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Livre irrésumable, irracontable, un univers à lui tout seul. Nous suivons, plus ou moins comme un fil rouge mais un fil rouge qui se dérobe, et menace de se rompre à chaque instant, même si finalement à la dernière extrémité il n'en est rien, José Cemi, d'abord enfant, puis adolescent, enfin jeune homme. Mais on ne vient pas de nulle part, et José Cemi est pourvu de famille, de plusieurs familles même, il y a un Basque, des Portugais, des arbres généalogiques complexes, et une parentèle nombreuse, excentrique et étrange. Et il y a les parents de José Cemi, sa mère Rialta, et son père ingénieur et colonel mort jeune, dont le souvenir plane sur la famille bien après sa disparition. Et il y a des lieux, comme certains quartiers de la Havane. Et tout cela s'enchevêtre dans un mélange baroque, part dans tous les sens, pour revenir finalement à un endroit que l'on pensait perdu définitivement. C'est pétri de culture, de références, d'idées, mais aussi d'images, de sensations, d'odeurs. Un voyage intellectuel et sensuel, dans lequel le langage est le véhicule enchanté qui amène le lecteur dans des coins et recoins qu'il ne connaîtrait jamais sans cela. Un langage poétique, touffu, d'une richesse et d'un rythme magique, vraiment caractéristique de l'écrivain. Une merveilleuse découverte, dont je me sens incapable de parler comme il le faudrait.

C'est un livre univers dans lequel on se perd, sans se perdre vraiment, il faut abandonner un peu la raison et la stabilité pour se laisser embarquer par l'auteur. Un livre qui ne conviendra pas à tous, trop atypique et dérangeant pour cela, certains le trouveront obscure, voire ésotérique, mais si le lecteur succombe à son charme, il fera une lecture inoubliable.
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Fiction poétique, autobiographique, romanesque, le chef d'oeuvre du maître incontesté de la littérature cubaine, aux accents proustiens, est sans intrigue. C'est un extraordinaire cheminement le long d'un paysage personnel : la vie du héros, José Cemi, double de Lezama Lima. Dédales mythologiques et ruelles intellectuelles nous mènent dans son passé, ses ancêtres, son destin, ses rencontres où tout est reflet de lui-même, avec une obsession lancinante, qui forge sa destinée : la chute du paradis, l'extinction d'un monde. le passé perdu construit un présent perdu qui promettra un avenir tout aussi égaré, présent constellé de tentatives d'appropriation de la flèche du temps et de décryptage des signes envoyés par les événements de l'existence.
D'une densité inouïe, Paradiso de Lezama Lima invite le lecteur à sa propre initiation, au décodage de son propre mystère.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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Etoiles notabénistes : *****

Paradiso
Traduction : Didier Coste

ISBN : 9782020364232


Paru en 1966, voici l'un des ouvrages les plus curieux que, si vous parvenez à vous y introduire, vous aurez jamais lu. Officiellement, c'est un roman. Pour certains - et ils ont raison - un roman poétique. Pour d'autres - ils n'ont pas tort non plus - un roman philosophique. Et, en ce qui me concerne, une espèce de collage rousselien. le langage utilisé est particulièrement soutenu (d'où, je suppose, le rapprochement avec Marcel Proust, bien que, il faut l'avouer, Lima possède également une façon très particulière de traiter le temps - celle de Proust restant cependant plus cartésienne et bien plus linéaire) et contribue, avec l'évocation colorée d'un Cuba et d'une La Havane pré-castristes, à façonner une ambiance onirique à souhait.

Grosso modo, "Paradiso" se divise en trois parties. Mais sachez d'abord que l'axe central en est José Cemí, le fils du Colonel, d'origine basque, et de Rialta. C'est vous dire que la première partie, entièrement consacrée à l'histoire de cette union et des origines de la famille, avec description détaillée de ses nombreux membres, dont l'extraordinaire grand-mère maternelle, Mme Augusta, relève, sans conteste, du genre réaliste. le tout jeune José y apparaît comme un enfant timide, introverti, déjà profondément rêveur, et asthmatique, ce qui, à cette époque qui ignorait la ventoline, était, pour un fils de roi comme pour un fils de berger, un véritable handicap, voire une authentique épée de Damoclès éternellement suspendue au-dessus de celui qui en souffrait.

