherche de sa fille Jules qui n'est pas rentrée à la maison.
Le même soir, un jeune noir est mort dans une station de métro.
Est-ce une simple coïncidence ou y a-t-il un lien entre les deux événements ?
Elle a déjà perdu son fils à cause de la drogue, omniprésente dans le quartier, et se battra jusqu'au bout, même contre les barons de la drogues s'il le faut, pour connaître la vérité.

Ce roman propose un magnifique personnage de mère combattante, d'Irlandaise au caractère fort qui ne lâchera rien, au risque de sa vie.
C'est aussi un témoignage de ces années 70 où le racisme, le communautarisme et les ravages de la drogue hantent la ville (et en l'écrivant je me rends compte que rien n'a probablement changé aujourd'hui...)
Dennis Lehane a du métier, il a le sens du rythme pour mener cette histoire et il évite tout manichéisme avec des personnages contrastés, le policier notamment.
Et bien sûr on imagine déjà ce roman, très cinématographique, adapté à l'écran...
Voilà un très bon roman, très sombre, comme tous ceux de Lehane.
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Le 21 juin 1974, statuant dans l'affaire Morgan contre Hennigan, le juge fédéral W. Arthur Garrity Jr décida que le Comité de l'Enseignement Public de Boston avait "systématiquement désavantagé les élèves noirs" dans les établissements scolaires. La seule façon de remédier à cette situation, concluait le juge, était de transférer quotidiennement en bus des enfants des quartiers majoritairement blancs vers des écoles des quartiers majoritairement noirs, et inversement, afin de mettre un terme à la ségrégation dans les lycées publics de la ville.

C'est donc dans cette ambiance d'un été 1974, juste avant la rentrée scolaire, que débute cette histoire, au coeur du « busing ». La tension raciale est palpable dans la chaleur suffocante de Boston. Mary Pat attend sa fille de dix-sept ans, Jules, qui n'est pas réapparue depuis 48 heures. Tiens, sa disparition remonte à la découverte du corps d'un jeune noir dans le métro, station blanche. Les quartiers de Boston sont bien quadrillés entre les noirs et les blancs, et comme pour les écoles, le mélange est mal vu, mal venu. Il n'engendre qu'inquiétudes et problèmes.

Dennis Lehane me plonge ainsi dans un quartier, South Boston, à la recherche de l'impensable, de l'improbable, un temps électrique, comme un orage venu perturber la canicule de cet été. Un noir laissé pour mort sur les rames d'un métro, une blanche qui a disparu depuis plusieurs jours, coule-t-elle des jours plus tranquilles en Floride, c'est ce que semble ébruiter la rumeur. Et au coeur de cette affaire de bus, de manifestations anti-bus, il y a le portrait de cette femme Mary Pat, qui bougera les codes de la rue pour découvrir la vérité, une sacrée bonne femme dans cet univers masculin, dans ce quartier où il n'est pas bon de montrer ses sentiments. Nul doute que cette histoire, cette femme feraient le début d'un bon scénario de film.

Difficile de croire pour Mary Pat que la disparition de sa fille soit liée à la mort du jeune Auggie, même si sa dernière apparition, aux dires de ses camarades, serait sur ce même quai entre minuit et une heure du matin… Mais en attendant, je prends un verre de whisky, pour l'ambiance irlando-catholique du South, avec Jimmy ou Sully racontant leurs souvenirs avec les Sox. Assis sur le capot de la voiture, je lève les yeux au ciel, le doigt porté sur la lune, pleure la solitude que laisse certaines vies et levant mon verre à sa lueur et sa beauté, écoute profondément… le silence.
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Traduit de l'américain par François Happe

