Lorsque la une du journal local dénonce des actes de pédophilie perpétrés dans son diocèse, Gabrielle de Miremont, pour qui cet article de presse n'est qu'une calomnie, prend contact avec le journaliste qui a pondu ce torchon. Voulant éviter le scandale qui ternira à coup sûr la réputation de sa paroisse, et juste pour de simples "erreurs humaines" isolées, elle demande à parler à Hadrien, la victime qui a osé enfin témoigner après presque 30 ans de silence. Cette rencontre changera tout de sa vie bien calée dans ses convictions religieuses : sa foi inébranlable en prend un sacré coup, Gabrielle ne sait plus si elle doit continuer à croire en ce Dieu qui a permis de telles ignominies ou douter carrément de son existence... Voilà pourquoi le gendarme, venu lui annoncer la mort de son fils, sa plus grande fierté, se retrouve face à une dame complètement apathique, que cette nouvelle dramatique n'ébranle pas : pas de larmes, pas de cris, pas de tremblements, pas la moindre question...
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Je suis la maman du bourreau" est un roman très court mais très intense. Pouvant être malaisant également, puisqu'il y est question de viols d'enfants par des prêtres catholiques. le sujet est loin d'être gai, il dérange beaucoup aussi. Et là où se tient l'originalité de ce petit roman, c'est que le narrateur n'est ni une victime, ni un bourreau, mais la mère dudit bourreau, partagée entre le dégoût de ce qu'il a fait et l'amour maternel qu'elle lui porte.
Gabrielle est une "prout-prout", toujours impeccable, intolérante, issue d'un milieu aisé catholique, et dont la foi inébranlable sera mise à l'épreuve dès la révélation fatidique. La narration bascule de la troisième personne à la première d'un chapitre à un autre, selon que nous sommes dans son carnet or et bleu nuit ou un peu plus près des autres personnages. Nous sommes donc soit au plus près de ses ressentis, soit invités à les percevoir à travers les différents protagonistes ou encore à travers un narrateur extérieur. Et tout ceci nous permet de mieux la cerner, de mieux l'approcher, et de pouvoir compatir à sa situation. Elle est au premier abord une femme sèche, mais qu'on arrive à apprivoiser petit à petit. Gabrielle est en fait une vieille dame touchante, tiraillée, en plein dans le doute au fur et à mesure que toutes ses convictions se font obsolètes. Partagée entre ce fils adoré et ses actes ignominieux, entre la parole de Dieu et celle du Diable, elle ne cesse de se demander où et quand elle a bien pu échouer dans l'éducation de ce fils vénéré, où s'arrête sa faute à elle, elle qui a sorti ce monstre directement de son ventre. Gabrielle nous touche, beaucoup, peut-être plus qu'elle ne devrait d'ailleurs mais c'est ainsi. Son drame devient le nôtre, nous prend aux tripes, et elle sait finalement nous prouver qu'elle n'est pas aussi rigide qu'elle n'y paraît.
C'est le premier livre de
David Lelait-Helo que je lis, auteur que je ne connaissais que de nom et sans trop de curiosité non plus. Je ne pense pas que je me serais arrêtée devant sans le superbe retour de @Yvan_T, que je ne peux que remercier au passage. Je me retrouve une fois de plus face à un livre qui dérange et dont j'ai beaucoup de mal à exprimer mon ressenti... Comment expliquer qu'on a adoré un livre qui traite de pédophilie ? Et pourtant, c'est bien le cas...
L'auteur a su me faire apprécier le personnage de Gabrielle, qui m'aurait sans aucun doute horripilée en temps normal. Il a su la manier, la camper, la travailler justement. Il lui a octroyé des ressentis complexes et contradictoires qui ne nous laissent en rien indifférents.
Mais au-delà de son histoire, l'auteur rend quelque peu justice, à sa manière pourrait-on dire, aux enfants victimes de viol, qui ont osé parler, ou pas encore, ou qui ne parleront jamais. Il ose mettre des mots sur le poids de la honte et de la culpabilité que devraient porter les bourreaux à la place de leurs victimes...
Ce fut une lecture envoûtante aussi bien que malaisante, dramatique, frappante. Je ne peux pas parler de régal vu le sujet abordé, et pourtant je ne peux nier avoir beaucoup aimé.