AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,28

sur 645 notes
Le 27 avril 1986, le monde connaît sa plus grande catastrophe nucléaire du XXème siècle. le coeur du réacteur de la centrale de Tchernobyl, en Ukraine, commence à fondre, provoquant la volatilisation de son circuit de refroidissement. Dès lors, un nuage radioactif se propage et parcourra des milliers de kilomètres sans que personne ne le sache et ne s'en protège. L'on comptera des milliers de victimes tandis que le Kremlin n'évoquera que 2 morts...
Novembre 2007, une association bretonne, les Dessin'acteurs, impliquée dans la lutte contre le nucléaire, a déjà fait un voyage là-bas et veut installer une résidence d'artistes à Tchernobyl. le dessinateur et scénariste Emmanuel Lepage, membre de cette association, décide de se rendre sur les lieux du drame, Volodarka située à une vingtaine de kilomètres de la zone interdite, en compagnie de Gildas, peintre et illustrateur.
Avril 2008, 22 ans jour pour jour après la tragédie, il dépose ses sacs et son matériel de dessin, non sans appréhension...

Emmanuel Lepage nous livre un témoignage bouleversant, tragique mais ô combien nécessaire. Dès son arrivée, il sera surpris par cet environnement post-apocalyptique et évoluera dans des paysages laissés à l'abandon. Au delà de ces zones interdites, il se rendra vite compte qu'il y a encore de la vie et que des gens sont revenus habiter près de la capitale, malgré les dangers encourus. Il dépeint magnifiquement et avec beaucoup de sensibilité cette population ukrainienne, malgré tout pleine de vie. On le suit pas à pas au gré de ces rencontres et de ces paysages qu'il découvre, abasourdi par tant de beauté et par cette nature rayonnante qui semble reprendre ses droits, allant même parfois jusqu'à oublier que ces terres sont irradiées. Utilisant différentes techniques de dessin, que ce soit l'aquarelle ou le crayon, il nous fait ressentir d'autant plus les émotions qui le traversent et nous offre de superbes planches pleines de vie. Un témoignage sincère, bouleversant et poignant...

Un printemps à Tchernobyl... et tout redevient vert...
Commenter  J’apprécie          854
J'admire vraiment Emmanuel Lepage dans ses bandes dessinées reportages. En 2008, il se rend à Tchernobyl, sur les lieux de la catastrophe nucléaire. Il rend superbement compte de la situation du moment, en s'attachant au gens, à l'ambiance, à la psychose que tous ne partagent pas, à la culture locale. Il ne nous propose pas du tout un livre militant, on est ici devant le fait accompli, les enjeux sont laissés de côté pour un récit sur l'humain, sur la nature. le style de dessin en aquarelle transcende le propos, ses commentaires sur les couleurs peuvent sembler déplacés, mais c'est encore plus une histoire de rapport entre la création artistique face au fait historique, et alors, il parvient à rendre Tchernobyl magnifique dans son combat, celui de la nature, et horrible dans sa triste histoire, dans sa désolation. Ce ne sont que quelques représentations de lisières de bois, de routes défoncées, mais c'est un tsunami d'émotions, essentiellement visuelles, mais il raconte aussi tout ce qu'un coup de pinceau peut révéler..
Peut-être bien la meilleure bande dessinée d'Emmanuel Lepage (“La Lune est blanche” est aussi formidable).
Commenter  J’apprécie          410
Un album qui m'a été conseillé par le bibliothécaire me voyant errer dans le rayon BD .
Effectivement c'est remarquable !

Cette histoire raconte le séjour fait par le dessinateur à Tchernobyl pour réaliser un carnet de route, il y accompagnait un collectif d'artistes dont certains avaient déjà fait des séjours en Ukraine

Au début de l'ouvrage, est racontée la catastrophe nucléaire , ses implications locales et mondiales et le traitement médiatique de l'époque.

Nous assistons aux réunions préparatoires des amis , dans une ambiance anti-nucléaire , Emmanuel Lepage y fait part comme certains autres de son appréhension d'aller en zone contaminée, on peut les comprendre , le ravitaillement a apporté sur place s'organise, la nourriture locale, contaminée étant un des points épineux du séjour.

Puis nous suivons le voyage, l'arrivée et l'installation dans le petit village près de la zone interdite, la rencontre avec la population locale, ceux qui sont restés et ceux qui sont revenus, jeunes et vieux, avec des motivations bien différentes : il y a ceux qui ont le coeur ancré dans cette région, ceux qui veulent aider ou témoigner et ceux qui en profitent: les pilleurs.

