Citations sur C'était en mai, un samedi (27)
Ce samedi 2 mai, Iolanda se lève plus tôt qu'à son habitude. Le sommeil n'est pas venu que par courts épisodes : nébuleux, du coton effiloché, entrecoupé d'éclairs de sourde conscience, de pics d'une douleur aigue. La journée est importante, ce sera l'ultime : elle y pense depuis des semaines, hier elle a pris sa décision. une énième fois, l'amoureux de la dernière chance s'est débiné, sans courage, sans vraiment le dire. La goutte d'eau... Fière et comme dans la nacelle d'une montgolfière que le ciel immense attend de dévorer, le regard fixe accroché à un point imaginaire, elle s'apprête à couper un à un les cordages qui empêchent son envol. Consciencieusement , délibérément. Elle quitte le bas monde. Besoin de hauteur, de distance, de silence, de néant.
J'ai tout donné au public, j'ai partagé ma vie, l'ai coupée en mille morceaux, en millions de morceaux, pour que chacun ait sa part,si bien qu'il ne m'en est plus resté pour moi.
Dans les placards qui bordent le long couloir menant à sa chambre, dorment, serrés les uns contre les autres, et désormais éteints, les habits de lumière. C'est une armée de lamés, soies, plumes, fourrures, taffetas, velours et parures. Jadis triomphante et invincible, aujourd'hui vaincue, au bord de se rendre.
(En parlant de son avortement en 1967.)
Il serait beau. Il serait gentil. Je lui aurais donné un prénom d’Italie, le l’aurais aimé plus que tout, et il m’aurait réconciliée avec moi-même. Je n’aurais rien fait de plus grand que lui, rien de plus fort. Que sont les chansons comparées à cet enfant d’Italie, que je n’ai pas laissé vivre ? J’ai diverti le monde entier, des millions de personnes. Une seule m’aurait suffi. Mon fils. Un seul m’aurait attachée à la vie. Un jour, il m’aurait portée en terre et couchée dessous les roses mais au lieu de ses bras, sous la terre je ramperai seule, sous plus de roses que je n’en aurai jamais désiré ; trop de roses, avec leur parfum écœurant, au bout de milliers de mains Une seule rose m’aurait suffi, la sienne, à chaque anniversaire, à chaque Toussaint Que ferais-je de tant et tant de roses ? Sophie, j’ai tout fait par millions, l’unité m’aurait suffi. Je me suis trompée. Je n’ai cessé de me tromper
Des éclats de rire ne sont que des éclats de bonheur, mais pas le bonheur en entier!
Un voyage intérieur si escarpé! Le vrai grand voyage des hommes n'est pas celui qui les mène à la lune mais celui qu'ils doivent entreprendre en eux.
Ils n'ont pas vu les fards dont je recouvrais mes chagrins. On peut sourire, rire, chanter, aimer pour mieux dissimuler ses ombres. J'ai souri, ri, chanté, aimé... Un cache-misère, une couche d'or sur mes ténèbres. Rien de plus. Que du toc, mais j'étais seule à savoir !
Juste au-dessous, en contrebas de la maison haute, Paris s'étend à perte de vue et de souffle, sans sommeil. Il y a longtemps que Iolanda n'a plus le coeur à se pencher sur la ville. Trop de vertige.
Oui, je suis seule. Seule dans la foule. Voilà la maladie qui me tue. Je n'en peux plus de mon lit froid, de la maison désertée, je ne veux plus de ce silence plus bruyant que le vacarme, de ces heures creuses, de cet horizon bouché.
Le vrai grand voyage des hommes n'est pas celui qui les mène à la lune, mais celui qu'ils doivent entreprendre en eux. Il y a en soi plus de territoires mystérieux et de forêts profondes que sur la planète entière...