L'asthme étant un trouble qui, en dépit de ses manifestations physiques, puise ses origines dans le psychisme, le lecteur en conclut très tôt que le petit José est doué d'une sensibilité particulièrement affûtée.

Se déroule alors tout un cortège de personnages hauts en couleur, Blancs d'origine espagnole et mulâtres, brossés non pas à grands coups révélateurs mais de façon quasi pointilliste. Tout un paysage, celui du Cuba rural et urbain du début du XXème siècle, se dessine peu à peu, dans une floraison de mots qui évoquent irrésistiblement l'extraordinaire jubilation avec laquelle, sous ces latitudes, la Nature part à l'assaut des jardins, des forêts et des moindres petits creux abritant herbe et insectes. Dès le départ, on perçoit la puissance indéniable de cette terre enchantée mais où les contrastes sont si tranchés, aussi bien matériellement que socialement. le but de l'auteur est de nous faire ressentir combien, au-delà l'exubérance de leur taille, de leur apparence et de leurs couleurs, les élément cubains dans leur ensemble, hommes, animaux, végétaux ..., puisent leurs forces - et leur âme - dans des racines étonnamment profondes dont certaines sont importées du Vieux Continent.

Réaliste, soit. Mais attention, il faut déjà s'accrocher. "Paradiso" n'est pas un livre qui se lit facilement, fût-ce dans cette partie - la plus longue, à mon sens - qui repose sur les descriptions de la réalité et se veut plus objective que subjective.

Pour la deuxième partie, où nous retrouvons un José Cemí jeune homme et étudiant à La Havane, mieux vaut avoir étudié la civilisation et les philosophes grecs. Mieux vaut aussi ouvrir une oreille tolérante à l'authentique plaidoyer pour la pédérastie que nous y présente, accompagné de différentes sauces, le personnage énigmatique de Foción, (dont on se demande si Montherlant n'est pas le modèle non avoué), un Foción qui finira dans un Centre psychiatrique (mais ne savons-nous pas que la période castriste, qui succédera à ce "Paradis", ne se montra guère indulgente pour les homosexuels ?) Foción est amoureux fou d'un étudiant plus jeune et ami de José Cemí, Fronesis. Toute la seconde partie, qui commence à ouvrir la porte à un univers et surtout à une façon d'étaler ou de rétrécir le temps qui font irrésistiblement penser à Raymond Roussel, se concentre sur ces trois personnages, Cemí, Fronesis et Foción. Sans se renier, le langage poétique de Lima y glisse plus d'une fois vers l'abstraction, voire vers une complexité utilisée à dessein pour désorienter un lecteur qui, dans la plupart des cas, laissera à mon sens tomber l'ouvrage en se demandant pourquoi, puisqu'il semblait au départ raconter l'histoire d'une famille, l'auteur se perd maintenant dans des directions aussi subjectives et pour le moins gênantes.

La troisième et dernière partie fut, pour moi, une apothéose roussélienne dans le plus pur sens du terme. Rythmée par la mort de Mme Augusta, maintenant bien veille et atteinte d'un cancer, et par la réapparition d'une connaissance de José Cemí, Licario, la tourmente se lève et le temps s'emballe. le lecteur, ravi ou épouvanté, heureux d'avoir tenu jusqu'à ce paroxysme même s'il n'en a compris que la moitié ou, au contraire, furibond de s'être fourvoyé dans cette équipée surréaliste où les tramways fonctionnent avec des têtes de taureau montées sur pignon, n'a plus qu'à se laisser emporter. Les images, du passé, du présent, du futur (?) défilent, les personnages, vivants ou morts, se télescopent, les événements, les sensations, les pensées se mêlent, s'entrelacent, s'imbriquent, se fondent ...

