AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,23

sur 55 notes
5
5 avis
4
3 avis
3
2 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
À l'heure du déchirement, de l'entre-déchirement, à l'heure des exactions, des entre-exactions, à l'heure de la haine absolue, et apparemment inextinguible, à l'heure du « tu m'as fait mal, donc je te refais encore plus mal », à l'heure où l'abomination ne semble désormais plus vouloir se contenir dans des limites humaines mais franchir allègrement le mur fortifié de l'inhumanité, j'ai jugé bon de mettre à l'affiche une oeuvre qui nous présente des personnages juifs — du temps où le mot " juif " évoquait les gens du livre et de la sagesse —, des personnages musulmans — du temps où le mot " musulman " évoquait la grandeur d'âme —, et même des personnages chrétiens — du temps où le mot " chrétien " évoquait le courage et l'absence de cupidité.

En effet, une de mes amies — allemande de naissance, française de coeur — me fit découvrir, il y a une dizaine d'années, ce sublime Nathan le Sage, une pièce et un auteur dont je n'avais jamais entendu parler auparavant. Et je l'en remercie encore chaleureusement — et bien plus encore — car je n'ai vraiment pas été déçue par cette oeuvre, que je trouve, en tout point, EXCEPTIONNELLE.

Gotthold Lessing, auteur du XVIIIème siècle, émule des lumières, nous offre un très bel hymne à la tolérance interconfessionnelle, qui est, aujourd'hui plus que jamais, totalement d'actualité et d'une modernité surprenante. Il choisit pour décor de sa pièce l'incontournable Jérusalem et pour époque, la troisième croisade en Terre Sainte pendant le Moyen-Âge.

Nathan est un juif, riche commerçant international, fort apprécié dans sa ville, réputé pour sa grande sagesse, sa finesse de vue et son savoir-vivre. Durant son absence, lors d'un voyage d'affaire, sa fille Recha a été sauvée des flammes d'un incendie par un jeune chevalier chrétien, un templier fougueux mais philosophe.

Ce templier est lui-même un rescapé car, fait prisonnier par l'armée musulmane puis condamné à mort avec ses dix-neuf compagnons, il sera le seul à obtenir la grâce du sultan Saladin en raison de... sa ressemblance physique avec le bienaimé frère de Saladin, mort il y a belle lurette !

Il s'avère que le coeur de la petite juive, Recha, s'est mis à tambouriner très fort pour son chrétien de sauveur. Qu'en dira son père, Nathan le sage ? Qu'en dira le templier lui-même ? Qu'en dira le sultan Saladin ?

Il ne faut absolument pas que je vous en dévoile davantage, afin que vous découvriez vous-même et en temps voulu les informations relatives au passé des personnages, contrairement à ce qui m'est arrivé en lisant la préface de l'édition José Corti, qui est un gâchis déplorable. Bien que cette édition soit parfaite par ailleurs, j'hésite à lui décerner le " spoil d'or ", ex-æquo avec l'édition Pocket du Maître Et Marguerite de Boulgakov et l'édition chez L'imaginaire d'Ethan Frome d'Edith Warthon.

Vous avez compris que dans cette pièce, il sera beaucoup question de religion, qu'on naviguera constamment entre Juifs, Chrétiens et Musulmans. Lessing prend le parti de choisir trois représentants des trois religions qui soient particulièrement remarquables, par la modernité de leur vision et par la tolérance dont ils font preuve dans leurs idées religieuses, eu égard à leur siècle.

C'est tout d'abord le fait du sultan Saladin, qui traite convenablement les ressortissants juifs de Jérusalem ; c'est ensuite l'incroyable Juif Nathan, dont la tolérance, la bonté et l'aptitude au pardon rejaillissent sur ses interlocuteurs : il est l'ami d'un derviche, il est bien vu du sultan, il entretient des relations d'étroite confiance avec des frères chrétiens.