Nous sommes en 1974, aux Etats-Unis.
Un juge fédéral décide, pour lutter contre la ségrégation, de transférer une partie des élèves afro-américains d'un lycée à majorité noire dans un lycée à majorité blanche et inversement.
Cela s'appelle le busing et a réellement existé.
Le racisme est violent, les résidents du quartier blanc ne veulent pas de noirs chez eux. Les habitants du quartier irlandais concerné mettent tout en oeuvre pour éviter ce mélange contre nature ( selon les habitants, pas selon moi ).
Mary Pat est une dure à cuire, un vrai pitbull qui ne lâche pas sa proie. La bagarre ne lui fait pas peur. Aussi, quand sa fille, Julie alias Jules, disparaît, le silence qui enveloppe cette disparition la rend dingue. Elle est prête à tout pour le rompre. Jusqu'où ira-t-elle ?
Les sujets abordés sont nombreux : déségrégation, disparition d'enfant, bandes mafieuses, trafic de drogue, racisme, enquête policière, ripoux. Et ils le sont avec beaucoup de suspense et d'humanité.
Un très bon roman que je conseille.

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6 piges. Il aura pris son temps Mister Lehane pour balancer son dernier noiraud.


Y'a bien un bus jaune sur la couv, mais j'peux vois garantir que c'est pas l'bus magique.


Rangez les clacs-doigts, boules puantes, prouts avec les aisselles et autres farces du fond du car, parce que celui-ci roule pleine balle sur l'image bien proprette de winners que l'Amérique veut se donner.


On est en '74, à Boston et l'oncle Sam épuisé se crame une Malback avec un zippo au napalm, éreinté après une guerre du Vietnam qui a décimé lourd dans les deux camps.


L'été est chaud et les mentalités ne le sont pas moins.. L'administration s'essaye à la  mixologie pour un enseignement plus homogène et melting pot sans layering de pigment cutané. Ils ont pour idée de transférer les blacks dans les lycées blancs et inversement. Mais le cocktail aigre ne passe pas. Cette bonne vieille histoire de l'huile et de l'eau : on se côtoie mais on ne se mélange pas. Et si l'abolition de la traite est loin derrière y'a quand même de vieilles habitudes fetides de racistes qui restent bien accrochées.


Quand t'as été élevée dans une famille chenapans irlandais plus fumé du ciboulot que des saumons à Noël, forcément la castagne tu connais.

C'est le cas de Mary-Pat, faut pas lui chercher des noises à Mary-Pat.


La seule progéniture qui lui reste  c'est Jules, sa greluche de 17 printemps. L'aîné, pas antivax pour un nickel,  jouait de la piquouze

Il a fini par décrocher le 7eme ciel et n'en redescendra plus, bon dieu il avait pourtant réussi à rentrer entier du 'Nam.


Bin miss Jules elle rentre pas de sa bamboche avec les copains. Gueule de bois  à retaper le PIB de la Syrie qui l'arrime dans l'plumard du courtisan du moment ? 


Pas de portable à l' époque donc pas de petit SMS visant réassurance à la kommandantour Irish et même pire : pas de Candy Crush.


Mary-Pat ça lui plaît pas l'affaire. Alors elle se remonte les manches qui manque qu'elle n'a pas sur son Marcel imbibé à la bibine, et elle va m'ner une enquête qui va faire un foin pas possible.


Dans le même temps un jeune black est r'trouvé raide mort dans une stat' de tromé du coin. Infarctus en zieutant le prix du tickson ?

Ca pourrait mais pas si sûr.


J'ai jamais été bon au Cluedo et j'trouve que c'est plus relou qu'une rediff de Christophe Maeé à la radio. Alors j'vous laisse deviner.


J'vous laisse plonger dans ce Boston sectorisé en quartiers blancs et noir bien d'une dichotomie grinçante, z'allez naviguer dans le noir social sans nuance de gris à cause de la ségrégation puante et du racisme latent.


Mais dans la vie rien n'est jamais vraiment si net n'est ce pas ? Eh bien si. Quand on t'as vissé dur dans l'crane des atrocités depuis ton enfance et qu'tu connais pas grand chose de plus que ton quartier, ta réalité c'est celle-ci. C'est un peu l'allégorie de la caverne du sieur Planton en somme.