Les barrières tombent, la vodka aidant le rapprochement, les musiciens fraternisent autour de leur musique ,qui à la guitare ou au bayan .

Le dessin est sombre, sans couleurs , tourmenté, comme l'histoire dramatique de ce bout d'Ukraine avec de temps en temps une touche de couleur, le visage d'une jolie interprète, un panneau de radio-activité.

Les angoisses de chacun , lorsque se déroulent les visites dans les zones réglementées, s'expriment de façon différente , un tel se déplace avec son dosimètre, Emmanuel avec masque et sacs plastiques autour des chaussures ou attitude provocatrice des jeunes du coin …

La ville de Pripiat , les villages abandonnés et pillés , les véhicules abandonnés donnent une vision post-apocalyptique que retranscrit bien le crayon noir de l'artiste.

Et puis au détour d'un sentier, la nature reprend ses droits, la couleur s'impose , éclatante, lumineuse, la palette d'Emmanuel s'illumine d'elle-même à la surprise presque choquée du dessinateur .

Les enfants avec leurs rires, leurs jeux ,arrivent , les bras chargés de jonquilles, bousculant les habitudes un peu feutrées , comme si chacun s'évertuait à ne marcher que sur la pointe des pieds.

Le décor se transforme et le constat est bien éloigné de celui prévisible au départ de désolation et ravages.

Et l'inconcevable se produit: un pique-nique en zone contaminée, la joie de vivre et la nature qui reprend ses droits , fière et sauvage.
La vie s'impose et continue.

Une lecture époustouflante et très émouvante.
Commenter  J’apprécie          412
Après Voyage aux îles de la Désolation, je continue ma découverte d'Emmanuel Lepage par ce livre.
Je m'attendais à rencontrer des hommes, des enfants ou des animaux déformés, cadavériques et vivant dans la misère, et tout en commençant le livre, je me rendais compte à quel point, même si la catastrophe de Tchernobyl est tristement célèbre, on ne sait rien par les médias de ce qui se passe aujourd'hui dans la zone irradiée et dans ses alentours, ni à quoi elle ressemble maintenant. Elle est comme un trou noir sur Terre bannie de la vie.
En 2008, Emmanuel Lepage s'engage, en tant que membre de l'association Dessin'Acteurs, à partir deux semaines sur place au sein d'un groupe d'activistes et de rapporter les dessins de ce qu'il y aura vu. Il pèse bien sûr les dangers, le risque de radiation bien sûr, et prend soin de se protéger autant que possible.
Ils vivent ainsi quelques semaines dans une maison abandonnée et nettoyée et rencontrent ceux du village, qui sont restés ou revenus, s'approchent du site, visitent.
Le témoignage qu'en ramène Lepage est tout aussi surprenant pour moi qu'il l'a été pour lui. Si la découverte de Pripriat, ville nouvelle, moderne en 1986 et totalement abandonnée ensuite, apocalyptique avec ses immenses avenues vides, ses manèges désertés et abîmés par les intempéries et l'atmosphère inquiétant qui y rôde - chargée en radiations, le temps presses - les forêts au contraire sont vertes, lumineuses, luxuriantes, une rivière s'y écoule paisiblement, des animaux sauvages s'y promènent. Tout cela n'est qu'apparence: hors de question de s'asseoir dans l'herbe, de ramasser tout crayon qui y tombe, de toucher les branches des doigts. La nature est dangereuse.
Aux frontières de cette zone interdite, toute une faune humaine s'arrange, parfois irrésistiblement attirée par ce monde abandonné, venant y piller aussi, démembrer les habitations, récupérer du matériel - revendu en Europe!- .
Le groupe y récolte témoignages et portraits de ceux qui se sont adaptés. Pourtant, difficile de ne pas penser que tous ces enfants qui rient et s'amusent joyeusement sont contaminés, seront malades tôt ou tard et condamnés.

Les illustrations sont belles bien sûr, effrayantes ou lumineuses. Lepage semble revenir de ce voyage déconcerté par ce qu'il ramène, ces images parfois banales qui cachent la monstruosité derrière la beauté.
Commenter  J’apprécie          380
Après bien des hésitations, un problème de santé handicapant pour son travail de dessinateur, Emmanuel Lepage part finalement à Tchernobyl en 2008, sur les lieux de la catastrophe d'avril 1986. Cet album est un carnet de voyage de ce qu'il y a vu et ressenti, de ses échanges avec les personnes rencontrées.