C'est enfin le magnanime Templier, qui, tout chevalier du Christ qu'il est, n'hésite pas à sauver une jeune juive au péril de sa vie ou à témoigner d'un profond et sincère respect vis-à-vis du sultan musulman qui l'a épargné. Il n'aurait même rien contre l'idée d'une union interconfessionnelle.

Gotthold (un prénom qui ne s'invente pas !) Lessing, chrétien environné par la chrétienté et écoeuré par son intolérance et son étroitesse de vue, prend donc pour cible les Chrétiens, notamment sous les traits du patriarche, symbolisant la hiérarchie cléricale, obtuse et stupide, contrairement aux plus humbles représentants de l'église chrétienne.

L'auteur en profite au passage pour dénoncer les massacres aveugles de Juifs perpétrés par les Chrétiens... Pauvre Lessing ! l'histoire allemande et les pogroms ayant eu lieu un peu partout par la suite lui donneront mille fois raison… hélas !

Mais il va plus loin encore, par son appel à la non-violence, à la non-vengeance, par son invitation à ne pas chercher à comparer les religions, sauf à dire, si besoin en était, qu'elles sont intimement liées les unes aux autres.

Enfin, la vision la plus moderne de l'auteur — quasi inimaginable pour l'époque — est très certainement à rechercher dans son époustouflante tolérance à l'égard de l'athéisme, en des temps où celui-ci ne semblait pas de mise, à tout le moins pas vraiment avouable ni admis dans les hautes sphères.

Donc, un énorme, ÉNORME coup de chapeau à Gotthold Lessing, auteur classique en Allemagne et mystérieusement ignoré en France, allez savoir pourquoi ? Je ne puis que vous inciter à faire reculer cette lacune, à lire ce grand monsieur, ce Gandhi, ce Luther King avant l'heure, dont Voltaire aurait pu écrire : " Si Nathan le Sage n'existait pas, il faudrait l'inventer. "

D'un ghetto l'autre, de Varsovie, hier, à Gaza, aujourd'hui, qu'y a-t-il de bon à attendre d'un ghetto et d'une intolérance généralisée ? Peut-être le point Godwin de l'horreur, une révulsion telle de la communauté internationale qui fera qu'on octroiera, du bout des dents et bien obligés, l'état que les Palestiniens réclament de leur sang depuis plus de cinquante ans après avoir concédé l'état juif au lendemain de l'insoutenable ? Nul n'en sait rien et je n'oublie pas que quand on lit un avis, on attend le sage, pas le fougueux désordre qui règne en celui que vous venez de lire et qui ne signifie, donc, manifestement, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          14415
Trois sages: un templier, un juif et un musulman; un derviche servile, un patriarche inhumain, une jeune fille élevée en juive et sa dame de compagnie chrétienne; voilà les personnages principaux d'une pièce de théâtre peu connue en France mais que tout élève allemand a lu.
Un texte toujours d'actualité!
Commenter  J’apprécie          100
Un Juif, un musulman et un chrétien sont à Jérusalem... Ce n'est pas le début d'une blague douteuse, ni une dépêche d'actualité, c'est la mise en place d'une pièce de théâtre extraordinaire, écrite par un Allemand né en 1729, nous dépeignant une amitié qui se nouera entre trois hommes de confessions différentes en pleine période des Croisades.


Premier personnage : Saladin, sultan bien connu pour son ouverture au monde, son esprit chevaleresque et sa grandeur d'âme. Il est installé dans une Jérusalem récemment reprise aux Croisés. Il vient d'en faire exécuter quelques-uns mais en a étrangement gracié un.

La gestion de son califat coute cher et l'argent vient à manquer. Son argentier lui souffle de faire appel à un certain Nathan.

Deuxième personnage : Nathan, dit Le Sage, est un marchand juif. Revenant à Jérusalem après un voyage d'affaires, il retrouve sa maisonnée bouleversée suite au sauvetage des flammes de sa fille adoptive par un Templier. Il s'agit justement de ce chevalier auquel Saladin a laissé la vie sauve... Nathan cherche à le remercier mais le sauveteur adopte une étrange attitude.