Mais êtes vous prêts ? Je veux dire prêt genre alerte, tu sais genre le palpitant RÉVEILLÉ, la légère sudation sur l'plafond qui t'dis que t'es opé. Echauffé, attentif d'attaqueet préparé pour une catharsis de derrière les fagots ?


Parce que Lehane le mec connaît son turbin, c'est huilé, simple, pas de cache-misère avec des intrigues retorses et des péripéties de l'excès. Non, ça roule, ça avoine, c'est d'une efficacité surprenante. le début dérouille comme une gauche de boxeur et forcément on se sent un peu ralenti sur une deuxième partie de roman un peu moins intense, mais le drame est lancé, et l'index mouillé s'agite de manière frénétique pour dérouler une intrigue au cordeau qui régale.


J'sais pas si j'en ai trop causé ou pas assez, si vous connaissez pas Lehane, c'est un bon titre pour un premier date. Sinon y'a qu'à voir les chefs d'oeuvre cinématiques que l'inspiration de ce cerveau possédé à engendré.

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Que dire de plus que ce qui a déjà été dit ici et ailleurs? Ça valait la peine d'attendre six ans et d'être patiente avec Dennis Lehane.
Il nous prouve encore une fois qu'il est bon et que sa plume est toujours aussi vive.
Cette fois c'est CE personnage de Mary Pat Fennessey qui vient me chercher, me touche, m'émeut et gagne mon admiration. Oh combien Lehane a su rendre justice à cette femme, cette épouse (deux maris), à cette mère éplorée (deux enfants), cette Mary Pat que rien n'arrête et qui n'a pas froid aux yeux.
Cette femme est au milieu de sa vie, a deux boulots, elle trime dur et en arrache comme presque tous ceux qui vivent dans Southie. Mais surtout, elle veut tellement autre chose pour sa fille, Jules, le seul enfant qui lui reste, son fils étant mort d'une overdose au retour du Vietnam.
Mais voilà que non, le soleil ne brillera pas pour Mary Pat car sa fille disparait.
Et c'est l'époque du busing à Boston où un juge fédéral a décidé, afin de mettre fin à la ségrégation dans les écoles publiques, de transporter par bus (busing) des enfants de quartiers blancs vers des écoles de quartiers plutôt noirs et vice versa. Des quartiers pauvres vers d'autres quartiers pauvres, tels Southie quartier ouvrier à majorité blanche irlandaise et Roxbury à majorité afro américaine.
Vous pouvez deviner que ça ne plaît pas à tout le monde cette histoire là et ça déclenche la haine dans le quartier de Southie.
C'est intense, c'est effervescent et c'est troublant. le contexte social de cette époque est décrit à la perfection avec une économie de mots, sans sensationnalisme mais qui font leur effet.
Puis, un jeune noir est tué.
Puis les questions se posent: Qui a tué ce jeune noir. Pourquoi? Où est Jules? Est-elle encore vivante? Quelque part, quelqu'un sait.
Et devant la disparition de sa fille, Mary Pat fait face au silence. Silence de ceux qui mènent le jeu dans son quartier, silence de ses proches, silence des mafieux locaux qui voient tout et qui savent tout. Silence de ceux en qui elle avait confiance. Silence de ceux qui, pensait-elle, pouvait l'aider. C'est avec hargne, avec hostilité, rage et violence que Mary Pat partira à la recherche de sa fille.
Et j'ai lu ça en retenant ma respiration.
Denis Lehane sait tellement bien raconter et mettre en scène des personnages vrais, crédibles, attachants, touchants. C'est une lecture qui m'a remuée et j'ai poussé un grand oufff en refermant le livre.
Pour les personnages, pour le portrait de ce contexte social, pour la puissance romanesque, le Silence est à lire. Absolument.