L'auteur rappelle en texte et en image l'accident nucléaire, les heures et jours qui ont suivi, la panique, le chaos, le travail des "liquidateurs" (de 500 à 800 000 hommes en action), la population évacuée trop tard, les gens revenus vivre en zone interdite, les décès, les cancers à venir, la débâcle économique pour toute une région… Cela, je "connaissais" via quelques ouvrages (cf. 'La supplication', 'Fukushima', 'Tchernobyl, la zone'.. ). Ce qui n'empêche pas, à chaque nouvelle lecture, la sidération, l'horreur, la révolte et, plus égoïstement, la peur.

Ce qui frappe dans cet album (et les extraits choisis par les lecteurs en témoignent) : le triomphe de la vie - la vie végétale et animale dans cet environnement dévasté et toujours très toxique, la survie et la réorganisation des populations restées sur place, leur optimisme malgré les morts. D'ailleurs, cela surprend l'auteur lui-même et semble le mettre mal à l'aise, cet optimisme qu'il exprime dans son graphisme, notamment par des couleurs éclatantes : "Je suis ici pour montrer l'horreur et je fais des dessins pleins de couleurs !".

Un album-documentaire brillant, sincère, important, forcément instructif et forcément glaçant.
Commenter  J’apprécie          370
Je découvre cet album 10 ans après sa parution mais je crois qu'il fait partie des ouvrages qui ne seront jamais dépassés. La catastrophe de Tchernobyl reste marquée dans les consciences et agit encore comme l'épouvantail par excellence pour les anti nucléaire. Emmanuel Lepage ne cache rien du drame et en rappelle toute la violence et les mensonges assassins qui l'ont entourée. Pourtant ce qui m'a touchée dans ses dessins et son texte c'est la sincérité de son étonnement devant ce qu'il découvre lors de son expédition . de fait une nature" éclatante" s'offre à lui et il prend conscience ,dessin après dessin qu'il est entrain de rendre compte de bien autre chose que ce dont il était mandaté par son association qui attendait un témoignage accablant sur ce drame nucléaire. Il s'interroge sur la véracité de ce qu'il voit sur ce que cela signifie, sur le danger camouflé par cette nature presque arrogante...mais son choix est celui de l'honnêteté et surtout il a fait des rencontres, a partagé des moments magnifiques avec la population des alentours de la zone. Des regards et des sourires inoubliables. Alors oui, cet album parle du monstre et de sa cruauté implacable,mais il rend hommage aussi à la vie , à l'amitié et à l'espoir. Magnifique !
Commenter  J’apprécie          351
« Je croyais me frotter au danger, à la mort... et la vie s'impose à moi. Gildas, tu crois qu'on peut dire « Tchernobyl, c'est beau ? » Je sens confusément l'ambiguïté de ces mots collés l'un à l'autre. Pourtant c'est ce que me souffle mon dessin. La mort a ce visage ? Ça ne colle pas. On ne m'a pas envoyé ici pour revenir avec ça ! » Nous sommes en 2008 lorsque l'illustrateur Emmanuel Lepage se voit proposé de participer à une expérience unique : résider plusieurs semaines à Tchernobyl afin de réaliser, en collaboration avec un autre artiste, un album dont les droits seront reversés à une association venant en aide aux enfants contaminés. de ce voyage bouleversant, Lepage et Gildas reviendront avec un carnet de voyage publié la même année sous le titre « Les fleurs de Tchernobyl » (Les Dessin'acteurs). Quatre ans plus tard, l'artiste signe un nouveau roman graphique dans lequel il retrace sous la forme d'un documentaire son expérience à Tchernobyl, et les impressions qu'il en a gardé. Or, comme le prouve la citation qui ouvre cet article, rien ne l'avait préparé à ce qu'il allait vivre là-bas. Des paysages dévastés, des ruines, les témoignages de vies brisées, oui. Mais la beauté de la forêt qui renaît, cette débauche de couleurs, cette faune et cette flore qui prospèrent, et ces habitants pleins de vie, cela non, certainement pas. On retrouve ici le même principe déjà utilisé par Lepage dans « Voyage aux îles de la désolation » (et plus tard dans « La lune est blanche ») et le résultat est aussi stupéfiant, que ce soit au niveau des graphismes que du scénario. Pendant cent cinquante pages, le lecteur est ainsi invité à suivre l'ensemble du parcours de l'artiste, de ses préparatifs à son séjour, et découvre par ses yeux l'ampleur de l'accident et ce qu'est devenue la zone près de trente ans après les faits.