On ferme le livre complètement déboussolé, en se demandant ce qu'on a lu et en estimant très sincèrement que, après "Paradiso", l'"Ulysse" de Joyce est d'une simplicité exemplaire. Les uns seront frustrés, c'est certain. Les autres, tout en avouant n'avoir saisi que la moitié de ce que l'auteur a tenté d'exprimer, garderont une impression de soleil rayonnant, de Nature triomphante, de discours philosophiques prétentieux à plaisir afin de dissimuler les tristes réalités de la chair, et d'une folie joyeuse et triste, grotesque et hallucinante qui, si l'on y réfléchit bien, convient à merveille à Cuba et à son Histoire. Enfin, pour les lecteurs férus d'onirisme et de poésie, ce livre, qui dut certainement être peu aisé à traduire, constitue une pure merveille, un peu alambiquée par moments, soit, mais qui recèle bien souvent de vrais bijoux. N'ayant lu aucun autre ouvrage de José Lezama Lima, je ne saurais dire s'il s'agit là de son écriture habituelle ou s'il s'est livré à un exercice de style. En tout cas, sur le plan poétique et recherche de l'écriture, parfois au mépris de la compréhension première du lecteur, ce livre vaut largement le détour. Il contraint en effet le lecteur curieux ou qui aime relever les défis à aller plus loin, à chercher, à rechercher, y compris en lui-même ... Sans qu'il trouve jamais la réponse à cette unique question : pourquoi Lima a-t-il écrit "Paradiso" de cette façon qui se déconstruit peu à peu ? du coup, comme l'on pense aussi au prodigieux Faulkner, on est tenté d'en apprendre un peu plus sur José Lezama Lima car son "Paradiso" n'est pas une copie mais bel et bien l'aboutissement d'un parcours d'écriture dont on voudrait bien connaître les étapes.

A ne réserver toutefois qu'aux lecteurs chevronnés et qui ne se laissent pas facilement déstabiliser par la forme. ;o)
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PARADISO de JOSÉ LEZAMA LiMA
Ce roman, qui n'en est pas vraiment un, s'ouvre sur la description de la naissance de José Cemi, de sa famille proche, et de son environnement à Cuba. Souvent malade, asthmatique, couvert de pustules, il ne s'en sortira que grâce aux sortilèges d'une magie ancestrale, mélange de croix de bois et de remèdes à la composition incertaine qui le firent pisser un liquide rouge orangé vaguement écailleux! On n'entendît plus parler de ces pustules, seul l'asthme perdurera. Il gardera de son enfance l'évocation de termes étranges à ses oreilles, « émigration » ou »là bas à Jacksonville »qui sonnaient comme des temps magiques désormais révolus. Son père, le Colonel, homme important mourra jeune laissant José orphelin à 10 ans. Si José est le fil rouge de la première partie du livre, ce sont plus tard ses deux amis, Focion et Fronesis qui prendront le relais avec lui. Mais Paradiso n'est pas un roman au sens propre du terme, il n'y a pas d'histoire, seuls des fils qui traînent et permettent de suivre vaguement cette famille, prétexte à une longue et surtout totalement baroque aventure autour d‘un paradis perdu. Lequel? Celui de la noblesse cubaine peut-être mais aussi la fin d'un monde dont la destruction totale approche.
Épique et baroque dont les deux mots qui caractérisent ce pavé érudit qui nous fait passer des grecs aux romains, de St Thomas d'Aquin à St Augustin, des ballets de Diaghilev à l'Ulysse d'Homère sans oublier Mallarmé, Tolstoï ou Kafka.
Ce livre, le seul publié du vivant de Lima fut censuré par le régime castriste,qu'il avait sûrement oublié d'encenser, mais également pour son incroyable huitième chapitre qui fait la description sur des dizaines de pages de l'initiation sexuelle du jeune José Cemi en des termes pornographiques extrêmement osés pour l'époque et faisant largement appel à la mythologie grecque.
José Lezama Lima est considéré par certains critiques comme aussi important à son époque que Proust ou Joyce! Pour ma part je le vois très proche de son compatriote Alejo Carpentier.
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Fiction poétique, autobiographique, romanesque, le chef d'oeuvre du maître incontesté de la littérature cubaine, aux accents proustiens, est sans intrigue. C'est un extraordinaire cheminement le long d'un paysage personnel : la vie du héros, José Cemi, double de Lezama Lima. Dédales mythologiques et ruelles intellectuelles nous mènent dans son passé, ses ancêtres, son destin, ses rencontres où tout est reflet de lui-même, avec une obsession lancinante, qui forge sa destinée : la chute du paradis, l'extinction d'un monde. le passé perdu construit un présent perdu qui promettra un avenir tout aussi égaré, présent constellé de tentatives d'appropriation de la flèche du temps et de décryptage des signes envoyés par les événements de l'existence.
D'une densité inouïe, Paradiso de Lezama Lima invite le lecteur à sa propre initiation, au décodage de son propre mystère.
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Il faut se méfier car, Paradiso est bel et bien une forêt inextricable, où tous les mots sont vivants : ce qu'on pourrait prendre pour une branche ou une liane pourrait bien être un serpent, la forêt, comme l'écrit Alejo Carpentier*, cache des choses. Lima ne laisse que deux choix à son lecteur, contourne-moi, sans risque, ne me lis pas ou lis-moi sans me lire (il faut être disponible avec Lima). Ou bien, pénètre dans ma forêt et accepte de ne pas tout saisir. Oui Paradiso possède bien une langue qu'il faut apprendre à lire, sans trop hâtivement froncer les sourcils, "ça n'a pas de sens", "c'est du verbiage pédant"... en apparence cette langue pourrait paraître anarchique, confuse, embrouillé : elle est au contraire très articulée, comme un poème dont la beauté m'a par moments fait atteindre le nirvana. Encore que pas si souvent que je ne l'aurais voulu, le texte n'échappant pas à certaines périodes lénifiantes.

