« J'ai pensé à cette phrase de Didier Lefèvre, dans son livre « Le photographe » : Mieux photographier, c'est s'améliorer humainement. J'ai déposé mon appareil. »
Ce qui est étrange avec le voyage, c'est qu'on ne comprend qu'après - et encore pas toujours - ce qu'on est allé chercher.
Il y a quelque chose à saisir en ce lieu et je me sens impuissant à le traduire. Le vent s’est levé.
- Je crois que si on met des gens sur les îles, il faut leur donner les moyens de vivre normalement. Ce choix, pour moi, est radical. Plus politique que scientifique.
- Politique ?
- Il y a, je crois, au fond, une nostalgie d’un état originel. On a fait des erreurs au cours des décennies passées en introduisant des espèces étrangères. Comme les chats, par exemple, pour éradiquer les rats amenés par les navires au fil des siècles. Les chats, en fait, ont trouvé bien plus facile de manger les poussins et les œufs des pétrels ! On a introduit dans les années 50 la myxomatose pour tuer les lapins, qui sont les plus grands responsables de la dégradation des îles. Ils sont progressivement devenus résistants au virus… Bref, la liste est longue des tentatives ratées ! Pour moi, il y a quelque chose de très « catho » dans ce choix de supprimer radicalement les serres : en gros, l’homme a fauté en introduisant des espèces étrangères, il lui faut encore expier par la privation !
J’envie ces hivernants qui sillonnent cette île pas après pas, jour après jour. Qu’apprennent-ils de l’île, qu’apprennent-ils des autres, qu’apprennent-ils d’eux-mêmes ?
Ce qui est étrange avec le voyage c’est qu’on ne comprend qu’après - et encore pas toujours - ce qu’on est allé chercher.
Le Marion vient de franchir la ligne de convergence des eaux chaudes de l’océan indien et celles, glacées, de l’océan antarctique. De bleu outremer la mer est devenue gris de Payne. Métallique. Le brouillard nous enveloppe et nous engloutit.
Dessiner, c'est ma façon d'être au monde.
Peu à peu, nous prenons la mesure de l’infini qui nous entoure. De notre vulnérabilité. Nous sommes seuls. Plus de retour possible, plus de portable, plus d’internet. Plus rien de ce qui, aujourd’hui, régit notre quotidien et nous rassure n’existe ici. Les Terres australes seraient comme la promesse d’un temps qui n’est plus. Et le voyage une nostalgie
Je suis sur la lune. Un univers minéral battu par les vents. Je sens cette force tellurique sous mes pieds. Une mousse spongieuse tente de s'accrocher à une roche noire, tranchante. Glissante. Le froid, la pluie horizontale. J'essaie de croquer le glacier, tache turquoise enchâssée dans des camaïeux d'ocres, de bruns et de noirs. Le papier est détrempé, se gondole, se plie, sous les bourrasques. Le crayon accroche à peine...