L'ouvrage commence par un rappel clair et concis de la catastrophe et de ses conséquences. le 26 avril 1986, la centrale nucléaire de Tchernobyl fait la une de toute la presse : le coeur d'un des réacteurs a commencé à fondre, et un second serait en fusion. Un nuage radioactif se forme alors, et parcourt des milliers de kilomètres sans que personne ne le sache ou ne puisse s'en protéger. En France, médias et politiques cherchent par tous les moyens à rassurer la population : « nous n'avons rien à craindre ! » Pendant des jours, des experts défilent pour expliquer à grand renfort de cartes que le nuage aurait épargné la France (les autorités admettront plus tard qu'environ un tiers du territoire aurait été exposé), tandis que se succèdent reportages et interviews visant à prouver que les centrales françaises sont totalement fiables (alors que celle de Tchernobyl est au contraire présentée comme vétuste). Mais qu'en est-il des gens sur place ? Quelles sont les conséquences pour ceux qui travaillaient à la centrale ? Et pour leur famille ? Et pour tous ces villes et villages à proximité ? Les chiffres parlent d'eux-mêmes : plus de 350 000 personnes auraient été évacuées de la zone contaminée et certaines ONG avancent le chiffre de 25 000 à 100 000 décès causés directement par la radio-exposition (contre seulement 4000 selon le rapport rédigé par l'OMS...) Parmi les premières victimes, on trouve évidemment les employés de la centrale, mais aussi les pompiers de la ville, qui se sont battus pendant des jours contre l'incendie (et qui mourront tous quelques jours plus tard), ainsi que les liquidateurs (entre 500 000 et 800 000 personnes) qui se virent confier la construction du sarcophage censé contenir la contamination.

Voilà pour les conséquences immédiates. Et puis il y a celles à long terme, notamment dans le domaine sanitaire : ces cancers qui se développent, ces enfants qui naissent mal formés ou succombent à un nombre incalculable de maladies... Cet aspect plane évidemment sur l'ensemble de l'album de Lepage, qui commence d'ailleurs son récit par des extraits bouleversants de « La Supplication », un essai signé par la journaliste Svetlana Aleksievitch qui a interrogé plus de cinq cents témoins de l'accident qui racontent leur calvaire et les pertes qu'ils ont subi. Les conséquences de la catastrophe ne se limitent toutefois pas aux morts et aux malades, et c'est là l'une des forces de l'ouvrage qui permet justement d'appréhender l'événement sous toutes ses facettes : « A l'évocation d'une catastrophe nucléaire, on pense tout de suite aux effets de la radiation : hommes brûlés, enfants difformes, monstres... Elle évoque parfois la contamination, ces infimes doses de radionucléides qui, absorbées chaque jour, détraquent peu à peu l'organisme et tuent.Mais une catastrophe nucléaire, c'est aussi toute l'économie d'une vaste région qui s'effondre. » Au fil de son périple, Lepage dessine les villes abandonnées, les coopératives laissées à l'abandon, et dresse ainsi le portrait d'une région fantôme, où tout fut possible et tout fut perdu. Autour de la centrale, c'est ainsi une zone d'une trentaine de kilomètres qui a été évacuée et qui demeure sous surveillance des autorités depuis plus de trente ans. Masques, gants en latex, décontamination, militaires en treillis... : tout laisse entendre que la situation est désormais sous contrôle. « Une apparence d'autorité et de force, alors que tout échappe à l'homme. »