Troisième personnage : le Templier dont la grâce par le Sultan bouleverse les certitudes. Celles-ci seront encore plus ébranlées lorsqu'il apprendra que la jeune fille qu'il a sauvée des flammes est la fille d'un marchand juif. Ce ne sont pas seulement ses certitudes qui vacillent mais également ses sentiments car la jeune Recha, prisonnière de l'incendie, a touché son âme.

Les trois personnages vont se retrouver réunis par le hasard des circonstances (ou la destinée - le lecteur jugera) et chacun sera amené à revoir ses préjugés sur les mécréants que sont sensés être les deux autres.


La trame est assez classique : un jeune homme sauve une jeune fille, ils tombent amoureux, s'ensuivent une série d'intrigues se terminant par une "révélation" que le lecteur averti (ou le spectateur puisqu'il s'agit de théâtre) aura deviné avant qu'elle nous soit dévoilée. Rien de fantastique à ce niveau mais Lessing utilise une langue vivante, moderne, tellement fluide qu'on a l'impression d'être transportés dans le décor de cette pièce, assis dans un coin du palais de Saladin ou de la maison de Nathan. Les dialogues semblent des enregistrements de conversations, avec leurs exclamations, leurs hésitations, leur langue du quotidien, leur familiarité.

Plus fort encore que cette langue déliée, c'est le propos même de la pièce qui est profondément audacieux ! En cette période où le protestantisme domine puissamment l'Allemagne, Lessing prend le train des Lumières et démontre qu'il est possible d'être un homme bon sans suivre aucune religion et qu'il est envisageable de s'entendre sans partager les mêmes croyances. En effet, Nathan, bien que d'origine juive, n'a pas une conception très orthodoxe de la foi et applique plus volontiers le libre-examen que les Tables de la Loi.

Lessing s'en prend aux extrémistes de tout bord à travers le personnage du Patriarche de Jérusalem; il est la caricature de l'homme d'église borné, intolérant, respectant l'esprit de fraternité uniquement quand il s'applique à ses semblables.

Pour démonter ce potentat, la rencontre des trois personnages principaux de la pièce va permettre au dramaturge d'inviter à la tolérance et au-delà de celle-ci, qui est finalement le simple fait de "tolérer" l'autre, elle va nous inviter à l'ouverture et la fraternité, à l'acceptation de l'autre tel qu'il est.


On notera aussi l'attention portée aux plus faibles et l'importance de leur rôle dans la pièce.

L'argentier de Saladin, al Hafi, est un pauvre derviche qui ne perd pas de vue que la richesse n'est pas le principal en ce bas monde et que charité bien ordonnée commence par soi-même.

Les femmes ont aussi leur mot à dire puisque Saladin ne prend aucune décision sans l'aval de sa soeur Sittah et considère celle-ci comme son égale et sa meilleure conseillère.
Commenter  J’apprécie          50
Un livre ou, plutôt, une pièce de théâtre sans pareil. Discussion à Jérusalem sur les trois religions du livre. Se veut une leçon de tolérance et de fraternité. Ce qui semble bien loin du dogmatisme de ces trois religions.
Commenter  J’apprécie          40
G.E. Lessing est considéré comme le Voltaire allemand. Auteur principal de la "Aufklärung" (siècle des Lumières), Lessing aborde les thèmes de liberté et tolérance dans ses écrits. "Nathan der Weise" est son oeuvre la plus connue. Hélas, il est trop peu lu en France.
Commenter  J’apprécie          20


Lecteurs (193) Voir plus



Quiz Voir plus

Titres d'oeuvres célèbres à compléter

Ce conte philosophique de Voltaire, paru à Genève en 1759, s'intitule : "Candide ou --------"

L'Ardeur
L'Optimisme

10 questions
1295 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature française , roman , culture générale , théâtre , littérature , livresCréer un quiz sur ce livre

{* *}