Citations sur Chemins (37)
Mais je savais fort bien, tout comme encore enfant je l'avais pressenti dans la maison du Pommier, que la vie était ainsi, pleine de dangers, mais aussi de moments radieux qu'il fallait savourer comme tels. Avec le temps, ces souvenirs avaient perdu de leur violence, ils ne conservaient que la lumière des instants de bonheur.
p 48
A Country,Martin et moi étions souvent ensemble. (...)Ses nuits étaient courtes, il écrivait aussi des textes politiques que nous lui refusions la plupart du temps, trop bavards, trop romantiques, trop naïfs, ajoutait Simon.Je lui confiais en cachette que je les aimais, ses textes, ils étaient empreints de ce qui me plaisait dans nos projets, leur côté esthétique, la société harmonieuse et libre que nous voulions.Ses grands- parents avaient fui le fascisme dans les années vingt et il semblait porter cet exil comme un héritage douloureux. Le souvenir de sa silhouette fragile m'évoquait soudain Didier, le personnage des " Hauts - Quartiers " de Paul Gadenne, la même soif d'une grandeur impossible.
( p.23)
Je ne pensais pas qu'il mentait, ce qu'il inventait de sa vie me touchait parce qu'il me le donnait, c'était peut-être ce qu'il y avait de plus intime en lui, et j'aimais qu'il me le confie.J'ai ajouté que les rêves sont aussi ce que nous sommes, même si cela ne se voit pas. (...)
Je pensais à mon père vantant l'art de vivre de Murger, auquel il avait sans doute renoncé mais qui pourtant l'avait habité toute sa vie, comme un rêve impossible et nécessaire.
( p.64)
Ce jardin me parlait de ça, de ce qui se transforme, de ce qui se perd, de ce qui manque sans que nous y prêtions attention, ou alors trop tard.
( p.74)
J'allais choisir des chemins de traverse, vite.Dans le jardin que le chien et moi avions dévergondé, je revoyais dévaler la rue en pente après avoir franchi la barrière du pensionnat, quitter la blouse obligatoire, la fourrer dans mon sac, courir jusqu'au bar où le juxe- box ne diffusait que du jazz, et où la vie ne me paraissait possible que buissonnière.
( p.92)
Mathilde ( la grand-mère) , tout d'abord, un peu tragédienne dans sa beauté majestueuse.(...)
Une sorte de gravité l' habitait parfois, ses migraines spectaculaires remplaçaient peut-être les mots impossibles à dire.
( p.108)
J'ai acheté un journal et découvert la mort d'un écrivain qui m'était cher. La tristesse s'est abattue sur moi, je n'avais pas encore lu son dernier livre alors qu'il était un de mes quelques auteurs contemporains auxquels j'étais d'une fidélité sans faille depuis " La Pluie à Rethel"Je voyais sa silhouette, longue et mince.Je me souvenais de " Il est minuit depuis toujours", et j'ai pensé que la nuit dans laquelle il venait de s'endormir lui était familière depuis longtemps.
( p.126)
Je lis assise près de la fenêtre qui donne sur le jardin sévère de mon père, il est un peu flou derrière les rideaux à volants.J'aime follement les horizons chahuteurs de Vialatte, ils transforment la traversée des jours ordinaires en joyeuses péripéties, en questionnements salvateurs, et mettent la pagaille dans l'alignement des espaliers.C'est brillant, féroce et plein d'humour, parfois d'une singulière gravité. Parfois même, je m'interromps, entraînée au-delà des barrières du Jardin par cette écriture dont la liberté me fascine.
( p.80)
J’ai trois ans. Un homme qui me paraît immense entre dans la minuscule cuisine de l’appartement rue du Souci à Poitiers, me prend dans ses bras, je ne l’ai jamais vu. Ma mère me demande de l’appeler papa. C’est mon père.
« Ce sont des nuits où la mémoire me promène dans plusieurs temps, le monde onirique des nuits radiophoniques, une croisière dans la vie des hommes. Je ne voyage jamais sans ma radio. »