Mais l'album est bien plus qu'un simple portrait de la catastrophe et de ses conséquences à long terme. Ce qui touche avant tout le lecteur et le prend vraiment aux tripes, ce sont les émotions qui ont traversé l'auteur sur place et qu'il restitue ici au profit du lecteur. Loin de se limiter à un une errance glauque dans une région en ruine, le voyage de l'auteur est aussi faite d'une multitude de rencontres qui nous permettent de mieux comprendre l'état d'esprit de ceux qui grandissent et vivent à proximité de la zone. Or, là encore, rien n'est conforme à ce qu'on pouvait attendre. Bien sûr, le spectre de la catastrophe et des morts qu'elle a causé rode encore partout, mais ce sur quoi les dessins de Lepage mettent l'accent ce ne sont pas les difformités ou la maladie, mais les sourires, la générosité dont font preuve les habitants, et surtout leur relation à cette zone interdite à laquelle certains souhaitent se confronter. L'artiste nous décrit également par le menu les doutes qui l'ont traversé, et les interrogations auxquelles il lui a fallu répondre avant d'accepter de participer à ce périple. Il y a bien sûr les réactions de ses proches, puis l'apparition de problèmes psychosomatiques juste avant son départ, et enfin, une fois sur place, la menace de la contamination qui plane en permanence, amplifiée par le tic-tac du dosimètre mesurant la radioactivité ambiante. A Tchernobyl, le danger est partout : « il peut y avoir des zones « propres » à l'intérieur de la zone interdite, comme il peut y encore de « sales » à l'extérieur. D'un champ à l'autre la terre peut être contaminée, ou non. » Les premières sorties des artistes sont d'ailleurs assez conformes à ce qu'on pouvait attendre : des ruines, des habitations et véhicules abandonnées, des signes de départ précipité, et puis cette immense centrale à l'abandon. Mais à ces visions apocalyptiques succèdent en fin d'album celles de paysages magnifiques, d'une forêt pleine de couleurs et des animaux qui s'ébattent. Comme dans tous ses autres ouvrages, l'auteur fait preuve d'une grande sensibilité et offre à ses lecteurs des passages très intenses qui continuent de bouleverser longtemps après la dernière page refermée.

Emmanuel Lepage nous livre ici un portrait ambivalent et déroutant de Tchernobyl aujourd'hui, et de l'expérience exceptionnelle qu'il y a vécu aux côtés d'autres artistes et journalistes. D'une grande sensibilité, le texte est aussi émouvant à lire que les dessins beaux à regarder, et j'ai retrouvé lors de ma lecture la même intensité que lors de ma découverte de ses voyages en Antarctique. Une oeuvre magnifique, à lire absolument.
Commenter  J’apprécie          300
En exergue :
"Car le beau n'est rien que ce commencement
du Terrible que nous supportons encore, et si nous l'admirons,
c'est qu'il dédaigne, indifférent, de nous détruire.
Tout ange est terrifiant."
R. M. Rilke ( Les Elégies de Duino)

La plupart des choses que l'on peut écrire sur ce reportage graphique apparait dans les commentaires lus sur le site. En 2008, donc, Emmanuel Lepage et Gildas Chasseboeuf ont été contactés pour participer à un projet artistique , en tant qu"acteurs dessins " . Résider dans une maison à une vingtaine de kilomètres de la zone interdite . Interdite.. sauf à ceux qui y travaillent toujours à nettoyer et tenter d'isoler, comme en témoigne un reportage russe. ( en lien)
Ils ont fait paraître tous les deux en 2012 un album de dessins intitulé Les fleurs de Tchernobyl , et une exposition a été organisée au profit de l'association les enfants de Tchernobyl.

Là, Emmanuel Lepage reprend ses dessins et revient sur le récit et la genèse du projet, du voyage et du séjour. Avec ses peurs au départ. Qui se somatisent chez lui par une lésion neurologique qui provoque une telle douleur qu'il pense ne plus pouvoir dessiner, et qui disparaîtra subitement une fois sur place. Dans le voyage en train, il lit La supplication de Svetlana Alexievitch ..
Le récit revient sur la catastrophe elle-même, son traitement par les pouvoirs divers et les médias, ce fameux nuage bien respectueux des frontières vingt ans après.
La plupart des images sont en noir et blanc, gris, un peu de sépia, elles sont magnifiques et effrayantes. Au fur et à mesure qu'il va constater que la vie subsiste, partout, les couleurs de l'aquarelliste vont apparaître.
Toutes les planches sont vraiment splendides, et après avoir beaucoup aimé également celles de son Voyage aux îles de la désolation, j'admire de plus en plus cet artiste.
Deux choses m'ont semblé importantes dans la progression du récit , du constat. D'abord il fait bien comprendre à quel point cette radioactivité qu'on ne peut que mesurer est un danger très difficile à reconnaître de façon concrète. C'est cette abstraction qui est le plus grand danger, car, au fil des jours, finalement on oublie. On en a su très vite les conséquences à l'époque, mais en 2008, seul le compteur qui ne les quitte pas lors de leurs avancées en témoigne .
Et puis.. Emmanuel Lepage, comme dans l'album précédent parle beaucoup de ses propres impressions . Et de certains endroits, du séjour, des gens qu'il y a côtoyés ( dont la population locale qui n'est pas partie entièrement) , il ne retient finalement que la vie qui se redéveloppe sur ce monde d'après. Il s'est laissé surprendre par la vie, dit-il, la vie dans ce printemps de Tchernobyl, au point de se coucher dans l'herbe très contaminée , lors d'une incursion illégale dans la zone interdite, de se laisser «  duper par les apparences". Ce qui le réfléchir sur cette réalité qu'on ne voit pas, qu'on ne sent pas. Mais qui existe. Et cette réalité-là, , c'est bien l'homme qui l'a créée..

