Citations sur Chemins (37)
A Country,Martin et moi étions souvent ensemble. (...)Ses nuits étaient courtes, il écrivait aussi des textes politiques que nous lui refusions la plupart du temps, trop bavards, trop romantiques, trop naïfs, ajoutait Simon.Je lui confiais en cachette que je les aimais, ses textes, ils étaient empreints de ce qui me plaisait dans nos projets, leur côté esthétique, la société harmonieuse et libre que nous voulions.Ses grands- parents avaient fui le fascisme dans les années vingt et il semblait porter cet exil comme un héritage douloureux. Le souvenir de sa silhouette fragile m'évoquait soudain Didier, le personnage des " Hauts - Quartiers " de Paul Gadenne, la même soif d'une grandeur impossible.
( p.23)
On ne sait quel sens donner à certains souvenirs tant leur violence, parfois, marque le temps.
Colette m'a demandé ce que je faisais lorsque je ne voyageais pas, j'ai répondu que je pensais au prochain voyage. (P95)
« Ce sont des nuits où la mémoire me promène dans plusieurs temps, le monde onirique des nuits radiophoniques, une croisière dans la vie des hommes. Je ne voyage jamais sans ma radio. »
Je lis assise près de la fenêtre qui donne sur le jardin sévère de mon père, il est un peu flou derrière les rideaux à volants.J'aime follement les horizons chahuteurs de Vialatte, ils transforment la traversée des jours ordinaires en joyeuses péripéties, en questionnements salvateurs, et mettent la pagaille dans l'alignement des espaliers.C'est brillant, féroce et plein d'humour, parfois d'une singulière gravité. Parfois même, je m'interromps, entraînée au-delà des barrières du Jardin par cette écriture dont la liberté me fascine.
( p.80)
Lorsque la photographie de mon père est apparue sur sa table de nuit , je n’ai posé aucune question, je pensais qu’elle avait sans doute besoin de lui pour poursuivre un chemin, celui qu’ils n’avaient jamais trouvé ensemble. C’est sans doute ce même chemin sur lequel ils m’accompagnent.
J'ai soulevé le chien dans mes bras, il était lourd, chaud, je le serrais en enfouissant mon visage dans sa fourrure, dans cet état d'exaltation qui parfois me transporte au-dessus des mots que je ne trouve pas pour exprimer ces moments radieux où le corps exulte, où il n'est plus dans la retenue, l'apparence, où une joie secrète se déploie dans le silence' il n'y a pas de mots pour ces instants-là. (P94)
Il y avait plusieurs mois que je n'étais pas montée dans ce train qui, dès la sortie de la ville, se faufile dans une campagne douce et calme que je voyais sans doute pour la dernière fois. Je connaissais toutes les gares qui jalonnaient ce parcours et me les récitais comme une sorte de refrain qui reste en mémoire parce qu'il ouvre des horizons perdus.
Il s'était laissé vieillir en paix d'une bourgade à l'autre, d'un paysage à un autre, sans point d'attache, comme s'il avait décidé que la mort n'avait qu'à lui courir après si elle voulait l'atteindre. Elle avait couru longtemps avant de le rattraper.
Mais je savais fort bien, tout comme encore enfant je l'avais pressenti dans la maison du Pommier, que la vie était ainsi, pleine de dangers, mais aussi de moments radieux qu'il fallait savourer comme tels. Avec le temps, ces souvenirs avaient perdu de leur violence, ils ne conservaient que la lumière des instants de bonheur.
p 48