Dessiner, c'est essayer de rendre visible ce qui ne se voit pas.
Vivre, c'est prendre le risque de mourir.
Selon l'OMS, cinq millions de personnes seraient aujourd'hui contaminés par les radionucléides, trois millions d'enfants devraient suivre des traitements médicaux durant toute leur vie, 270000 personnes vivraient dans des zones "strictement contrôlées" et 4000 seraient décédées suite à la radio exposition.
Ce dernier chiffre est très contesté par de nombreuses organisations non gouvernementales, d'autant que les liens malsains unissant l'OMS et l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique (AIEA) au sein de l'ONU jettent la suspicion sur sa validité.
Ces organisations non gouvernementales avancent plutôt le chiffre de 25000 à 100000 morts. Sans compter les cancers qui feraient au moins 500000 victimes dans les années à venir.
Début 2010, l'académie des sciences de New-York affirme que la pollution durable due à l'accident a provoqué la mort, sur toute la planète, de près d'un million de personnes entre 1986 et 2004.
Vassia est de ceux qui ont pris parfois les morceaux de graphite à pleines mains pour les jeter dans la gueule béante du réacteur.
Et les autres qui étaient sur le toit avec vous. Que sont-ils devenus ?
Tous sont morts d'un cancer entre 45 et 60 ans.
... Et sur vous quels sont les effets des radiations ?
Avec les radiations, on ne sait jamais. Mais j'ai l'impression de vivre sur une grenade dégoupillée.
En dessinant ces maisons détruites, je ressens la même fascination romantique que le XIXème siècle a eue pour la peinture de ruines. Mais à Tchernobyl, la culpabilité s'en mêle.
« Éclatante beauté des lieux »? L’expression n’est-elle pas inappropriée, inconvenante pour parler de Tchernobyl? Éclatante beauté? Mais…Je suis mandaté par une association pour témoigner de la catastrophe…Éclatante beauté?…Je croyais me frotter au danger, à la mort…Et la vie s’impose à moi.
Partout des tenues kaki, des treillis...une apparence d'autorité, et de force, alors que tout échappe à l'homme.
Car le beau n'est rien que ce commencement du Terrible que nous supportons encore, et si nous l'admirons, c'est qu'il dédaigne, indifférent, de nous détruire. Tout ange est terrifiant. R. M. Rilke Les Elégies de Duino (citée en début de la BD)
Nous fuyons la zone. Sains et saufs? Nous n’en savons rien.
Bober est hors de la zone interdite, mais la contamination s’est faite au gré des vents et des pluies sous forme de ‘taches de léopard’. Il peut y avoir des zones ‘propres’ à l’intérieur de la zone interdite, comme il peut y avoir des zones ‘sales’ à l’extérieur. D’un champ à l’autre, la terre peut être contaminée… ou non. On peut donc trouver une pomme de terre ‘propre’ à coté d’une pomme de terre ‘sale’, éloignées de quelques mètres, mais les retrouver toutes les deux au marché.
(p. 89)