Lien : http://lavigue.blogspot.com/..
Commenter  J’apprécie          280
20 ans après la tragédie de Tchernobyl, une association anti nucléaire décide d'envoyer sur place des artistes pour témoigner.
Emmanuel Lepage a eu la volonté et surtout le courage de participer à cette expérience et nous livre un témoignage absolument bouleversant sur cette résidence d'artistes hors du commun.
Ses dessins rendent compte de ce qu'il a vu mais aussi de ce qu'il n'a pas vu. Il croyait trouver la mort, mais il a aussi trouvé la vie. Il croyait trouver la désolation, mais il a aussi vu la nature qui reprenait ses droits. Il croyait avoir besoin de ses crayons noirs et gris, mais il s'est aussi trouvé face à une explosion de couleurs.
Il s'est également attaché aux habitants qui vivent en limite de la zone, comme en témoignent les magnifiques portraits croqués tout au long de l'album, ainsi que les dessins d'enfants à la fin du livre.
Ce témoignage d'une exceptionnelle intensité, notamment dans les passages où il pénètre dans la zone interdite et doit surveiller chaque geste les yeux rivés sur son dosimètre, est servi par des dessins absolument sublimes.
Je crois n'avoir jamais eu entre les mains un album aussi beau, dans lequel les dessins me touchaient autant.
Merci à Emmanuel Lepage d'avoir mis son talent au service de ce récit qui fait réfléchir.
Commenter  J’apprécie          250
Tic-Tic…C'est le bruit de la mort…Tic-Tic…Celle qui sommeille…Tic-Tic…Ou celui de la vie qui se débat…Tic-Tic…Un dosimètre pour seul repère…Tic-Tic…Peut-il mesurer cette beauté tragique?…Tic-Tic…Un instant fugace et magique à saisir d'un coup de crayon…Tic-Tic-Tic…Nous sommes à Tchernobyl. Il est temps. Fuyons!

Avec cette bd-docu engagée, véritable carnet de bord de « l'après », Emmanuel Lepage se dresse au même rang qu'un journaliste de guerre ou qu'un croquiste des tranchées. Nulle balle sifflante, le danger radioactif est invisible. Au delà des outils technologiques, la tension se mesure aux nombres de Check-points, de panneaux avertisseurs de danger mais surtout à ces paysages de désolation. Mais un dessinateur se doit d'aller plus loin que les apparences et soulever la couche des à-priori pour exprimer une réalité enfouie sous les gravats et la noirceur. Car contre toute attente, en ce printemps à Tchernobyl, la vie fourmille et la nature sans homme reprend ses droits. Non loin, les rescapés et leurs descendants s'animent, chantent, jouent malgré des souvenirs douloureux et un danger permanent. Là-bas, être un homme, c'est aller dans la zone non masqué.
Un artiste peut-il saisir la vie dans la mort? Il faut croire que oui au vue de ces planches magnifiques, en aquarelle et en pastel gras, riches en détails ou estompées, en explosions de couleurs ou teintées de noir ou de gris. Et on retient pour finir, avec une grande émotion, les croquis colorés des habitants, les visages de Tchernobyl aujourd'hui. Saisissant!
Commenter  J’apprécie          182




Lecteurs (1143) Voir plus



Quiz Voir plus

Le voyages d'Ulysse (en coulisses)

Comment s'appelle le personnage principal du livre ?

Jules
Salomé
Athénaïs
Ammôn

5 questions
7 lecteurs ont répondu
Thème : Les voyages d'Ulysse de Emmanuel LepageCréer un quiz sur ce livre

{* *}