Je me suis laissé surprendre à la moitié du livre, complètement débordé par des discussions philosophiques à en perdre le nord. Quand on parle de "métissage" des cultures chez Lima, ce n'est pas une vue de l'esprit. Et de là, le visage déjà monstrueux du récit se démultiplie, comme le cerbère. Je retiendrai cependant une chose qui me semble assez importante : la veine autobiographie de cette langue. C'est comme si le narrateur regardait le film de sa vie, et nous le décrivait en direct, très précisément, mais avec l'art de transformer tous ses éléments en beautés étrangères.

* : Extrait du livre "Le partage des eaux" d'Alejo Carpentier

La forêt vierge était le domaine du mensonge, du piège, du faux-semblant ; tout y était travesti, stratagème, jeu d'apparences, métamorphose. Domaine du lézard-concombre, de la châtaigne-hérisson, de la chrysalide-mille-pattes, de la larve à corps de carotte, du poisson-torpille, qui foudroyait du fond de la vase visqueuse. Lorsqu'on passait près des berges, la pénombre qui tombait de certaines voûtes végétales envoyait vers les pirogues des bouffées de fraîcheur. Mais il suffisait de s'arrêter quelques secondes pour que le soulagement que l'on ressentait se transformât en une insupportable démangeaison causée, eût-on dit, par des insectes. On avait l'impression qu'il y avait des fleurs partout ; mais les couleurs des fleurs étaient imitées presque toujours par des feuilles que l'on voyait sous des aspects divers de maturité ou de décrépitude. On avait l'impression qu'il y avait des fruits ; mais la rondeur, la maturité des fruits, étaient imités par des bulbes qui transpiraient, des velours puants, des vulves de plantes insectivores semblables à des pensées perlées de gouttes de sirop, des cactées tachetées qui dressaient à un empan du sol une tulipe en cire safranée. Et lorsqu'une orchidée apparaissait, tout en haut, au-dessus des bambous et des yopos, elle semblait aussi irréelle et inaccessible que l'edelweiss alpestre au bord du plus vertigineux abîme. Mais il y avait aussi les arbres qui n'étaient pas verts, qui jalonnaient les bords de massifs couleur amarante, s'incendiaient avec des reflets jaunes de buisson ardent. le ciel lui-même mentait parfois quand, inversant sa hauteur sur le mercure des lagunes, il s'enfonçait dans les profondeurs insondables comme le firmament. Seuls les oiseaux étaient vrais, grâce à la claire identité de leur plumage. Les hérons ne trompaient pas, quand leur cou s'infléchissait en point d'interrogation ; ni quand, au cri du vigilant coq-héron, ils prenaient leur vol effrayé dans un frémissement de plumes blanches.
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La 1ere partie du roman traite des origines généalogiques du protagoniste principal. José Cemí, fils d'un colonel. On déblatère aussi à propos de son asthme .

La 2e partie, José est un jeune adulte. On y retrouve un genre de réflexion sur les différences sexuelles.

Enfin, pour la dernière partie, on se retrouve dans ce dit Paradiso, halluciné?, et entremêlé de mythologie grecque.

Une lecture difficile, difficile à suivre.
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