PS: Ai-je quand même le droit de dire que je m'ennuie un brin de Kenzie et Gennaro ?


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Ce dernier Dennis Lehane, même s'il n'a pas la force de " Mystic River" ou " Shutter Island" , est plutôt réussi, en tout cas bien meilleur que le décevant "Après la chute".

Si l'on retrouve les thèmes récurrents de l'auteur: des quartiers américains pauvres tenus par la mafia locale, les destins brisés par la violence, le racisme, les conflits sociaux, ce qui fait l'intérêt essentiel de ce livre, c'est le personnage principal , hors du commun: Mary Pat. Irlandaise à l'apparence rude, rudoyée aussi par la vie, semblant toujours en colère. Ne lui reste que sa fille, son rayon de soleil. Obscurci soudain.

Qu'a-t-elle alors à perdre? Comme elle le dit, elle n'est plus qu'un fantôme. Un bras vengeur. Une haine faite femme, mêlée au chagrin. C'est son parcours justicier que nous allons suivre.

L'autre intérêt du roman, c'est ce fait établi à Boston par la loi fédérale du 21 juin 1974, appelé " busing", demandant à ce que des bus d'élèves de quartiers blancs se rendent dans des établissements des quartiers noirs, afin de lutter contre la ségrégation raciale. Ce qui a évidemment suscité de nombreuses réactions d' opposition... C'est le contexte, la toile de fond des drames qui se joueront.

Une lecture puissante, un personnage remarquable, mais trop de cruauté, de sang et de froideur haineuse pour moi.

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Grande maturité de l'écrivain et donc de ce roman que je qualifierais volontiers de cinématographique.

Il est certes rangé dans les romans policiers mais c'est un bon roman en général, un roman où la part historique est généreuse.
L'écriture glisse dès les premiers mots. Les idées de fond nous imprègnent dès les premières phrases. L'histoire est installée dès les premiers chapitres. Dennis Lehane savait où il voulait emporter les lecteurs et il y réussi bien.
Les analyses de la ségrégation raciale, de la vie communautaire irlandaise à Boston, puis du meurtre d'un jeune noir sont immergées dans le quotidien des habitants de cette cité du Commonwealth - actuellement appelé le Massachusetts. Durant cet été 1974, pas question de songer à une mixité sociale ou raciale, tant l'histoire du racisme est encore omniprésente. Une loi antiségrégationniste a beau avoir été promulguée, les esprits n'ont pas pour autant évolués.
Dans ce difficile contexte, Mary Pat Fenessy essaie d'élever sa fille Jules à coup de phrases telles que « Un jour les choses auront un sens ». Dans cette cité des pauvres, elles n'ont quasi rien pour vivre et pourtant cette mère fait tout pour donner un espoir à sa jeune ado. Dès le début on décèle tout ce que les dirigeants ont mal « emmanchés » dans cette histoire d'application de la loi. Ils ont, par exemple, voulu obliger les « noirs » à aller dans les lycées des quartiers des « blancs » et inversement. Bref une politique d'intégration qui pose question et qui ne passerait certainement plus du tout au XXIe siècle.
Mais un jour Mary, qui a déjà perdu son fils alors qu'elle se bataillait pour sortir de sa dépendance à la drogue, voit disparaitre sa fille et apprend que celle-ci était impliquée dans une course poursuite, poursuite qui s'est soldée par la mort d'un jeune noir dans le métro.
Cette forte et digne femme va être plongée dans l'atmosphère de rues qu'on peut qualifier d'en feu. On la suit dans l'enquête qu'elle va mener au milieu de vies profondément désoeuvrées, de trafics et corruptions incessants, d'une pègre que même une ancienne droguée comme elle, ne suspectait pas.

L'histoire est assurément un peu surfaite - et c'est pour cela que je lui trouvais un petit côté cinématographique - mais c'est aussi ce qui fait son charme.
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